Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élection régionale à Madrid, 28 mai 2023
Issue #4
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Issue #4

Auteurs

Francisco Cabezuelo

Numéro 4, Janvier 2024

Élections en Europe : 2023

La Communauté autonome de Madrid, région uniprovinciale et principal centre économique, culturel et politique de l’Espagne, renouvelait le 28 mai 2022 son parlement régional. Le Parti populaire (PP, centre-droit) a remporté à cette occasion une majorité absolue de voix et de sièges. Douze autres régions espagnoles ont également élu leurs représentants régionaux et municipaux le même jour. Dans la Communauté de Madrid, les dernières élections autonomiques avaient été organisées de manière anticipées en 2021 après l’éclatement de la coalition gouvernementale. En 2023, le PP et sa tête de liste Isabel Díaz Ayuso ont finalement atteint leur objectif de former un gouvernement dans la région la plus riche d’Espagne sans devoir conclure de contrat de coalition avec d’autres partis.

Par rapport à l’élection précédente, qui s’était tenue le 4 mai 2021, le PP est passé de 65 à 71 sièges, dans un parlement qui en compte 135 au total et où la majorité est donc de 68. Dans un premier temps, ce résultat régional a semblé amorcer un changement de cycle dans la politique espagnole. Cependant, la victoire du PP à Madrid ne s’est pas traduite par une autre majorité absolue pour le PP aux élections générales. À Madrid, le parti conservateur a même perdu des voix par rapport aux élections régionales organisées deux mois plus tôt.

La stratégie de Díaz Ayuso a de nouveau été marquée par une opposition constante aux politiques du gouvernement espagnol présidé par Pedro Sánchez (PSOE), qui a trouvé dans la Communauté de Madrid et sa présidente ses adversaires politiques les plus virulents depuis la pandémie de Covid-19. Au cours de la dernière législature, les relations entre les exécutifs national et régional ont été marquées par plusieurs controverses et des affrontements récurrents. La situation économique, touristique et culturelle florissante de Madrid a permis à Díaz Ayuso de développer un récit politique efficace autour de sa gestion de la région. La liste menée par Díaz Ayuso a finalement remporté plus de sièges que tous les autres partis de gauche réunis et a laissé l’autre parti de droite, Vox, au second plan. En conséquence, le PP n’a plus besoin de forger un accord de coalition avec Vox pour demeure au pouvoir.

Il convient de noter que Díaz Ayuso n’a pas remporté la première élection à laquelle elle s’est présentée en 2019. Sa candidature était inattendue et sa nomination sans primaires de l’appareil du parti a suscité la controverse. Cependant, en un peu moins de quatre ans, elle est parvenue à devenir une figure politique importante de la droite, exerçant depuis une influence considérable sur les autres dirigeants régionaux du parti.

Participation et système électoral

Un total de 3 413 819 citoyens âgés de plus de 18 ans, sur une population totale de quelque 5 211 944 habitants, ont été appelés à voter aux élections de l’Assemblée de Madrid en 2023 pour élire le parlement de la XIIIe législature. Le taux de participation s’est élevé à 65,5 %, soit une baisse de 6,2 % par rapport au taux de participation élevé de 2021, qui avait dépassé 71 %.

Au parlement de Madrid, cinq partis politiques au total ont occupé des sièges dans la XIIe législature de 2021 à 2023. Compte tenu du seuil minimal de 5 % nécessaire pour obtenir des sièges, seuls quatre partis ont obtenu des sièges dans la XIIIe législature. La coalition Podemos-Izquierda Unida-Alianza Verde, qui n’a atteint que 4,76 % des voix, n’a pas obtenu de représentation parlementaire.

Une unique gagnante et quelques nouveaux visages

Le Parti populaire (PP) dirigé par Isabel Díaz Ayuso est le vainqueur incontesté de cette élection, au cours de laquelle il a obtenu une large majorité absolue. Connue pour son expertise en communication numérique et sa présence sur les médias sociaux, Díaz Ayuso est journaliste de profession et diplômée de la Faculté des sciences de l’information de l’Université Complutense de Madrid. Tout au long des dernières années, ses apparitions publiques et sa stratégie de communication se sont révélées très efficaces. Lors de cette campagne électorale, Díaz Ayuso s’est associée au très populaire maire de Madrid, José Luis Martínez Almeida, avec lequel elle a organisé de nombreux rassemblements et réunions publiques communes. La collaboration entre les deux candidats a généré un climat de confiance et de compréhension mutuelle entre les deux dirigeants, lequel s’est étendu à leurs administrations régionales et municipales respectives dans l’esprit du public. En outre, Ayuso a été renforcée par sa lutte interne au sein du PP avec l’ancien dirigeant national du parti, Pablo Casado, avec lequel elle entretient par ailleurs des relations d’amitié. À la suite de ce conflit, Casado a fini par abandonner son poste et quitter la vie politique publique, renforçant du même coup l’influence de la dirigeante madrilène au niveau national.

Mónica García était à la tête de la liste de gauche écologiste Más Madrid-Verdes Equo (MM-VQ). Depuis les élections autonomiques de 2021, García dirige l’opposition de gauche à l’Assemblée de Madrid. Mónica García, anesthésiste dans un hôpital public, a dirigé un mouvement social de professionnels de la santé soutenu par le PSOE et d’autres partis de gauche.

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui dirige le gouvernement espagnol, n’arrive qu’en troisième place dans la Communauté de Madrid. Le chef de file du PSOE à Madrid est Juan Lobato, avocat et économiste au Trésor public et ancien maire de la ville de Soto del Real. M. Lobato a remplacé l’ancien ministre Ángel Gabilondo Pujol à la tête du parti. Gabilondo, qui avait pourtant remporté avec sa liste les élections régionales de 2019, avait à l’époque échoué à devenir président régional du fait de la coalition conclue par les deux partis de droite. Par la suite, en 2021, les socialistes avaient obtenu le pire résultat de leur histoire lors d’une élection autonome à Madrid.

Le parti le plus à droite de cette élection est Vox, dont la liste régionale était à nouveau conduite par Rocío Monasterio. Architecte et femme politique entretenant des liens familiaux étroits avec l’exil cubain, la dirigeante de Vox dans la Communauté de Madrid a soutenu la candidature de Díaz Ayuso à la présidence de la région, mais a récemment refusé d’approuver le budget présenté par le gouvernement d’Ayuso. Formation nationaliste, Vox présente des similitudes avec la Lega de Matteo Salvini et le Rassemblement national de Marine Le Pen. Il développe un discours public fort en faveur des valeurs familiales traditionnelles et en soutien aux victimes du terrorisme.

Enfin, Alejandra Jacinto Uranga menait la liste Podemos-Izquierda Unida-Alianza Verde. Déjà plus petit groupe au parlement régional à l’issue des élections précédentes, la liste est passée de 10 députés en 2021 à 0 en 2023, n’atteignant pas le seuil des 5 % nécessaires pour obtenir des sièges. Alejandra Jacinto a succédé à Pablo Iglesias Turrión, l’un des grands perdants du scrutin régional en 2021, à la tête de l’alliance des partis de gauche. En 2021, sa sévère défaite avait conduit Iglesias à annoncer qu’il renonçait à son siège à l’Assemblée de Madrid et quittait la scène politique.

Messages de campagne et anecdotes

La campagne a été marquée par des tensions, des controverses et une confrontation dure entre certains candidats, malgré le statut de favori de Díaz Ayuso. Cette fois-ci, Mme Díaz Ayuso a remplacé son ancien slogan « Libertad » (« Liberté »), avec lequel elle avait réussi à mobiliser un électorat jeune et urbain en 2021 en défendant la liberté de circulation, la fin des restrictions et un programme libertarien, par le slogan d’un seul mot « Ganas », qui présente le double sens de « désir » et de « victoire ».

Tant les analystes politiques que la presse ont décrit cette campagne comme l’une des plus ennuyeuses, des plus puériles et des moins intéressantes de l’histoire de la Communauté. Selon Lucía Méndez (El Mundo, 27 mai 2023), la campagne a été « truffée de polémiques artificielles et de banalités », reflet d’une société actuelle « prise au piège de la polarisation et de la lutte pour l’attention des électeurs ». Cette même analyste avait estimé quelques jours plus tôt que « l’incertitude quant aux résultats des sondages, la polarisation de l’environnement politique et les discussions animées sur [le parti séparatiste basque] EH Bildu ont conduit les partis à faire usage d’un langage peu subtil et d’un ton extrêmement blessant ».

Une autre controverse est apparue lorsque le conseil électoral de la Zone de Madrid a autorisé l’utilisation d’une photographie d’un des frères de Diaz Ayuso par Podemos-Izquierda Unida-Alianza Verde dans le cadre d’une campagne de communication contre la présidente sortante. Le Parti populaire a fait valoir que la photo « pouvait induire les électeurs en erreur quant à l’origine » de la campagne, car le logo de Podemos y était peu visible. La coalition a été contrainte de mettre en évidence son logo, tout en demeurant autorisée à utiliser l’image du frère de la candidate du PP.

Résultats et perspectives

Le PP a remporté 47,32 % des voix (1 599 186 voix au total), soit 2,57 points de plus qu’en 2021. Il a obtenu la majorité absolue des sièges avec 70 députés, soit 5 de plus que jusqu’à présent. Ayuso a réussi à s’imposer largement en attirant des électeurs centristes et de droite, tandis que la gauche madrilène subissait une lourde défaite. Finalement, tous les partis d’opposition réunis ont obtenu moins de sièges que le Partido Popular seul.

Más Madrid (MM-VQ) a accru sa représentation de 24 à 27 députés, profitant d’un accroissement de sa part de voix de 614 660 en 2021 à 615 171 en 2023. Recueillant un nombre de voix légèrement inférieur (609 718), le PSOE a obtenu le même nombre de sièges. Le seul parti ayant perdu à la fois des voix et des sièges est Vox, qui est passé de 330 660 voix en 2021 à 245 215 voix en 2023 ; ce recul de plus de deux points de pourcentage s’est traduit par la perte de trois sièges, de 13 à 10. Au cours de la législature à venir, le PP ne dépendra plus du soutien de Vox pour imposer son programme régional. Outre Podemos-IU-AV, d’autres formations telles que Ciudadanos-Partido de la Ciudadanía et le Parti des animaux PACMA n’ont pas non plus obtenu de représentation parlementaire.

Le Partido Popular de Días Ayuso est arrivé en tête dans 174 des 179 municipalités de la région. Dans la capitale espagnole, la ville de Madrid, le PP a obtenu 47,7 % des voix, le MM-VQ 20,1 %, le PSOE 16,4 %, Vox 6,6 % et Podemos 5,1 %.

La victoire renouvelée et étendue d’Isabel Díaz Ayuso, qui est devenue la nouvelle figure dominante de la droite espagnole, a porté un coup dur à la gauche madrilène. La stratégie de Díaz Ayuso pourrait d’ailleurs faire des émules parmi les partis de droite des autres communautés autonomes. Le PP ne l’a pas seulement emporté à Madrid, mais aussi en Aragon, dans la Communauté valencienne, en Castille et Léon, aux Baléares, à La Rioja et en Murcie, même si, dans la plupart des régions susmentionnées, le PP devra s’appuyer sur des accords avec d’autres partis pour gouverner.

Le résultat de l’élection régionale de Madrid en 2023 suggérait qu’une majorité de l’électorat madrilène était opposé au projet politique porté par le gouvernement de Pedro Sánchez. Cependant, le résultat des élections générales qui ont suivi, le 23 juillet 2023, a été moins net : dans un contexte de participation plus élevée, le pourcentage de voix pour le PP dans la Communauté de Madrid a chuté de 47 à 40, tandis que le PSOE a obtenu de meilleurs résultats que lors du scrutin régional.

Les données

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Francisco Cabezuelo, Élection régionale à Madrid, 28 mai 2023, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2024,

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