Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élection au Conseil national suisse, 22 octobre 2023
Issue #4
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Issue #4

Auteurs

Anke Tresch

Numéro 4, Janvier 2024

Élections en Europe : 2023

Contexte

En Suisse, les élections au Conseil national ont lieu l’avant-dernier dimanche d’octobre, en même temps que le premier tour des élections au Conseil des États. La Suisse présente un système bicaméral équilibré dans lequel les deux chambres, le Conseil national et le Conseil des États, disposent des mêmes prérogatives. Les 26 cantons forment autant de circonscriptions électorales pour l’élection des deux chambres du Parlement. Le Conseil national, qui représente l’ensemble de la population, est élu depuis 1919 suivant un mode de scrutin proportionnel. Tous les quatre ans, ses 200 sièges sont répartis entre les cantons en proportion de leur population, chaque canton disposant d’au moins un siège. Le Conseil des États représente les cantons qui y disposent chacun de deux sièges, à l’exception des anciens « demi-cantons » qui n’y comptent qu’un député. Les élections au Conseil des États sont organisées par le droit cantonal, qui prévoit dans la plupart des cas un scrutin majoritaire 1 . Les différents modes de scrutin entraînent des rapports de force partisans différents dans les deux chambres : le Conseil des États est et demeure le bastion des démocrates-chrétiens (PDC) et des libéraux (PLR), tandis qu’au Conseil national, l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) et le Parti socialiste (PS, gauche) disposent depuis les élections de 1999 de nettement plus de sièges que le PDC et le PLR.

À partir du milieu des années 1990, le paysage politique suisse s’est certes profondément modifié avec la montée en puissance de l’UDC. Cependant, entre deux élections successives, la part des voix recueillis par les différents partis n’évoluait d’ordinaire que faiblement, de 2 à 3 points de pourcentage. Au regard de cette évolution passée, les résultats des élections au Conseil national de 2019 présentaient un caractère historique : les Verts y ont en effet vu leur part électorale s’accroître de 6,1 points de pourcentage et, avec 17 mandats supplémentaires au Conseil national, ont réussi le plus grand gain en sièges jamais obtenu par un parti depuis l’introduction du scrutin proportionnel en 1919, tandis que l’UDC reculait de 3,8 points de pourcentage, perdant 12 sièges. Les trois autres partis siégant au sein du gouvernement collégial — les libéraux (PLR), les démocrates-chrétiens (PDC) et les sociaux-démocrates (PS) — ont également enregistré leurs plus mauvais résultats électoraux à ce jour. Le PDC, parti disposant d’une importante assise traditionnelle, a été supplanté pour la première fois par les Verts en tant que quatrième force politique et a fusionné en janvier 2021 avec le Parti bourgeois-démocratique (PBD) pour former le nouveau parti « Le Centre ». Le deuxième parti vert, les Vert’libéraux (PVL), fondé en 2007 au niveau national, figurait également parmi les vainqueurs des élections au Conseil national de 2019, avec un gain de voix de 3,2 points de pourcentage. La représentation des femmes a atteint ses plus hauts niveaux à ce jour avec 42 % au Conseil national et 26 % au Conseil des États.

La législature 2019-2023 a été marquée par de multiples crises (Heidelberger, 2024). Quelques mois seulement après les élections de 2019, le Conseil fédéral et le Parlement ont été confrontés au défi de la pandémie de COVID-19 et de ses conséquences. En mars 2020, le Conseil fédéral a décrété un confinement par voie d’ordonnance sans recueillir l’accord du Parlement, et a accordé des aides généreuses aux entreprises et aux branches de l’économie touchées par la pandémie. Le Parlement a interrompu sa session de printemps et annulé les votations populaires prévues pour le mois de mai suivant. Cependant, dès septembre, le Parlement a adopté la « loi COVID-19 », qui est aussitôt entrée en vigueur. Plusieurs associations et groupes d’action ont alors lancé un référendum contre cette loi et ses deux révisions. Après avoir initialement soutenu le texte, l’UDC a été le seul parti siégant au Conseil fédéral à rejoindre le camp des opposants aux mesures de lutte contre l’épidémie et à rejeter les deux révisions ultérieures de la loi d’urgence. La loi sur les pandémies et ses révisions ont toutefois été acceptées lors des trois votations populaires qui s’en sont suivies (en juin 2021, novembre 2021 et juin 2023), avec des pourcentages de « oui » allant de 62 à 69%. Malgré ces défaites dans les urnes, des groupements d’opposants aux mesures sanitaires se sont présentés aux élections fédérales dans plusieurs cantons. Alors que la situation épidémiologique se normalisait, la guerre d’agression russe contre l’Ukraine démarrée en février 2022 a déclenché des discussions animées sur l’orientation de la politique étrangère et la neutralité suisse. Après un moment d’hésitation, la Suisse a repris les sanctions décidées par l’UE contre la Russie et a activé pour la première fois le statut de protection S pour accueillir rapidement les réfugiés veus d’Ukraine. Par suite directe de la guerre en Ukraine, la Suisse s’est vue confrontée à la menace d’une pénurie d’énergie. Cela a entraîné une hausse des prix de l’énergie, mais aussi un renchérissement général du coût de la vie et une baisse du pouvoir d’achat qui a été notamment mis en avant par le PS dans sa campagne électorale. En mars 2023, la reprise d’urgence de la deuxième banque suisse, le Crédit Suisse, par l’UBS, rendue possible grâce à une garantie de prise en charge des pertes par la Confédération et des prêts de liquidités consentis par la Banque nationale suisse (BNS), a également suscité la controverse.

Campagne électorale

À partir des élections de 2007, le nombre de candidatures et de listes déposées a fortement augmenté (Lutz & Tresch, 2022 : 524). En 2023, de nouveaux records ont été atteints : 5’909 candidats se sont présentés sur 618 listes dans les vingt cantons à représentation proportionnelle (OFS, 2023a) 2 . Par rapport aux élections de 2019, cela correspond à une augmentation de 27% pour les candidats et de 21% pour les listes, la part des femmes restant pratiquement inchangée avec environ 41%. La raison principale de cette nouvelle augmentation du nombre de candidats et de listes est le fait que les grands partis, en particulier les Vert’libéraux et Le Centre, se présentent de plus en plus souvent dans tous les cantons avec plusieurs listes partielles (séparées par âge, région ou sexe) afin de s’adresser de manière ciblée à des électorats spécifiques. Les listes partielles thématiques (par exemple la liste Vert’libéraux « Animaux et nature ») ont constitué une nouveauté dans plusieurs cantons.

Lors de la campagne électorale, les apparentements de listes ont particulièrement fait parler d’eux dans le camp bourgeois [NDT : l’appellation de « camp bourgeois » est usuelle en français de Suisse pour désigner les partis du centre-droit et de la droite]. Deux partis ou plus peuvent lier leurs listes, de sorte que celles-ci sont d’abord considérées comme une seule liste électorale lors de la répartition des sièges. Ce mécanisme limite les pertes de voix pour les partis. Traditionnellement, le PS et les Verts apparentent leurs listes dans pratiquement tous les cantons où le scrutin proportionnel est utilisé. Par le passé, l’UDC a principalement établi des apparentements de listes avec des petits partis de droite (UDF, Lega, MCG), mais rarement avec le PLR. Mais cette absence d’apparentements lui a fait perdre huit sièges au Conseil national lors des élections de 2019 (OFS, 2021). Pour cette raison, en 2023, l’UDC s’est efforcé d’élargir ses apparentements. Dans un premier temps, elle a cherché à s’allier dans plusieurs cantons avec les partis anti-mesures sanitaires nouvellement créés. En raison de l’opposition du PLR, elle y a renoncé et a décidé pour la première fois d’établir des apparentements de listes avec le PLR dans neuf cantons (OFS, 2023b).

Les nouvelles règles de transparence en matière de financement politique ont été appliquées pour la première fois lors des élections au Conseil national de 2023. Conformément au chapitre 5b de la Loi fédérale sur les droits politiques, les partis ont dû publier tous les dons supérieurs à 15’000 francs par donateur, leurs recettes, ainsi que les contributions des parlementaires et des autres élus du parti. Il en allait de même pour les personnes participant à la campagne et les organisations politiques dont les dépenses pour les élections au Conseil national s’élevaient à plus de 50’000 francs. Pour la campagne électorale, les partis ont déclaré au Contrôle fédéral des finances (CDF) des budgets de campagne d’un montant de 54 millions de francs suisses et des dons d’un montant de 12 millions de francs 3 . Les montants les plus importants ont été déclarés par le PLR et l’UDC (environ 11 à 12 millions de francs chacun), suivis par le PS et le Centre (7 à 8 millions de francs chacun). Les Verts (3,5 millions) et les Vert’libéraux (3 millions) disposaient également de budgets de plusieurs millions de frances, tandis que les autres partis devaient se contenter de quelques dizaines ou centaines de milliers de francs. Seuls 2% des candidats, soit 119 personnes, ont été soumis à l’obligation de publication du fait d’un investissement dans leur propre campagne supérieur à 50’000 francs.

Contrairement aux élections nationales de 2019 et 2015, lors desquelles la question du changement climatique avait joué un rôle central, aucun thème unique n’a dominé la campagne des élections de 2023. Selon l’enquête réalisée pour le compte de la SRG SSR le jour de l’élection, trois thèmes préoccupaient particulièrement les électeurs : la hausse des primes d’assurance maladie, le changement climatique et l’immigration. Fin septembre 2023, le ministre de l’Intérieur avait annoncé une augmentation des primes d’assurance maladie de 8,7% en moyenne pour l’assurance de base en 2024, soit la plus forte augmentation depuis 20 ans. Cette annonce avait suscité l’inquiétude d’une grande partie de la population, dans un contexte de hausse générale des prix et de baisse continue du pouvoir d’achat. La hausse des primes d’assurance-maladie a dès lors dépassé le changement climatique parmi les « défis pour la Suisse » les plus fréquemment cités par les répondants. Néanmoins, après les températures record de l’été et diverses catastrophes naturelles, le changement climatique est demeuré un thème important dans toutes les régions du pays. Par rapport à 2019, le mouvement climatique a toutefois perdu de son élan : d’une part, la manifestation nationale pour le climat fin septembre 2023 a donné lieu à une mobilisation nettement moindre que quatre ans auparavant ; d’autre part, une série de blocages de routes par des activistes climatiques ont provoqué le mécontentement de la population. À l’inverse, l’immigration a fortement gagné en importance par rapport aux élections de 2019. En septembre 2023, la population officielle de la Suisse a pour la première fois dépassé la barre symbolique des 9 millions. Cela a incité l’UDC à lancer une initiative populaire visant à limiter la population résidente permanente à 10 millions de personnes d’ici 2050. Pendant la campagne électorale, le parti a présente l’augmentation du nombre des demandes d’asile comme un « chaos de l’asile » et a diffusé des spots électoraux ciblant les immigrés criminels.

Participation électorale et résultats des partis

La participation électorale a diminué de manière constante en Suisse depuis l’introduction du scrutin proportionnel en 1919, avant de se stabiliser entre 45 et 50 % depuis la fin des années 1990 (Lutz & Tresch, 2022 : 528). En 2023, 46,7% des électeurs ont participé aux élections au Conseil national, soit une légère augmentation de 1,6 point de pourcentage par rapport à 2019. Comme d’habitude, c’est dans le canton de Schaffhouse, où le vote est obligatoire, que la participation a été la plus élevée (61,6%). Dans la comparaison internationale, la Suisse fait partie des pays où la participation électorale est la plus faible. Cela s’explique d’une part par les possibilités de participation de démocratie directe très développées entre les élections et d’autre part par le fait que les résultats des élections n’ont pas d’impact direct sur la formation du gouvernement (Blais, 2014).

Les élections au Conseil national de 2023 ont entraîné un léger glissement vers la droite et peuvent donc être considérées comme des élections de correction par rapport à 2019 (Bernhard, 2024). Après avoir subi de lourdes pertes en 2019, l’UDC (droite conservatrice) est sortie clairement gagnante des élections de 2023. Elle a progressé de 2,3 points de pourcentage et a emporté 9 sièges supplémentaires. Si l’UDC n’a donc pas pu compenser entièrement ses pertes de 2019, elle a cependant obtenu le deuxième meilleur résultat de son histoire avec une part de voix de 27,9%. L’UDC a progressé sur l’ensemble du territoire, mais c’est dans les communes rurales et périurbaines de Suisse romande que sa croissance a été la plus forte.

Après avoir perdu des voix il y a quatre ans, le PS a cette fois également fait partie des gagnants. Les socialistes ont réussi à augmenter leur force électorale de 1,5 point de pourcentage pour atteindre 18,3% et engranger 2 mandats supplémentaires. C’est dans les cinq plus grandes villes du pays (Zurich, Berne, Bâle, Lausanne et Genève) que le PS a le plus nettement progressé. Avec ce résultat électoral, le PS confirme clairement sa place de deuxième parti de Suisse, d’autant plus que son principal concurrent à cette place, le PLR, poursuit son recul. Avec une perte de sièges et une part des voix de seulement 14,3% (-0,8 point de pourcentage), le PLR a atteint un niveau historiquement bas depuis l’introduction du scrutin proportionnel en 1919. Il a dépassé d’une très courte tête le nouvea parti Le Centre qui, avec 14,1% de parts de voix, a fait mieux que la part de voix combinée de ses prédécesseurs, le PDC (11,4%) et le PBD (2,4%), lors des élections de 2019. Au total, les quatre partis gouvernementaux ont légèrement progressé par rapport à 2019 et totalisent désormais 74,6% de parts de voix.

Les grands vainqueurs des élections de 2019 ont en revanche essuyé de lourdes pertes. Les Verts se sont effondrés de 3,4 points de pourcentage et sont repassés en-deçà du seuil des 10 %. Du fait d’une distribution favorable des sièges, ils n’ont toutefois perdu que 5 de leurs 28 mandats et comptent désormais 23 élus au Conseil national. À l’inverse, les Vert’libéraux n’ont perdu que 0,2 point de pourcentage en voix (à 7,6%), mais ont perdu six sièges (à 8 élus). Malgré l’inquiétude climatique persistante au sein de la population, la « vague verte » engagée en 2019 a ainsi été stoppée.

Des évolutions ont également eu lieu parmi les petits partis. La gauche radicale a perdu ses deux mandats et n’est désormais plus représentée au Parlement. En revanche, le Mouvement Citoyen Genevois (MCG, populiste) a fait son entrée au Conseil national, obtenant deux sièges. Parmi les partis religieux, le Parti évangélique (PEV, centriste), centriste, a perdu un siège, tandis que l’Union démocratique fédérale (UDF, conservatisme chrétien) en a gagné un. Enfin, la Lega dei Ticinesi a pu conserver son unique mandat, tandis que les partis anti-restrictions sanitaires ont échoué a obtenir des élus.

Dans l’ensemble, le bloc de droite composé de l’UDC, du PLR et des petits partis de droite UDF, Lega et MCG est sorti renforcé de ces élections. Cependant, contrairement à ce qui s’était produit en 2015, il n’a pas atteint la majorité absolue de 95 sièges au Conseil national. Conséquence du renforcement de la droite au détriment de la gauche et des Verts, la part des femmes parmi les élus au Conseil national a chuté à 38,5% après le record de 2019 (42%), ce qui correspond néanmoins au deuxième meilleur résultat depuis l’introduction du droit de vote des femmes en 1971.

Au Conseil des États, en revanche, la part des femmes a continué à s’accroître, atteignant un nouveau record de 34,8%. La répartition des mandats entre les partis n’a en revanche que peu changé : le centre a gagné deux sièges, les Vert’libéraux et le MCG un siège chacun, tandis que les Verts en ont perdu deux et le PLR, un. Les vainqueurs des élections au Conseil national, l’UDC et le PS, ont conservé leurs 6 et 9 sièges respectivement. Contrairement à la situation qui prévaut au Conseil national, le centre-gauche composé du Centre, des Vert’libéraux, du PS et des Verts dispose au Conseil des États d’une majorité de 28 sièges.

Formation gouvernementale

En Suisse, les élections fédérales n’ont normalement pas d’impact direct sur la formation du gouvernement. D’une part, les membres du Conseil fédéral en exercice sont généralement confirmés dans leurs fonctions lorsqu’ils se présentent à leur réélection. D’autre part, selon la règle non écrite de la concordance, les quatre premiers partis au Conseil national se répartissent les sept sièges du Conseil fédéral en vertude la « formule magique » qui attribue deux sièges à chacun des trois plus grands partis et un siège au quatrième parti (Sciarini, 2023 : chap. 4). La formule magique est toutefois soumise à une pression accrue depuis les élections de 2019, lorsque les Verts ont remplacé pour la première fois le PDC en tant que quatrième plus grand parti, mais que la candidature au Conseil fédéral de leur présidente, Regula Rytz, a échoué. Avant les élections de 2023, les Verts avaient à nouveau déclaré prétendre à un siège au Conseil fédéral s’ils obtenaient au moins 10% des voix – convoitant l’un des sièges détenus par le PLR plutôt que celui du conseiller fédéral PS Alain Berset, qui a démissionné en juin 2023. Bien que les Verts aient manqué de peu la barre des 10%, ils ont finalement décidé, après une courte période d’hésitation, de se présenter aux élections fédérales avec leur conseiller national Gerhard Andrey, et de s’attaquer au siège du conseiller fédéral PLR Ignazio Cassis. Après la défaite électorale des Verts, les autres partis ont toutefois contesté leur droit à un siège au Conseil fédéral. Au vu du résultat des élections, il apparaissait en effet plus cohérent qu’un deuxième siège soit attribué au Centre au détriment du PLR. Certes, le Centre avait obtenu un résultat légèrement plus faible que le PLR, mais il détenait cinq sièges de plus que ce dernier au sein de l’Assemblée fédérale composée du Conseil national et du Conseil des États. Le président du Centre a toutefois indiqué dès le soir de l’élection que son parti n’avait pas l’intention de remettre en cause le poste de l’un des membres du conseil fédéral sortant pour tenter d’obtenir un second siège.

Compte tenu de cette situation, il n’est guère surprenant que tous les conseillers fédéraux en fonction aient été confirmés dans leurs fonctions le 13 décembre 2023. Le représentant du PS bâlois Beat Jans a été élu en remplacement du conseiller fédéral PS démissionnaire Alain Berset. Lors de la prochaine démission de l’un des deux membres du Conseil fédéral issus du PLR, la « formule magique » existante devrait toutefois à nouveau être mise sous pression.

Conclusion

Après la « vague verte » (Bernhard, 2020) des élections de 2019, l’élection de 2023 a donné lieu à une forme de rééquilibrage. L’UDC (nationale-conservatrice) est sortie gagnante des élections de 2023 avec 27,9% des voix (+2,3 points de pourcentage), tandis que les Verts ont subi une défaite importante (-3,4 points de pourcentage). Les légers gains sociaux-démocrates n’ont pas compensé les pertes des Verts, de sorte que le bloc de gauche s’est globalement affaibli. Par rapport à 2019, les changements ont toutefois été moins importants. Ils ont été encore moins importants au Conseil des États, où le centre-gauche a pu conserver sa majorité.

Le succès électoral de l’UDC au Conseil national s’inscrit dans la lignée des récentes victoires électorales des partis populistes de droite en Europe occidentale, tels que Fratelli d’Italia en Italie, le Parti pour la liberté (PVV) aux Pays-Bas, les Démocrates suédois (SD) en Suède ou les Vrais finlandais. L’UDC est le représentant de cette famille politique qui dispose des parts de voix les plus importantes au niveau national. La campagne électorale monothématique de l’UDC, axée sur la migration dans un contexte d’augmentation de la population et des demandes d’asile, semble avoir porté ses fruits. La question de savoir si ce résultat électoral se traduira par un durcissement de la politique migratoire et d’asile dépendra toutefois de la volonté de coopération du PLR et du Centre au Parlement, ainsi que, le cas échéant, du résultat des votations populaires. Avec le renforcement des partis situés aux deux bords du spectre politique au Conseil national – l’UDC à droite et le PS à gauche –, la polarisation au sein du système de partis suisse s’est également accrue. On peut ainsi s’attendre à ce qu’au cours de la prochaine législature, le nombre de projets soutenus conjointement par les quatre partis gouvernementaux au Parlement et lors des votations populaires continue de diminuer (Sciarini, 2023 : 300, 303). La prochaine législature démarrera donc dans une configuration délicate, notamment sur le dossier si important de l’accord-cadre avec l’Union européenne. Les deux partis se sont déjà montrés extrêmement critiques à l’égard du nouveau mandat de négociation du Conseil fédéral concernant un nouvel accord de coopération avec l’UE.

Les données

Bibliographie

Bernhard, L. (2020). The 2019 Swiss federal elections: the rise of the green tide. West European Politics 43(6) : 1339-1349.

Bernhard, L. (2024). The 2023 Swiss federal elections: the radical right did it again. West European Politics.

Blais, A. (2014). Why is turnout so low in Switzerland? Comparing the attitudes of Swiss and German citizens toward electoral democracy. Swiss Political Science Review 20(4) : 520-528.

Federal Statistical Office (2023a). National Council elections 2023: lists and candidacies. Neuchâtel : Office statistique fédéral. En ligne.

Federal Statistical Office (2023b). Nationalratswahlen: Listenverbindungen nach Parteien. Neuchâtel : Office statistique fédéral. En ligne.

Swiss Federal Statistical Office (2021). Nationalratswahlen 2019: Mandatsgewinne und -verluste aufgrund von Listenverbindungen. Neuchâtel : Office statistique fédéralice. En ligne.

Heidelberger, A. (2024). Ausgewählte Beiträge zur Schweizer Politik: Rückblick auf die 51. Legislatur: Vom Umgang des politischen Systems mit (grossen) Krisen, 2023. Bern: Année Politique Suisse, Institut für Politikwissenschaft, Universität Bern.

Lutz, G. et Tresch, A. (2022). Die nationalen Wahlen in der Schweiz. In Papadopoulos, Y., P. Sciarini, A. Vatter, S. Häusermann, P. Emmenegger, & F. Fossati (éd.). Handbuch der Schweizer Politik – Handbook of Swiss Politics (pp. 519-557). Bâle : NZZ Libro.

Sciarini, P. (2023). Swiss politics. Institutions, acteurs, processus. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes.

Notes

  1. En général, la majorité absolue des voix est requise au premier tour, la majorité relative au second. Les cantons du Jura et de Neuchâtel attribuent leurs deux sièges à la proportionnelle. Dans le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, l’élection au Conseil des États a lieu lors de la Landsgemeinde au mois d’avril de l’année électorale (Lutz et Tresch, 2022). Les seconds tours ont lieu à partir de la mi-novembre, à une date variant selon les cantons.
  2. S’y ajoutent les personnes qui se présentent aux élections dans les six cantons utilisant un scrutin majoritaire à un seul siège (Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures).
  3. Les montants peuvent être consultés sur politikfinanzierung.efk.admin.ch.
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Anke Tresch, Élection au Conseil national suisse, 22 octobre 2023, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2024,

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