Revue Européenne du Droit
La Chine et la gouvernance mondiale du changement climatique
Issue #6
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Issue #6

Auteurs

Liu Zhenmin

Une revue scientifique publiée par le Groupe d'études géopolitiques

Climat : la décennie critique

Le monde actuel connaît des changements sans précédent depuis un siècle, et le changement climatique est devenu l’un des défis mondiaux les plus urgents. Cette année marque le 10e anniversaire de l’Accord de Paris. Depuis le lancement des négociations internationales sur le changement climatique en 1990, l’humanité s’est engagée dans un processus de 35 ans visant à lutter contre le changement climatique grâce à la coopération internationale. 

Nous assistons cependant aujourd’hui à une intensification des conflits géopolitiques, tandis que l’unilatéralisme et le protectionnisme gagnent du terrain. En conséquence, le déficit de confiance mondial s’accentue, posant de sérieux défis aux mécanismes multilatéraux de coopération climatique. Face à ces défis, la Chine est fermement convaincue que la voie privilégiée pour lutter contre le changement climatique mondial reste le maintien du multilatéralisme, le renforcement de la volonté politique et l’amélioration de la synergie institutionnelle, qui constituent également le fondement de la réalisation des objectifs mondiaux en matière de température fixés dans l’Accord de Paris.

I – Toutes les parties devraient continuer à soutenir le cadre de coopération internationale pour la gouvernance climatique mondiale

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992 (ci-après dénommée « la Convention ») est le premier traité international sur la lutte contre le changement climatique. Elle fournit un cadre fondamental pour la coopération internationale dans ce domaine et marque le début d’une nouvelle ère de gouvernance climatique mondiale. Au cours des trois décennies qui ont suivi, l’humanité s’est efforcée sans relâche de mettre en place un système mondial de gouvernance climatique équitable, raisonnable, coopératif et mutuellement avantageux. Bien que le processus de coopération ait été semé d’embûches, la gouvernance mondiale du climat continue de progresser de manière positive.

Le Protocole de Kyoto a été adopté en 1997 et est entré en vigueur en 2005. Sur la base d’une approche « descendante », le Protocole de Kyoto a établi des règles plus détaillées pour les émissions de gaz à effet de serre, fixant des objectifs et des délais juridiquement contraignants en matière de réduction ou de limitation des émissions pour les Parties visées à l’annexe B (principalement les pays développés et les groupes). Plus précisément, il imposait une réduction globale de 5 % des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés entre 2008 et 2012, par rapport aux niveaux de 1990. Selon le mandat de Berlin, les pays développés devaient montrer la voie dans la lutte contre le changement climatique et ses effets néfastes, en se fixant des obligations spécifiques en matière de réduction des gaz à effet de serre et un calendrier pour l’après-2000. Toutefois, anticipant un possible changement d’administration aux États-Unis après les deux mandats du président Bill Clinton en 2000, les objectifs de réduction fixés par le Protocole de Kyoto ont débuté en 2008 et l’année cible a également été ajustée pour couvrir plusieurs années. Ces dispositions flexibles reflètent pleinement la participation rationnelle, pragmatique et constructive du groupe des pays en développement au processus multilatéral.

L’Accord de Paris de 2015, qui réaffirme les principes d’équité, de responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives inscrits dans la Convention, a introduit un nouveau modèle composé des « contributions déterminées au niveau national » et du « bilan mondial ». Cela a marqué une nouvelle étape dans le domaine de la gouvernance climatique mondiale. Le dispositif institutionnel « ascendant » mis en place par l’Accord de Paris garantit que les pays développés ne peuvent se soustraire au processus international de réduction des émissions, tout en laissant une large marge de manœuvre aux pays en développement pour participer volontairement aux efforts mondiaux d’atténuation. Il favorise un renforcement progressif des ambitions nationales tout en préservant la crédibilité du dispositif institutionnel, en tenant pleinement compte des situations nationales des Parties et des objectifs de développement durable. Il motive ainsi au maximum les Parties à participer à la gouvernance climatique mondiale.

En particulier, les deux objectifs clés de l’Accord de Paris, à savoir atteindre le pic mondial des émissions de carbone, puis la neutralité carbone, sont devenus les principaux objectifs qui guident les actions nationales des Parties et les efforts mondiaux pour lutter contre les changements climatiques. Le système mondial de gouvernance climatique a continué d’évoluer, forgeant une architecture de gouvernance multicouche, diversifiée et résiliente, ancrée dans la Convention et renforcée par le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris. Toutes les Parties devraient garder confiance dans ce cadre de gouvernance et le soutenir fermement.

II – Toutes les Parties devraient s’attaquer activement aux effets négatifs des tensions géopolitiques sur la gouvernance mondiale du climat

Ces dernières années, l’escalade des tensions géopolitiques et l’imprévisibilité de la situation économique ont entraîné une fragmentation des intérêts nationaux à travers le monde, jetant un voile d’incertitude sur la gouvernance climatique mondiale. Quelques pays ont manifesté des hésitations ou un recul dans leurs engagements en faveur du multilatéralisme. La montée de l’unilatéralisme et du protectionnisme commercial a érodé la confiance politique qui sert de fondement à la coopération mondiale en matière de climat. L’aide financière promise par les pays développés aux pays en développement est restée lettre morte, entraînant un déficit de confiance global. Certains pays perdent confiance dans l’avenir de la gouvernance climatique mondiale, réduisent leurs allocations de ressources et rencontrent des obstacles dans la mise en œuvre d’actions collectives et de cadres réglementaires. Le cadre multilatéral de la gouvernance climatique est confronté à des défis complexes et redoutables.

Néanmoins, toutes les parties doivent reconnaître que la transition « juste, ordonnée et équitable » vers l’abandon des combustibles fossiles, initiée lors de la Conférence de Dubaï sur le climat, est irréversible. Cette transformation verte et bas-carbone, associée à la coopération mondiale en matière de climat, reste la tendance dominante de notre époque. La grande majorité des parties à la Convention et à l’Accord de Paris continuent d’adhérer à ce cadre de gouvernance multilatérale, faisant activement progresser un processus mondial de lutte contre le changement climatique qui soit juste, raisonnable et inclusif. Le multilatéralisme, qui sert à la fois de rempart institutionnel et de forum opérationnel pour relever les défis climatiques mondiaux, a prouvé son rôle indispensable. Pour naviguer dans les eaux tumultueuses des risques environnementaux mondiaux, il est impératif de réaffirmer l’engagement politique en faveur de la coopération multilatérale et de renforcer les arrangements institutionnels. Ces mesures sont essentielles pour atteindre les objectifs à long terme de l’Accord de Paris et faire progresser la transformation mondiale verte et à faible intensité de carbone.

Toutes les Parties doivent également reconnaître que, comme l’indiquent clairement les recherches scientifiques, le changement climatique mondial n’est plus une menace future, mais une crise actuelle. Il est désormais impératif d’accélérer notre action mondiale. Le sixième rapport d’évaluation du GIEC souligne l’insuffisance des efforts mondiaux actuels en matière d’adaptation et d’atténuation. Il est primordial de prendre des mesures immédiates et de favoriser une transition coordonnée, inclusive et équitable. Cela nécessite un soutien financier accru et une coopération internationale renforcée.

En outre, la nécessité de lutter contre le changement climatique offre des opportunités importantes pour un développement économique et social durable. La réponse aux défis climatiques et la poursuite d’un développement vert et sobre en carbone sont devenues des tendances irréversibles, profondément ancrées dans les stratégies de développement national à travers le monde. Des industries telles que les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les batteries au lithium sont apparues comme de nouveaux moteurs de croissance et de nouvelles opportunités pour un développement de haute qualité.

III – La Chine a toujours accordé une grande attention à la gouvernance climatique mondiale et y a participé activement

La Chine défend le multilatéralisme et participe activement aux processus multilatéraux de gouvernance climatique mondiale. Depuis 1990, la Chine participe activement aux négociations de la Convention et du Protocole de Kyoto, en plaidant sans relâche en faveur de la coopération internationale sur le changement climatique. Avant 1998, alors que la Chine était encore un pays en développement à faible revenu, elle a commencé à mettre en pratique le concept de développement durable. Deux ans après la tenue de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de 1992, la Chine a publié en 1994 son « Agenda 21 pour la Chine », qui définit les objectifs stratégiques, les priorités clés et les principales mesures pour le développement durable de la Chine. Avec l’approfondissement de la réforme et de l’ouverture, la Chine s’est activement intégrée à la mondialisation économique, connaissant une croissance économique sans précédent et une augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre. Consciente de l’urgence de la situation, la Chine s’est engagée en 2007 dans une série de politiques et d’actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à réorienter sa structure énergétique. Ces politiques et actions restent inchangées à ce jour.

En 2015, le président Xi Jinping a participé à la Conférence de Paris sur le climat et a prononcé un discours important, apportant une contribution historique à la conclusion de l’Accord de Paris. En septembre 2016, le président Xi Jinping a personnellement remis l’instrument de ratification de l’Accord de Paris par la Chine, ce qui a accéléré son entrée en vigueur et souligné les aspirations et la détermination de la Chine à lutter contre le changement climatique.

En septembre 2020, le président Xi a annoncé l’objectif ambitieux de la Chine d’atteindre le pic des émissions de dioxyde de carbone avant 2030 et de s’efforcer d’atteindre la neutralité carbone avant 2060. Ces « deux objectifs carbone » témoignent non seulement de l’engagement sans équivoque de la Chine à apporter de nouvelles contributions à l’action mondiale en faveur du climat, mais donnent également un élan solide à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies. Le 23 avril 2025, le président Xi s’est adressé à la réunion des dirigeants sur le climat et la transition juste, où il a défendu le multilatéralisme, plaidé en faveur de la coopération internationale et d’une transition juste, et mis l’accent sur des actions pragmatiques, fournissant ainsi des orientations stratégiques pour la gouvernance climatique mondiale.

Au cours des deux dernières décennies, l’économie chinoise a connu une croissance rapide et stable. En 2010, la Chine est devenue la deuxième économie mondiale, tout en restant un pays en développement à revenu intermédiaire. Depuis des années, la Chine contribue chaque année à plus de 30 % de la croissance économique mondiale et représente environ 30 % de la production manufacturière mondiale. En tant qu’« usine du monde » au service du marché mondial, la part de la Chine dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre reste proportionnelle à son statut. Cependant, ce développement rapide a également entraîné une augmentation rapide de la part de la Chine dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Consciente de cette réalité, la Chine accorde une importance capitale à la lutte contre le changement climatique et accélère sa transition vers une économie verte et sobre en carbone grâce à des actions concertées. 

Au cours de la dernière décennie, la structure énergétique de la Chine a subi des transformations majeures. La part du charbon dans la consommation d’énergie est passée de 65,8 % à 53,2 %, tandis que la consommation d’énergies non fossiles a bondi de 11,3 % à 17,7 %. La Chine est en train de construire le système d’énergie renouvelable le plus grand et le plus rapide au monde. Fin mars 2025, la capacité installée en énergie renouvelable de la Chine avait atteint 1,966 milliard de GW, soit environ 57,3 % de la capacité totale installée du pays. Il convient de noter que la capacité installée totale de l’énergie éolienne et photovoltaïque s’élevait à 1,482 milliard de GW, dépassant pour la première fois la capacité totale de l’énergie charbonnière (1,45 milliard de GW). La Chine a également mis en place la chaîne industrielle des énergies nouvelles la plus importante et la plus complète au monde, fournissant 70 % des équipements éoliens et 80 % des modules photovoltaïques vendus dans le monde. Cela a considérablement réduit les coûts mondiaux des énergies renouvelables.

En outre, la Chine a mis en place le plus grand marché du carbone au monde en termes d’émissions de gaz à effet de serre couvertes. Les innovations technologiques de la Chine dans le domaine des véhicules électriques et du stockage de l’énergie constituent des solutions à faible émission de carbone pour le monde entier. En tant que plus grand pays en développement, la Chine a surmonté avec succès les défis du développement économique et social et s’est engagée dans une multitude de stratégies, de mesures et d’actions pour lutter contre le changement climatique. Ses efforts ont contribué de manière significative à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. La Chine reste fermement et résolument attachée à ses objectifs « double carbone ».

En outre, la Chine s’est également engagée activement dans la coopération Sud-Sud sur le changement climatique, apportant une aide aux autres pays en développement dans toute la mesure de ses capacités. Depuis 2016, la Chine a fourni et mobilisé plus de 177 milliards de RMB pour le financement de projets. À la fin de 2024, la Chine avait signé 54 protocoles d’accord sur la coopération en matière de changement climatique avec 42 pays en développement. Grâce à des initiatives telles que la création de zones de démonstration à faible émission de carbone et la mise en œuvre de projets d’atténuation et d’adaptation, la Chine a renforcé les capacités des pays en développement à faire face au changement climatique. La Chine a mis en œuvre plus de 300 projets de renforcement des capacités, offrant une formation à plus de 10 000 personnes provenant de plus de 120 pays en développement.

La Chine a également soutenu l’initiative « Early Warnings for All » du secrétaire général des Nations unies, qui vise à renforcer les capacités d’adaptation des pays en développement et à réduire les pertes et les dommages. La Chine continue d’aider les pays en développement, en particulier les petits États insulaires en développement, les pays les moins avancés et les pays africains, et a obtenu des résultats remarquables à différents niveaux et dans divers secteurs.

IV – Toutes les parties doivent défendre le multilatéralisme et la coopération internationale pour l’avenir de l’humanité 

Pour l’avenir de l’humanité, tous les pays doivent préserver la Convention et l’Accord de Paris en tant que fondements et principaux instruments de la gouvernance climatique mondiale. Dès 2017, lorsque les États-Unis ont annoncé leur retrait de l’Accord de Paris, le président Xi Jinping, lors de sa visite au Bureau des Nations unies à Genève, a souligné que « la conclusion de l’Accord de Paris est une étape importante dans la gouvernance climatique mondiale. Nous ne devons pas laisser cet acquis être réduit à néant. Toutes les parties doivent travailler ensemble pour mettre en œuvre l’accord ».

À la suite du deuxième retrait des États-Unis, il est encore plus impératif que les pays préservent les objectifs, les principes, le cadre de coopération et les mécanismes établis par l’Accord de Paris. Toutes les Parties à l’Accord de Paris, compte tenu de leurs situations nationales différentes, doivent continuer à adhérer au principe de responsabilités communes mais différenciées et respectueuses du développement. Toutes les Parties doivent s’engager dans une coopération concrète afin de renforcer les efforts mondiaux et de promouvoir une transition énergétique verte et juste.

Les pays développés doivent considérablement renforcer les moyens de mise en œuvre et créer un climat propice à la coopération internationale en matière de climat. Comme l’a souligné le président désigné de la COP30 dans sa lettre, la Convention repose sur cinq piliers : l’atténuation, l’adaptation, le financement, la technologie et le renforcement des capacités. Il est impératif que les pays développés progressent dans le soutien qu’ils apportent aux pays en développement dans des domaines tels que le financement, la technologie et le renforcement des capacités, car ceux-ci constituent les fondements de l’ambition climatique mondiale et de la confiance multilatérale. En outre, les mesures unilatérales de restriction commerciale et technologique imposées par certains pays constituent un obstacle à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique. Les pays concernés devraient collaborer pour évaluer et réviser leurs politiques économiques, commerciales et industrielles, afin de s’assurer qu’elles facilitent la coopération mondiale en matière de climat plutôt que d’alourdir les coûts pour les pays qui s’efforcent d’atteindre leurs objectifs en matière de CDN et de mener à bien leur transition énergétique.

En tant que plus grand pays en développement, la Chine continuera à jouer un rôle actif dans la promotion d’un système mondial de gouvernance climatique équitable, raisonnable, coopératif et mutuellement avantageux. Le président Xi Jinping a toujours souligné que la lutte contre le changement climatique n’est pas une demande des autres, mais une initiative de la Chine. Il s’agit d’une exigence inhérente au développement durable et d’une obligation internationale pour un grand pays responsable. La Chine est déterminée à accélérer la transformation écologique globale de son développement économique et social, en envisageant un modèle de modernisation où l’humanité et la nature coexistent en harmonie. En outre, la Chine continuera à offrir au monde des produits verts de haute qualité, favorisant ainsi le développement mondial vert et bas carbone. Parallèlement, en tant que membre du Sud, la Chine reste attachée à la coopération Sud-Sud en matière de changement climatique et apporte son soutien aux autres pays en développement, en particulier aux pays africains, aux petits États insulaires et aux pays les moins avancés, dans leurs efforts pour lutter contre le changement climatique.

Conclusion

À l’heure actuelle, le processus multilatéral sur le changement climatique se trouve à un tournant. Nous n’avons qu’une seule Terre. Pour l’avenir, la seule façon de sauver notre planète est de défendre le multilatéralisme et de renforcer l’action mondiale en faveur du climat. La Chine restera un acteur déterminé et un contributeur clé au développement vert mondial. Quelle que soit l’évolution du paysage international, la Chine ne relâchera pas ses efforts pour lutter contre le changement climatique, elle ne faiblira pas dans ses efforts pour promouvoir la coopération internationale et elle ne renoncera pas à son engagement en faveur de la construction d’une communauté d’avenir partagé pour l’humanité.

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Liu Zhenmin, La Chine et la gouvernance mondiale du changement climatique, Groupe d'études géopolitiques, Nov 2025,

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