Élection régionale à Åland, 15 octobre 2023

Le contexte

Le Parlement de l’archipel d’Åland, territoire de 30 000 habitants à 90% suédophone, a été établi en 1922 avec la mise en place de l’autonomie ålandaise au sein du nouvel État finlandais. La guerre civile finlandaise (janvier-mai 1918) qui a opposé les communistes finlandais aux Blancs a été marqué la tentative infructueuse de la Suède de s’emparer de l’archipel. La Finlande portera le contentieux territorial à la Société des Nations en 1921, qui conclura sur l’appartenance définitive des îles d’Åland à la Finlande tout en appelant la Finlande à garantir aux Ålandais un statut leur permettant de conserver leur langue et leurs coutumes. La citoyenneté ålandaise est reconnue dans le droit finlandais: est considérée citoyen ålandais toute personne née ou ayant vécue au moins cinq ans dans l’archipel, qui est de citoyenneté finlandaise et qui peut démontrer sa maîtrise de la langue suédoise.

Hors des domaines de la politique extérieure, des douanes, de la monnaie et de la justice, le Lagting peut légiférer librement dans les limites admises par la Constitution finlandaise et le droit européen. Le statut d’autonomie des îles Åland est garanti par l’article 120 de la Constitution finlandaise, qui s’accompagne d’une Loi sur l’autonomie d’Åland dont la dernière révision remonte à 1990. Depuis les années 2010, le gouvernement régional et le gouvernement finlandais discutent de la modernisation du statut d’autonomie, sans que les discussions n’aient pour le moment abouti. L’archipel dispose d’un siège réservé au Parlement finlandais.

Les citoyens ålandais étaient appelés aux urnes le 15 octobre 2023 pour renouveler les 30 sièges du Parlement régional, le Lagting. La coalition sortante, qui réunissait le Centre ålandais de la Première ministre sortante Veronica Thörnroos (Åländsk Center, C, ALDE), la Coalition des indépendants (Obunden Samling, ObS, droite régionaliste), la Coalition modérée pour Åland (Moderat Samling för Åland, MSÅ) et Initiative soutenable (Hållbart initiativ, Hi, PVE) s’est opposée aux différents partis d’opposition : les Libéraux d’Åland (Liberalerna på Åland, Lib), les sociaux-démocrates (Socialdemokrater, S, centre-gauche) et le parti libéral et indépendantiste Avenir d’Åland (Ålands Framtid, ÅF, ALE). Au total, 205 candidats issus de 7 partis participaient au scrutin. Les 30 sièges du Lagting sont pourvus pour quatre ans au scrutin proportionnel plurinominal avec liste ouverte et sans seuil électoral. Les électeurs expriment leur préférence pour un candidat au sein de la liste pour laquelle ils votent. Les candidats de chaque liste sont ensuite élus en fonction des votes préférentiels qu’ils ont reçus.

La campagne

La campagne électorale a porté pour l’essentiel sur des sujets régionaux. Parmi ceux-ci, le projet d’installer d’importants parcs éoliens offshore au large des côtes constituait sans doute le thème le plus controversé (Smeds 2023). La Coalition des indépendants s’opposait frontalement à cette mesure, tandis que l’essentiel du centre-gauche y était favorable et que le centre-droit insistait sur le caractère non définitif du projet. Pour justifier son opposition, les conservateurs évoquaient la protection de l’environnement, tandis que les sociaux-démocrates et les écologistes faisaient au contraire valoir la nécessité de la transition écologique et du développement de l’indépendance énergétique, notamment vis-à-vis du gaz russe (Blix 2023). D’autres sujets récurrents de la politique ålandaise ont également été débattus : l’avenir de l’autonomie du territoire, la réforme communale – une réduction de seize à quatre communes avait été envisagée pendant la précédente législature, puis abandonnée suite à de fortes résistances et à un changement de majorité –, le régime douanier spécifique de l’archipel, le trafic maritime et la situation des services publics et de santé. Si le rôle central du système public de santé est consensuel dans l’archipel, où tous les partis sont favorables à un État providence développé, Åland fait face à une double problématique de hausse des coûts et de manque de personnel qualifié qui pose la question du dimensionnement du système de santé régional. Ce sujet sera majeur pour le nouvel exécutif. S’agissant de la politique étrangère et de défense, enfin, le consensus est également de mise : les partis de l’archipel, dont le statut d’autonomie hérité d’une époque de tensions suédo-finlandaises inclut la démilitarisation, n’entendent pas pour l’instant remettre en question cette particularité (Kajander 2024). En revanche, l’opposition a critiqué les relations jugées dégradées de l’exécutif ålandais avec le gouvernement d’Helsinki (Blix 2023).

Sondages et résultats des élections

En amont des élections, les sondages conduits par Gallup ont mis en lumière à partir du mois de juin 2022 l’avance des Libéraux sur le Centre.Les Libéraux ont oscillé entre 22% et 27% d’intention de vote sur la période juin 2022-février 2023, tandis que le Centre obtenait un résultat plus faible avec 16% à 20%. Plus largement, les partis d’opposition (Lib, S, ÅF, etc.) disposaient dans les sondages d’une avance confortable de 20 à 28 points sur la coalition gouvernementale (figure a).

Les Démocrates d’Åland (DA, national-conservateur), qui détenaient un siège au Lagting et étaient crédités de 1% à 3% dans les sondages, ont annoncé qu’ils ne participeraient pas au scrutin. Leur président, Stephan Toivonen, a justifié cette absence par sa propre incapacité à se présenter aux élections pour des raisons de santé et la difficulté de son parti à trouver d’autres candidats. Le parti a néanmoins signalé son intention de participer aux élections ålandaises de 2027. Il a, dans l’intervalle, perdu sa représentation au Lagting.

Le taux de participation s’est élevé à un peu moins de 68,29 %, soit 14 532 s’étant rendues aux urnes le 15 octobre 2023, en baisse de 1,4 point par rapport aux dernières élections en 2019.

Parmi les partis d’opposition, les Libéraux sont devenus le plus grand parti ålandais avec 30% des voix, soit 10 points de plus qu’en 2019, et a vu son nombre de sièges au Lagting passer de six à neuf. La Coalition des indépendants (12,8%) a également progressé de 3 points et a obtenu 5 sièges, soit un de plus qu’en 2019. L’Avenir d’Åland a reculé à 2,8% contre 4,7% en 2019 et n’a pas obtenu suffisamment de voix pour conserver son unique siège. Au total, les partis d’opposition ont rassemblé 45,6% des voix et obtenu 13 sièges sur 30.

Au sein de la coalition sortante, le chef de file de la coalition, le Centre (21,2%), a perdu 6 points par rapport à 2019 et a ainsi perdu deux sièges. Le Centre ne compte plus que 7 sièges mais reste la deuxième force politique de l’archipel. De même, Initiative durable (5,1%) a perdu 3 points par rapport à 2019 et est passée de deux à un seul siège. Les Modérés (12,5%) ont reculé de 3,5 points de pourcentage mais ont réussi à conserver ses quatre sièges. Enfin, les sociaux-démocrates ont progressé de 1,5 point (15,3%) et sont ainsi passés de 3 à 4 sièges. Au total, la coalition sortante a obtenu 54,2% des suffrages et obtenu 17 sièges sur 30.

Ce vote n’a toutefois pas suffi pour reconduire la coalition sortante de la Première ministre Veronica Thörnroos (C). Cette dernière n’a recueilli que 293 votes personnels, ne se classant qu’en troisième position au sein de sa propre liste. A contrario, Katrin Sjögren, ancienne Première ministre de 2014 à 2019 et cheffe des Libéraux, a obtenu 678 voix, soit le plus grand nombre de voix individuelles lors de ces élections. Ce résultat a permis à Katrin Sjögren de former un gouvernement de coalition avec l’appui du Centre et des sociaux-démocrates, qui a reçu la confiance du Lagting le 11 décembre 2023.

Les données

References

Blix, L. (2023, 12 octobre). Kommunerna, vindkraften och vården i fokus i Ålandstidningens debatt. Ålandstidningen. En ligne.

Kajander, S. (2023, 26 september). Taxfree på båtarna, färre kommuner och mer vindkraft – fem frågor då ålänningarna går till val. YLE. En ligne.

Smeds, N. (2023, 10 octobre). Klassiska frågor intresserar – men vindkraften stark uppstickare. Ålandstidningen. En ligne.