Élection régionale dans la Communauté valencienne, 28 mai 2023
Nadia Khalil Tolosa
Professeure à l'université internationale de ValenceIssue
Issue #4Auteurs
Nadia Khalil TolosaNuméro 4, Janvier 2024
Élections en Europe : 2023
Douze des dix-sept communautés autonomes espagnoles organisaient des élections régionales le dimanche 28 mai 2023. Le même jour, des élections municipales avaient lieu dans tout le pays. Dans cet article, nous analysons les résultats des élections aux Cortes de la Communauté valencienne (le Parlement valencien) et la formation du gouvernement de la 9e législature autonome.
Le fait que la campagne et les élections valenciennes aient fait l’objet de nombreuses analyses et conjectures est dû, dans une large mesure, à l’importance de la région au niveau national, mais aussi à la possibilité que ses résultats aient un impact significatif sur les élections nationales ultérieures, amorçant ainsi un changement de cycle politique. Pour cette dernière raison, de nombreux analystes ont qualifié la Communauté de « joyau de la couronne », voyant dans les élections valenciennes l’un des événements électoraux les plus significatifs de la séquence précédant les élections générales. À l’origine, les élections générales espagnoles devaient se tenir à la fin de l’année, et l’on s’attendait à ce que le parti qui remporterait la victoire dans la communauté valencienne soit en mesure de reproduire ce succès au niveau national.
Dans toutes les communautés qui ont voté le 28 mai, les résultats des élections régionales ont été très favorables au bloc conservateur formé par le Partido Popular et Vox. Après les élections, les deux partis ont réussi à conclure des accords de coalition dans quatre communautés autonomes. Cette victoire écrasante des partis conservateurs a conduit le président du gouvernement national, Pedro Sánchez, à convoquer des élections générales anticipées pour le 23 juillet 2023.
Le scrutin régional valencien a entraîné des changements importants dans la Communauté. Premièrement, la victoire du Partido Popular (droite) et de Vox a mis fin à une période de huit ans de domination de la gauche, durant laquelle le PSPV (le PSOE valencien) avait gouverné en coalition avec le parti régionaliste Compromís et le parti de gauche Unides Podem (Unidas Podemos). Deuxièmement, le Parti populaire a repris le pouvoir après deux mandats complets dans l’opposition, bien qu’il doive maintenant partager les responsabilités gouvernementales avec le parti d’extrême droite Vox. Le PP gouverne ainsi au sein d’une coalition pour la première fois dans l’histoire de la Comunitat. Troisièmement, le parti centriste Ciudadanos et le parti de gauche Unides Podem ont perdu tous les sièges qu’ils détenaient auparavant au parlement valencien.
Comme le montre l’encart « les données », le Parlement valencien, les Corts, compte 99 sièges ; le bloc de droite y dispose désormais d’une majorité de 53 sièges. Comme de coutume, les élections régionales ont été organisées en même temps que les élections municipales, où l’on a pu observer une tendance politique similaire : les conservateurs ont réussi à emporter de nombreux conseils municipaux aux dépens des socialistes et de leurs partenaires, y compris ceux des capitales provinciales de Valence et de Castellón ; ils ont également conservé leur majorité de gouvernement à Alicante.
Résultats
Comme le montrent les figures a et b, la participation a diminué de cinq points de pourcentage par rapport à l’élection précédente, passant de 73,72 % en 2019 à 68,71 % en 2023.
Le parti le plus plébiscité a été le Partido Popular (PP), qui a obtenu 40 sièges (+21), améliorant ainsi considérablement son résultat précédent. Avec 31 sièges (+5), le Parti socialiste (PSPV) a également vu sa part de voix augmenter. Cependant, les cinq sièges supplémentaires obtenus par le PSPV n’ont pas été suffisants pour lui permettre de former un nouveau gouvernement avec ses deux partenaires précédents, puisque Compromís n’a obtenu que 15 sièges (-2) tandis que Podemos n’a pas atteint le seuil nécessaire pour obtenir des sièges au Parlement. Ce recul de la gauche a permis au PP de former un gouvernement avec Vox, qui, malgré ses pertes (13 sièges, -3), a fournir les dix sièges dont le PP avait besoin pour atteindre la majorité parlementaire.
Étant donné qu’aucun parti n’a atteint la majorité en sièges à lui seul, un accord de minorité ou de coalition était nécessaire pour former un gouvernement. Le PP et Vox ont finalement signé un pacte de coalition qui accorde une vice-présidence et trois ministères au parti d’extrême droite.
Il peut sembler paradoxal que, malgré les résultats renforçant le plus grand parti progressiste, qui a obtenu plus de voix que lors des élections de 2015 et 2019 et remporté cinq sièges supplémentaires, la mauvaise performance de ses partenaires de coalition l’ait empêché de former un nouveau gouvernement. Ce résultat est toutefois moins surprenant si l’on observe que l’augmentation des votes pour les socialistes a eu lieu, au moins en partie, aux dépens de leurs partenaires au sein du gouvernement sortant, que les électeurs semblent avoir pénalisés. La situation de Unides Podem est dans ce domaine bien plus défavorable que celle de Compromís : le parti, qui avait remporté 13 sièges en 2015, était tombé à huit sièges en 2019 et n’en a obtenu aucun en 2023. Un autre parti de la soi-disant « nouvelle politique », Ciudadanos, n’a pas non plus réussi à entrer au parlement régional en 2023, perdant la totalité des 18 sièges qu’il détenait auparavant. Comme le montrent « les données », Podemos et Ciudadanos n’ont pas atteint le seuil électoral de 5 %, qui est plus élevé dans la Communauté valancienne que dans d’autres communautés autonomes. La volatilité du vote semble avoir profité au PSPV et au PP, bien que les gains du premier en lui aient pas permis de se maintenir au gouvernement.
Les résultats de Ciudadanos et Podemos ont été tout aussi désastreux dans les autres communautés. Ils s’inscrivent dans une tendance nationale claire qui a été confirmée lors des élections générales de juillet 2023 avec la disparition de Ciudadanos du Congrès et une perte significative de sièges pour Unidas Podemos, qui se présentait au sein de la coalition Sumar.
Dans la Communité valencienne, le Partido Popular a gouverné pendant vingt années consécutives, de 1995 à 2015, détenant la majorité absolue aux Cortes au cours de ses douze dernières années de mandat. En conséquence, le parti a toujours gouverné seul, à l’exception de son premier mandat en 1995, lorsqu’il avait formé une coalition avec le parti nationaliste/régionaliste Unió Valenciana. En 2023, une victoire étroite a contraint le PP à négocier un nouvel accord et à gouverner en coalition avec le parti d’extrême droite Vox, qui est ainsi entré au Consell (le gouvernement valencien). Le PP, qui avait enregistré le pire résultat de son histoire lors des élections de 2019, est parvenu à doubler son nombre de voix et de sièges.
De son côté, le Parti socialiste valencien a progressé par rapport aux élections précédentes en termes de sièges remportés. Il a obtenu 23 sièges en 2015, 27 en 2019 et 31 en 2023. Cependant, cette amélioration n’a pas été suffisante pour lui permettre de se maintenir au gouvernement.
Comme lors des élections précédentes, les résultats ont été très serrés et, tant dans les municipalités qu’au sein du gouvernement régional, la balance a penché du côté des conservateurs pour un petit nombre de voix. En 2019, la différence entre le bloc de gauche et le bloc de droite n’était que de 40 000 voix en faveur de la gauche. Cette fois-ci, la droite a dégagé une majorité d’environ 120 000 voix.
Conséquences nationales du vote
Il n’est pas aisé de déterminer le poids de la politique nationale espagnole dans les campagnes politiques des différentes communautés, mais il ne fait aucun doute qu’à certaines occasions, les thématiques nationales ont joué un rôle plus important que les questions proprement régionales. En général, la victoire du bloc conservateur, tant dans la Communauté valencienne que dans les autres régions, a été interprétée comme une forme de « sanction » du gouvernement central et, en particulier, de Podemos. Cependant, dans le cas valencien, les sondages et les votes montrent une évaluation plutôt positive de la performance du gouvernement progressiste valencien sortant et du PSPV.
Les prédictions qui avaient été faites quant au rôle de signal du résultat des élections valenciennes pour la politique nationale espagnole ne se sont pas complètement réalisées. L’influence du « joyau de la couronne » a été importante, certes, mais non décisive. Tant lors des élections régionales valenciennes que lors des élections générales espagnoles, le parti populaire s’est renforcé et les socialistes ont augmenté leur part de voix, tandis que leurs partenaires ont vu leurs scores s’effondrer ; toutefois, contrairement à ce qui s’est passé dans la région de Valence, au niveau national, le bloc de droite n’a pas été en mesure de gouverner, même en unissant ses forces au sein d’une coalition.
Il convient de souligner que l’accord de gouvernement entre le PP et Vox a été conclu avec une rapidité remarquable. Bien que le PP ait déclaré pendant la campagne qu’il souhaitait pouvoir gouverner seul, l’accord a pris moins de temps à être négocié dans la Communauté valencienne que des accords similaires entre les deux partis dans d’autres communautés. Le pacte est plutôt généreux envers Vox, qui obtient une vice-présidence et les trois ministères de la Culture, de l’Agriculture et de la Justice. Si ces ministères n’ont pas les budgets les plus importants, ils ont un statut symbolique élevé (par exemple, le ministère de la justice est chargé des questions liées à la violence masculine, dont Vox nie l’existence, et le ministère de la culture est désormais dirigé par un partisan de la tauromachie).
Il est probable que ce pacte, comme des accords similaires dans d’autres communautés, ait influencé les élections nationales du 23 juillet en encourageant les électeurs de gauche à se rendre aux urnes pour éviter un scénario similaire au niveau national. Cela nous amène à suggérer que le « joyau de la couronne » valencienne a su en définitive maintenir son influence, bien que cette fois-ci, il ait pu servir d’exemple à éviter plutôt qu’à suivre.
La fin de la « nouvelle politique » ?
Il est remarquable que les partis emblématiques de la « nouvelle politique », Ciudadanos et Unidas Podem, aient perdu tous leurs sièges au Parlement lors de cette élection. Les deux partis avaient obtenu leur première représentation aux Corts en 2015 et avaient obtenu de très bons résultats depuis lors ; alors qu’ils s’étaient développés en prenant des voix aux deux principaux partis historiques, le PP et le PSPV, leur part de voix a finalement diminué à nouveau en faveur de ces mêmes partis. Si les sondages préélectoraux avaient prédit de mauvais résultats pour les deux formations, en particulier Ciudadanos, la disparition complète de Podemos du parlement valencien a constitué une forme de surprise, et ce, malgré des tendances similaires dans toutes les autres communautés. À l’issue de l’élection de 2023, les Corts seront moins fragmentées que lors des deux précédentes, avec seulement quatre partis représentés (PP, PSOE, Compromís, Vox) au lieu de six (PP, PSOE, Compromís, Vox, Podemos, Ciudadanos).
Cependant, ce changement de cycle politique ne signifie pas un retour aux « vieux jours » de la politique espagnole. Tout d’abord, le fait que le Partido Popular soit aujourd’hui contraint de gouverner au sein d’une coalition avec Vox représente une situation sans précédent dans la région. Certes, la disparition des partis dits de la « nouvelle politique » (Ciudadanos et Unides Podem) témoigne d’un renforcement du bipartisme, mais il en serait pas juste d’analyser cette situation avec les yeux du passé. Cette fragmentation réduite ne permet pas, pour l’instant, de conclure à un retour au bipartisme.
Les données
citer l'article
Nadia Khalil Tolosa, Élection régionale dans la Communauté valencienne, 28 mai 2023, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2024,