28/09/2020
28/09/2020
Une France, puissance verte et européenne
Dans la dernière note pour l’action inédite du Groupe d’études géopolitiques, Arthur Mira affirme que si la gauche a besoin de redécouvrir les relations internationales, l’écologie française a besoin d’inventer sa politique étrangère. Ce travail requiert un réexamen de la place de la France en Europe et dans le monde, autant que des menaces qui pèsent sur elle. Cette réflexion doit permettre de faire le deuil de certaines conceptions dépassées afin de construire une politique étrangère au service d’un projet écologiste, social et européen.
Une France, puissance verte et européenne
La crise sanitaire et écologique actuelle est mondiale mais peu de réflexions semblent en cours au sein des partis écologistes et de gauche sur les relations internationales. L’élaboration d’un projet de société émancipateur nécessite pourtant de penser sa diplomatie et sa défense face à des menaces extérieures anciennes et nouvelles tout autant que sa promotion à travers la coopération internationale et transnationale. Alors que des tensions dont l’Europe se croyait affranchie atteignent désormais ses frontières, il faut protéger les utopies réalistes pour qu’elles grandissent.
Jusqu’à présent, le débat de politique étrangère entre les différents forces de gauche et écologistes a été structuré par trois tendances : à l’exception de la décision d’accueillir la COP21, le gouvernement de François Hollande s’est caractérisé par une logique pragmatique et réactive, à la fois dépendante des décisions de Nicolas Sarkozy et de crises ultérieures. Au-delà du succès de l’accord de Paris, ce pragmatisme a conduit à l’approfondissement de la coopération militaire avec les Etats-Unis pour lutter contre Daech et à une approche faible en Europe. La France insoumise a au contraire puisé dans une tradition anti-impérialiste et non alignée pour suggérer de profonds changements d’alliances, en ignorant d’autres évolutions, comme le recul américain, ou menaces, telles que l’affirmation russe. Une troisième voie, centrée sur les valeurs humanistes, s’est également formée autour de Génération.s. et de EELV pour critiquer d’une part les excès de la lutte contre le terrorisme et de la politique migratoire européenne et d’autre part les complaisances de la France insoumise à l’égard de régimes autoritaires.
Au-delà des mérites et faiblesses de ces différentes approches, aucune ne semble être en mesure de faire face aux évolutions actuelles d’une scène internationale plus conflictuelle et marquée par le recul de l’influence américaine sous Donald Trump. La gauche et les écologistes ont ainsi besoin d’entamer un travail d’inventaire et de redéfinition des orientations de politique étrangère d’un potentiel gouvernement écologiste et social. Il convient de revisiter les outils traditionnels de la politique étrangère interétatique pour les adapter au monde actuel et les articuler avec des modes nouveaux de mobilisation et d’action.
Une telle réflexion doit commencer par une approche lucide de la France comme puissance moyenne et l’abandon des représentations héritées de la guerre froide. Il est par ailleurs indispensable de prendre conscience que la France a besoin de l’Europe pour se défendre et promouvoir ses idées, indépendamment des désaccords sur la gouvernance économique de l’UE. Des coopérations comme celle développée avec les Etats-Unis ou avec les pays du Golfe, notamment dans la lutte contre le terrorisme, doivent être repensées. L’évaluation de la situation internationale actuelle rend également urgent de se préparer à des mesures hostiles de la part d’autres puissances moyennes qui profitent du vide laissé par les Etats-Unis. Enfin, il est vital d’inscrire une nouvelle ambition écologiste comme priorité de la politique étrangère française et européenne et de reprendre le travail entamé avec la COP21 avec des méthodes plus innovantes. Ce droit d’inventaire ouvre de multiples axes de travail pour les acteurs écologistes et de gauche. Une réflexion sur les intérêts français et sur le degré de souveraineté qu’ils impliquent est indispensable. S’interroger sur les moyens de construire une Europe à l’ambition géopolitique mais débarrassée des logiques impériales est également essentiel. Un enjeu structurel est de cultiver les atouts dont dispose la France dans le monde et de mieux gérer ses moyens. La tradition française doit aussi la conduire à redéfinir un projet global pour renforcer les régulations internationales et revisiter le fonctionnement des organisations internationales afin d’établir une stratégie claire et structurée pour relever le défi climatique.
citer l'article
Arthur Mira, Une France, puissance verte et européenne, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2020,