Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élection parlementaire en Serbie, 17 décembre 2023
Issue #5
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Issue #5

Auteurs

Maja Nastić

Numéro 5, Janvier 2025

Élections en Europe : 2024

Introduction

Dans ce texte, nous analysons le contexte et les résultats des élections parlementaires qui se sont tenues en République de Serbie le 17 décembre 2023. Ces élections se sont tenues dans un contexte de tensions politiques et sociales inédites, conséquences de deux fusillades de masse ayant eu lieu en mai 2023 1 . Ces événements ont profondément affecté la société serbe, conduisant à des manifestations de masse qui ont commencé le 12 mai et se sont poursuivies pendant les 27 semaines suivantes à Belgrade et dans de nombreuses autres villes de Serbie. Les manifestations organisées sous le slogan « La Serbie contre la violence » ont rassemblé des représentants des partis d’opposition, de la société civile et d’autres organisations. Le 18 juillet, l’Assemblée nationale a constitué une commission d’enquête chargée d’examiner les faits et circonstances ayant conduit aux meurtres, d’identifier les manquements des autorités publiques dans l’exercice de leurs compétences et de recommander les mesures appropriées, ainsi que de déterminer les responsabilités des différents acteurs et de proposer des actions correctives. Marinika Tepić, chef du groupe parlementaire d’opposition « Unis » (Ujedinjeni), a été élue présidente de cette commission à la majorité des voix. Cependant, trois jours plus tard, l’Assemblée nationale a annoncé qu’elle suspendait les travaux de la commission à la demande des représentants des familles des victimes.

Cela a contribué à aggraver encore la situation politique, qui s’est accompagnée d’un mécontentement social croissant. En outre, à la fin du mois de septembre, un incident armé dans le nord du Kosovo 2 a entraîné la mort d’un policier kosovar et de trois autres membres d’un groupe armé informel de nationalité serbe. La position de la Serbie en matière de politique étrangère a été fortement affectée par cet événement (CRTA, 2023). Certains médias ont alors fait état de la mobilisation de l’appareil Parti progressiste serbe au pouvoir et d’une partie de l’opposition, qui ont demandé la tenue d’élections législatives et locales anticipées à Belgrade (CRTA, 2023).

Enfin, le 30 octobre 2023, le gouvernement a proposé au président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale (Gouvernement serbe, 2023). Selon les annonces gouvernementales, la tenue de nouvelles élections législatives devait garantir de meilleurs standards démocratiques, réduire les tensions entre les courants politiques, sanctuariser le rejet de la polarisation et des discours de haine et affirmer la liberté d’expression et les valeurs européennes de la Serbie (Tanjug, 2023).

Sur la base de l’article 109, paragraphes 1 et 5 de la Constitution et de l’article 21, paragraphe 1 de la loi sur le président de la République, le président Aleksandar Vučić a dissous le parlement et convoqué des élections législatives anticipées pour le 17 décembre. Le même jour, le président du Parlement a convoqué des élections locales dans 65 des 174 collectivités locales, dont la capitale, après que les maires du parti au pouvoir ont annoncé leur démission à partir du 28 septembre. Les démissions ont eu lieu principalement dans les municipalités où les représentants de la coalition au pouvoir estimaient pouvoir l‘emporter à nouveau. Bien que les maires aient expliqué leur démission par des raisons d’ordre moral, des économies budgétaires et le fait qu’il n’était pas nécessaire de voter deux fois en peu de temps, les véritables raisons de leur geste sont à chercher dans les tactiques bien connues de la coalition au pouvoir dirigée par le Parti progressiste serbe.

Le 16 novembre, l’élection de l’assemblée provinciale de la province autonome de Voïvodine a été fixée à la même date. En Serbie, il n’est pas rare que plusieurs élections aient lieu le même jour. En 2022, les élections présidentielles et parlementaires s’étaient déroulées simultanément; c’était également le cas des élections parlementaires, provinciales et locales en 2020 et 2016.

Les élections législatives de décembre 2023 sont les deuxièmes élections anticipées en moins de deux ans et les troisièmes élections en quatre ans. Depuis l’introduction du système multipartite en 1990, 14 élections ont eu lieu, dont 10 ont eu lieu avant le terme de la législature en cours. Seules quatre élections parlementaires régulières on tété organisées en plus de 30 ans (figure a).

ÉlectionMandats remportésParticipation
9 décembre 1990Parti socialiste de Serbie (SPS) : 194
Mouvement de renouveau serbe (SPO) : 19
Parti démocratique (DS) : 7
Partis des minorités nationales : 14
71,49%
21 septembre 1997Parti socialiste de Serbie-Parti de la gauche yougoslave-Nouvelle démocratie (SPS-JUL-ND) : 110
Parti radical serbe (SRS) : 82
Mouvement de renouveau serbe (SPO) : 45
Alliance des Hongrois de Voïvodine (SVM) : 4
57,40%
6 mai 2012Parti progressiste serbe (SNS) : 73
Parti démocrate (DS) : 67
Parti socialiste de Serbie-Parti des retraités unis de Serbie (SPS-PUPS) : 44
Parti démocratique de Serbie (DSS) : 21
57,76%
21 juin 2020Parti progressiste serbe (SNS) : 188
Parti socialiste de Serbie-Parti des retraités unis de Serbie-Serbie unie (SPS-PUPS-JS) : 32
Alliance patriotique serbe (SPAS) : 11
48,88%
Figure a · Élections parlementaires régulières en Serbie (1990-2023)
Source : CRTA.

Contrairement à la situation qui prévaut dans d’autres pays européens, en Serbie les élections législatives anticipées sont la règle plutôt que l’exception. Des cycles électoraux fréquents résultent de l’instabilité des conditions politiques et de l’impossibilité de former des majorités parlementaires stables, un problème constant depuis 2014 (Jovanović et Simić, 2023). Ainsi, le gouvernement convoque fréquemment des élections anticipées, choisissant le moment le plus favorable pour préserver son pouvoir par des manœuvres stratégiques. Les cycles électoraux fréquents créent une tension constante dans le système politique, induisant une atmosphère pré-électorale permanente. Le rapport de Freedom House préparé au début de l’année 2020 confirme à quel point cette tendance électorale nuit à la qualité de la gouvernance démocratique. La Serbie a été rétrogradée en 2020 du rang de démocratie semi-consolidée à celui de régime hybride du fait de la coexistence de pratiques autoritaires et d’une compétition électorale démocratique (Damjanović, 2020). La Serbie est une démocratie parlementaire avec des élections multipartites compétitives. Toutefois, le Parti progressiste serbe au pouvoir a constamment érodé les droits politiques et les libertés civiles au cours des dernières années, faisant pression sur les médias indépendants, l’opposition politique et les organisations de la société civile (Burazer, 2023).

Le cadre juridique

La Constitution de la République de Serbie (2006) définit les principes fondamentaux du système électoral. Bien qu’elle ne précise pas la méthode exacte de répartition des sièges à utiliser, la Constitution exige implicitement un système de représentation proportionnelle. Elle sanctuarise les principes du suffrage universel, égal, libre, secret et direct, communs à tous les systèmes électoraux et qui constituent un aspect particulier du patrimoine constitutionnel européen. Cependant, ces principes ne peuvent être garantis que si certaines conditions générales sont réunies : respect des droits fondamentaux, stabilité réglementaire et stabilité du droit électoral, ainsi que des garanties procédurales. En outre, la Constitution de la Serbie fixe le délai dans lequel les élections doivent être annoncées et organisées, une pratique rare en droit constitutionnel comparé (Pajvančić et Marinković, 2022).

La législation électorale en Serbie n’est pas homogène, étant contenue dans plusieurs actes législatifs. Les élections parlementaires sont principalement régies par la loi de 2022 sur l’élection des membres du Parlement, la loi de 2009 sur l’enregistrement unifié des électeurs ainsi que les décisions et instructions de la Commission électorale de la République (REC). Le cadre juridique a été considérablement révisé au début de l’année 2022 suite à un dialogue entre le parti au pouvoir et l’opposition. Le Parlement européen (PE) a joué le rôle de médiateur dans le dialogue entre les partis. La première réunion s’est tenue les 9 et 10 octobre 2019 et s’est concentrée sur l’amélioration des conditions d’organisation des élections parlementaires ; la deuxième s’est tenue les 14 et 15 novembre 2019, conduisant à la mise en avant d’initiatives supplémentaires pour améliorer les conditions d’organisation des élections parlementaires grâce aux recommandations du rapport de la mission de la Commission européenne et de l’OSCE/ODHIR. Le dernier tour de la première phase du dialogue interpartisan s’est tenu les 12 et 13 décembre (Pásztor, 2022). Le dialogue entre les partis, mené sous la médiation du Parlement européen, a abouti à l’adoption de seize mesures visant à améliorer le déroulement du processus électoral (OSCE, 2022). Ces mesures comprennent la création d’un organe de surveillance temporaire et d’autres initiatives pour promouvoir un accès plus égal des partis aux médias, permettre à l’opposition extraparlementaire d’être représentée à la Commission électorale de la République, prévenir les pressions sur les électeurs et lutter contre les abus des fonctions et des ressources publiques.

Le rapport de l’OSCE sur les élections présidentielles et parlementaires anticipées, publié en août 2022, propose un certain nombre de recommandations. Ces recommandations, qui découlent de la vaste expérience et de l’expertise de l’OSCE en matière électorale, sont essentielles pour améliorer le processus électoral en Serbie. Le rapport souligne la nécessité d’un examen juridique plus approfondi pour lutter contre l’utilisation abusive des ressources administratives et de l’accès aux médias (OSCE, 2022). Il suggère aux autorités de prendre des mesures pour prévenir les abus de pouvoir et de ressources publiques et de définir plus clairement, par une législation appropriée, les limites entre les fonctions officielles du titulaire et sa campagne. Afin de garantir l’égalité des chances entre les candidats, il demande également de séparer clairement les activités de l’État de celles des partis et d’adopter des règles pour réglementer la campagne électorale, y compris pour prévenir l’abus de fonds publics et de positions officielles. De fait, la plupart des chaînes de télévision nationales et des organes de presse écrite promeuvent la politique du gouvernement. Les quelques médias qui proposent des points de vue alternatifs sont limités dans leur capacité à fournir un contrepoids aux médias traditionnels et à exposer les électeurs à une réelle diversité de points de vue.

Système électoral

En 1990, les premières élections multipartites ont été organisées au scrutin majoritaire. Depuis 1992, un système électoral proportionnel est utilisé. Immédiatement après les manifestations de masse qui ont mis fin au pouvoir de Slobodan Milošević le 5 octobre 2000, l’Assemblée sortante a adopté une nouvelle loi électorale,. Depuis lors, la Serbie un système proportionnel à la méthode D’Hondt dans sa variante la plus radicale, le pays tout entier constituant une circonscription nationale unique. L’Assemblée nationale est unicamérale, composée de 250 députés élus pour quatre ans sur des listes électorales fermées. Les mandats sont répartis parmi les listes ayant obtenu au moins 3 % des voix. Les quotients des listes représentant des minorités nationales sont augmentés de 35 % si elles obtiennent moins de 3 % des voix.

Inscription des électeurs

Toutes les citoyennes et citoyens serbes âgés de 18 ans révolus au jour de l’élection disposent du droit de vote, à l’exception des personnes privées de ce droit par décision de justice. L’inscription des électeurs est un processus passif. Le ministère de l’Administration de l’État et des Autonomies locales est chargé de tenir à jour la liste électorale unifiée. Il est possible de vérifier les données personnelles contenues sur cette liste sur le site web du ministère ainsi que sur le portail de l’administration en ligne. Cependant, les collectivités locales ne tiennent généralement pas la liste électorale à la disposition du public. Le manque de transparence dans la gestion des listes électorales et l’inscription des électeurs, mais aussi la faible confiance du public dans l’exactitude de ces listes, ont été mis en évidence lors des élections de 2023 (CESID, 2023). En outre, ces élections ont été marquées par l’organisation de « migrations électorales », un type d’ingénierie électorale impliquant le comportement coordonné d’électeurs changeant temporairement de résidence pour influencer les résultats des élections dans une unité de gouvernement local où ils ne résident pas habituellement (CRTA, 2023).

En Serbie, le vote se déroule uniquement dans les bureaux de vote, sans possibilité de vote électronique ou par internet. La détermination des bureaux de vote est donc un élément essentiel du processus électoral et relève de la compétence de la commission électorale locale. Le nombre final d’électeurs pour ces élections était de 6 500 666, répartis dans 8 273 bureaux. Les électeurs qui n’étaient pas en capacité de voter dans leur bureau de vote en raison d’une maladie grave, de leur âge ou d’un handicap pouvaient demander à voter en dehors des bureaux de vote. Le dernier cycle électoral a vu une augmentation notable du recours à cette procédure (CRTA, 2023). Des listes électorales spéciales ont été établies pour les militaires et les électeurs détenus dans des établissements pénitentiaires. Les électeurs résidant à l’étranger peuvent demander à voter auprès des représentations diplomatiques et consulaires serbes (figure b). L’ouverture d’un bureau de vote à l’étranger nécessite l’inscription d’au moins 100 électeurs. La CER a décidé que les électeurs du Kosovo pourraient voter dans 52 bureaux de vote répartis dans 4 municipalités périphériques, à Bujanovac, Raška, Kuršumlija et Tutin.

ÉlectionNombre de bureaux à l’étrangerNombre d’électeurs inscrits
20238132 216
20227739 777
20204013 251
2016376 649
Figure b · Bureaux de vote et nombre d’électeurs à l’étranger (élections législatives 2016-2023)
Source : CRTA.

Principales candidatures

Dix-huit listes électorales étaient en lice pour un total de 2 817 candidats à la députation (dont 1 205 femmes). Si toutes les listes enregistrées ont respecté l’exigence légale d’un quota de femmes d’au moins 40 %, seules deux d’entre elles étaient menées par une femme. Dix coalitions, six partis politiques et deux groupes de citoyens ont également présenté des listes électorales. Sept listes électorales de minorités nationales, dont les minorités nationales albanaise, bosniaque, croate, hongroise, russe et valaque, ont été enregistrées.

Deux grands blocs étaient présents lors de ces élections : le premier était rassemblé autour du SNS au pouvoir et de la liste « Aleksandar Vučić – La Serbie ne doit pas s’arrêter » ; le second, se présentant sous le slogan « Serbie contre la violence », se composait du Parti de la liberté et de la justice, le Mouvement populaire de Serbie, le Front vert-gauche, et 11 autres partis et mouvements.

La campagne électorale a été marquée par une polarisation extrême, une rhétorique agressive, des tentatives de discréditation personnelle et un haut niveau de violence verbale. Bien que le président Vučić n’ait pas été candidat à ces élections, il a joué un rôle central dans le quotidien de la campagne en s’impliquant fortement dans les événements du SNS, ce qui lui a donné une position dominante dans la campagne (Parlement européen, 2024).

La capacité de la campagne a garantir une compétition équitable entre tous les partis et candidats en présence a été fortement entravée par la représentation disproportionnée des positions pro-gouvernementales dans les médias, en particulier à la télévision. En Serbie, l’opposition se heurte depuis longtemps à un obstacle de taille : l’incapacité à accéder aux médias traditionnels. Malgré l’adoption d’une loi sur l’information publique et les médias en octobre 2023, le rôle des médias dans cette campagne électorale est restée le même qu’auparavant.

Résultats électoraux

Les résultats définitifs des élections ont été annoncés le 12 janvier, avec un taux de participation de 58,69%, soit 3 820 746 votants.

Le Parti progressiste serbe (SNS) du président Vučić est le grand vainqueur des élections législatives de 2023. Avec 46%, le SNS a remporté la majorité absolue à l’Assemblée nationale avec 129 sièges sur 250. Dans le même temps, le Parti socialiste de Serbie (SPS) a connu une baisse significative de son soutien, passant de 13 % à 6,5 % 3 . L’opposition se présentait quant à elle divisée. La liste « La Serbie contre la violence », représentant l’opposition démocratique libérale, comprenait 15 partis politiques, plusieurs coalitions et un syndicat. Un deuxième bloc d’opposition se composait de partis politiques de droite radicale, faisant principalement campagne sur leur opposition au plan franco-allemand pour le Kosovo. Le Parti démocratique de Serbie (DSS) a été la seule liste électorale de droite à atteindre le seuil des 3 %, avec une part de voix de 5 %, tandis que les autres partis de droite sont restés en deçà de ce seuil. Les autres partis politiques de droite, Dveri, Zavetnici, le Parti du peuple serbe et la liste « Ça suffit » (Dosta je bilo), ont échoué à atteindre le seuil. Lors de ces élections, le mouvement « Nous, la voix du peuple » du Dr Branimir Nestorović est apparu comme un nouvel acteur politique important, remportant 5 % des voix. Nestorović faisait initialement partie de l’équipe médicale de conseillers du gouvernement serbe lors de la pandémie de COVID-19. Il a toujours contesté la gravité de la pandémie et a fréquemment promu des récits qualifiés de théories du complot, critiquant notamment l’efficacité de la vaccination. Ses soutiens comprennent des promoteurs de visions du monde antimondialistes, conservatrices, pro-russes et conspirationnistes.

Les résultats des élections législatives de 2023 sont similaires, dans leurs grandes lignes, à ceux des élections législatives de 2022. Il y a toutefois eu quelques changements mineurs, dont un gain de voix pour le SNS. L’opposition démocratique et pro-européenne a également obtenu environ 300 000 voix de plus que lors des élections de 2016 et de 2022.

Période post-électorale

Le 18 décembre, la coalition « La Serbie contre la violence » a lancé une série de manifestations quotidiennes à Belgrade, exigeant que les élections locales et les élections législatives anticipées soient répétées en raison d’irrégularités présumées, incluant des pressions exercées sur les électeurs, l’achat de votes et le transport organisé d’électeurs résidant en Serbie et à l’étranger. La coalition « La Serbie contre la violence » a présenté des preuves à la CER le 23 décembre 2023 et a demandé la convocation et l’organisation d’une nouvelle élection pour l’Assemblée de la ville de Belgrade. Bien que la plupart des manifestations aient été pacifiques, des violences ont éclaté le 24 décembre à Belgrade, conduisant la police anti-émeute à utiliser des gaz lacrymogènes contre les manifestants et à procéder à 38 arrestations (ODHIR, 2024). Le Président et le Premier ministre ont nié toute fraude électorale, qualifié les manifestants de « voyous » et pris pour cible les observateurs internationaux, y compris le chef de la délégation de l’APCE (Schennach et al., 2024).

La CER a reçu 360 demandes d’annulation des résultats du vote parlementaire, tandis que les Comités électoraux locaux (CEL) ont reçu 36 demandes d’irrégularités. Environ 200 requêtes demandaient l’annulation du vote dans tous les bureaux de vote sur le territoire d’un CEL ou dans l’ensemble du pays.

Le 27 janvier 2024, « La Serbie contre la violence » a déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle afin de résoudre le litige électoral. La Cour constitutionnelle a annoncé le 9 février qu’elle avait constitué des dossiers et les avait assignés à des juges. La Cour constitutionnelle a l’autorité légale de déterminer s’il y a eu une influence significative sur les résultats des élections et peut annuler le processus électoral partiellement ou totalement par le biais de pétitions. La Cour n’est pas tenue par un délai spécifique pour résoudre les litiges électoraux. À ce jour, sa décision n’a toujours pas été rendue.

La session constitutive de la 14e législature de l’Assemblée nationale de la République de Serbie, s’est tenue le 6 février 2024. Un jour plus tard, le 7 février, le Parlement européen a adopté une résolution sur la situation en Serbie à la suite des élections 4 . Dans cette résolution, le parlament a regretté qu’en raison de l’abus persistant et systématique des institutions et des médias par le président sortant pour obtenir un avantage injuste et indu, les élections parlementaires et locales serbes tenues le 17 décembre 2023 aient dérogé aux normes internationales et aux engagements de la Serbie en matière d’élections libres et équitables. En conséquence, il a estimé que ces élections ne peuvent pas être considérées comme s’étant déroulées dans des circonstances équitables. La Serbie a été invitée à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher de futures campagnes de désinformation contre les observateurs électoraux ; à créer un environnement qui permette aux observateurs nationaux comme étrangers d’exercer leurs fonctions de manière efficace ; à coopérer avec l’ODHIR, l’UE et le Conseil de l’Europe afin de mettre en œuvre les recommandations de l’OSCE/ODHIR ; et à mener un audit complet de l’enregistrement unifié des électeurs afin de résoudre de possibles erreurs, notamment celles liées aux soupçons de migrations électorales. Le Parlement européen a dénoncé le manque d’éthique et la partialité de la couverture médiatique, favorable aux candidats sortants, la désinformation et le manque de pluralisme pendant la campagne électorale. Il s’est également inquiété de l’influence ou du contrôle exercé par le gouvernement sur de nombreux médias, à l’origine de l’inégalité de traitement entre candidats de la majorité et de l’opposition dans la campagne. La résolution appelle les autorités serbes à garantir un environnement médiatique transparent et à renforcer considérablement la protection du journalisme indépendant.

Des efforts sont en cours pour remédier à la situation électorale en Serbie. Le 3 avril 2024, en raison de l’impossibilité de former une majorité à l’Assemblée de la ville de Belgrade à la suite des élections de 2023, le président du Parlement a appelé à la tenue de nouvelles élections le 2 juin. Toutes les élections locales restantes en Serbie 5 se tiendront en même temps que les nouvelles élections à Belgrade. Face à cette situation, l’ODHIR a mis en place une mission d’observation électorale à l’invitation des autorités de la République de Serbie. Le 29 avril, l’Assemblée nationale a formé un groupe de travail pour l’amélioration du processus électoral 6 . Le groupe de travail est en charge de de déterminer un ensemble de mesures législatives ou non-législatives susceptibles de répondre à toutes les recommandations du rapport final de l’ODHIR, de préparer des amendements aux lois pertinentes, ainsi que de formuler des propositions de recommandations quant aux mesures devant être mises en œuvre par d’autres organes de l’État.

Note : Cet article est le résultat d’une recherche soutenue financièrement par le Ministère de la science, du développement technologique et de l’innovation de la République de Serbie (contrat numéro 451-03-65/2024-03/200120, à partir du 05/02/2024).

Les données

Bibliographie

Burazer, N. (2023). Serbia. Nations in Transit. Freedom House.

CRTA (2024). Final Election Observation Report – 2023.

Jovanović, M. et Simić, S. (2023). Determining contextual factors of the 2022 snap elections in the Republic of Serbia. Politička revija, 77(3), 31–55.

Damnjanović, M. (2020). Serbia. Nations in Transit. Freedom House.

Gouvernement serbe (2023). Government sends to president proposal for disbanding parliament. Statements of government.

Pajvančić, M. et Marinković, T. (2022). Izbori 2022. godine pred Upravnim sudom-pregled postupanja i odluka. Belgrade : CEPRIS.

Pásztor, B. (2022). Nova izborna regulativa i princip reprezentativnosti: Zakon o izboru narodnih poslanka i Zakon o lokalnim izborima. Srpska Politička Misao, 75(1), 9–32.

Pavlović, D. (2024). Parliamentary and Local Elections in Serbia 2023. Contemporary Southeastern Europe, 11(1), 1–11.

Schennach, S. et al. (2024). Observation of the early parliamentary elections in Serbia (17 December 2023). Election observation report. Parliamentary Assembly of the Council of Europe.

Tanjug (2023, 30 octobre). Vlada predložila raspuštanje Skupštine i raspisivanje izbora. Tanjug.

OSCE/ODHIR (2024). Republic of Serbia. Early Parliamentary Elections. 17 December 2023. ODHIR Election Observation Mission Final Report. Varsovie : OSCE.

CESID (2023). Preliminary recommendations for improving the electoral process. Serbian general election, 17 December 2023.

Notes

  1. Un garçon de 13 ans a été l’auteur d’une fusillade dans une école élémentaire de Belgrade le 3 mai, causant la mort de 8 élèves et blessant 6 enfants et un enseignant. Le lendemain, le village de Malo Orašje et Dubona, près de Mladenovac, a été le théâtre de l’attaque d’un homme de 21 ans qui a tué huit personnes et en a blessé 14 autres.
  2. Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et à l’avis de la CIJ sur la déclaration d’indépendance du Kosovo.
  3. Marko Milošević, petit-fils de Slobodan Milošević qui avait récemment rejoint le parti, figurait en troisième position sur cette liste.
  4. Résolution 2024/2521 (RSP).
  5. En 2024, des élections locales se sont tenues dans les villes suivantes : Niš, Novi Sad, Subotica, Zrenjanin. Kikinda, Vršac, Pančevo, Sombor, Sremska Mitrovica, Valjevo, Požarevac, Jagodina. Užice, Čačak et dans une cinquantaine de municipalités.
  6. Le groupe de travail est composé de deux représentants de chaque groupe parlementaire de l’Assemblée nationale, d‘un représentant de chaque parti politique minoritaire national qui n’a pas de groupe parlementaire à l’Assemblée nationale et d’organisations de la société civile, dont le CRTA.
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Maja Nastić, Élection parlementaire en Serbie, 17 décembre 2023, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2025,

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