Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élection régionale en Lombardie, 12-13 février 2023
Issue #4
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Issue #4

Auteurs

Emanuele Massetti

Numéro 4, Janvier 2024

Élections en Europe : 2023

Contexte politique, candidats et système électoral

Les élections régionales en Lombardie ont eu lieu les 12 et 13 février 2023, à la fin du mandat du Président (chef de l’organe exécutif) et du Conseil (organe législatif) élus en mars 2018, et un peu plus de quatre mois avant les élections générales italiennes de septembre 2022. Le moment était donc favorable à l’alliance de centre-droit qui avait récemment remporté les élections générales (Improta et al., 2022) et dont le gouvernement était encore en phase de « lune de miel » avec l’électorat italien. De plus, dans la géographie électorale des régions italiennes, la Lombardie est présentée comme un exemple classique de bastion de centre-droit, tout comme la Vénétie et, dans une moindre mesure, la Sicile (Massetti, 2018 ; Valbruzzi et Vignati, 2021). Le résultat électoral semblait donc, dès le départ, assez prévisible.

Cependant, trois facteurs semblaient apporter un minimum d’incertitude. Tout d’abord, le candidat présidentiel du centre-droit, le président sortant Attilio Fontana (Lega), malgré sa longue expérience administrative au niveau local et régional, arrivait à l’élection avec une image publique pour le moins ternie. Les stratégies mises en place pour faire face à l’urgence Covid-19, qui a durement touché la Lombardie, ont été sévèrement critiquées de toutes parts. En outre, M. Fontana a été interrogé par le parquet de Bergame sur la gestion de la pandémie en Lombardie. Certes, au début de la pandémie, son image n’a pas été améliorée par une apparition sur vidéo, dans laquelle il s’est ridiculisé en essayant de porter un masque sanitaire, sans y parvenir. Deuxièmement, les élections générales de septembre 2022 ont certes apporté une majorité de centre-droit, mais avec des bouleversements importants dans les rapports de force entre les différentes composantes : Fratelli d’Italia (FdI), dirigé par Giorgia Meloni, était devenu de loin le premier parti de la coalition (et de l’Italie), tandis que la Lega de Matteo Salvini avait vu son poids électoral divisé par plus de deux. Les élections lombardes risquaient donc de provoquer des tensions non négligeables au sein du centre-droit, la Ligue craignant un dépassement du FdI dans son propre fief. Ce n’est pas un hasard si la candidature de Fontana à sa propre réélection a été remise en cause par le FdI qui, en tête des sondages, exigeait un candidat présidentiel issu de son propre parti. Finalement, le fait que les élections lombardes se soient déroulées en même temps que celles du Latium, où le candidat de centre-droit avait été choisi par le FdI, a facilité un accord sur le candidat de la Ligue, Fontana, en Lombardie. Le troisième élément perturbateur potentiel d’une victoire facile du centre-droit était la candidature de Letizia Moratti à la présidence, soutenue par une nouvelle force politique centriste, Azione-Italia Viva (Az-IV). C’est une figure historique du centre-droit lombard, ayant occupé les postes de mairesse de Milan (2006-2011) et de vice-présidente et conseillère pour l’aide sociale dans le gouvernement lombard sortant. Bref, une personnalité politique potentiellement capable de soustraire des voix à la candidature de M. Fontana et donc de favoriser indirectement la course du candidat Pierfrancesco Maiorino, soutenu par le Partito Democratico (PD), dont il est membre, par le Movimento Cinque Stelle (M5S), qui, lors des élections précédentes, s’était présenté seul en présentant son propre candidat, et par l’Alliance des Verts et de la Gauche (AVS). Au contraire, la candidature de Mara Ghidorzi, soutenue par une petite force de gauche, l’Unione Popolare (UP), représentait une source possible de pertes électorales pour Maiorino.

Il convient de rappeler qu’entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, une série de réformes a profondément transformé le cadre institutionnel des régions italiennes (à l’exception du Haut-Adige/Südtirol et du Val d’Aoste), les faisant passer de systèmes parlementaires à des systèmes super-présidentiels idiosyncrasiques (Musella 2009 ; Marangoni 2013 ; De Luca et Rombi 2016 ; Passarelli, 2013). Parallèlement, le système électoral est devenu tout aussi extravagant, en liant l’élection du Conseil à celle du Président. En bref, il y a deux votes : un pour les candidats à la présidence et un pour les listes de partis. Le premier vote détermine l’attribution de la fonction de président tandis que, en théorie, le second vote devrait déterminer la composition du Conseil. En réalité, les listes de partis sont liées aux candidats à la présidence et l’attribution des sièges est fortement influencée par le soutien au candidat vainqueur. En effet, la majorité des sièges (48 sur 90) est attribuée à la coalition de partis (ou au parti) qui soutient le candidat vainqueur de la compétition présidentielle, tandis que 40 sièges sont répartis entre tous les partis d’opposition. En outre, deux sièges au Conseil sont réservés aux deux candidats arrivés en tête de la compétition présidentielle, à savoir le président élu et son dauphin. En pratique, le vote attribué par les électeurs aux différentes listes de partis ne sert qu’à répartir les 48 sièges au sein de la coalition du candidat gagnant et les 40 sièges restants entre les coalitions perdantes et les partis qui les composent.

Les résultats

Le taux de participation s’est élevé à 41,6 % des électeurs, soit 31,5 points de moins que lors de l’élection précédente de 2018 et 23 points de plus que le précédent record d’abstention de 2010. Le résultat du vote, qui était presque acquis d’avance, peut certainement avoir contribué à cette baisse de la participation. Toutefois, l’ampleur du chiffre laisse entrevoir une certaine crise de confiance dans les institutions politiques en général, qui, en ce qui concerne les régions, s’était déjà manifestée de manière flagrante lors des élections de 2015 pour les régions ordinaires (Vampa, 2015 ; Massetti, 2018), alors qu’elle semblait partiellement surmontée lors des élections de 2020 (Vampa, 2020). Le taux de participation a également été beaucoup plus faible (-22,2 points de pourcentage) que lors des élections générales quatre mois plus tôt, qui constituaient également un record négatif. Cette comparaison confirme le caractère de  » second ordre  » des élections régionales en Italie – surtout en ce qui concerne les régions à statut ordinaire (Massetti et Sandri, 2013).

Les résultats sont présentés dans la figure a, pour la compétition pour la présidence de la région, et dans la figure b, pour les votes attribués aux différentes coalitions et listes électorales. Comme prévu, l’élection s’est soldée par une nette victoire de Fontana et de la coalition de centre-droit.

CandidatPartiCoalitionVotes (milliers)Diff. 2018 (milliers)Votes (%)Diff. 2018 (pp)
Attilio FontanaLigueFdI – FI – Ligue – Noi Moderati1774,5-1018,954,7+5
Pierfrancesco MaiorinoPDPD – M5S – AVS1101,5-531,9*33,9+4,8*
Letizia MorattiIndépendantAz-IV320,39,9
Mara GhidorziUPUP49,51,5
* En 2018, le candidat du PD à la présidence (Giorgio Gori) a été soutenu par une coalition différente qui n’incluait pas le M5S.
Source : Ministère de l’Intérieur.
Figure a · Résultats de la compétition électorale entre les candidats à la présidence
CoalitionListe de partiVoix (%)Diff. 2018 (pp)SiègesDiff. 2018
Centre-droitFdI25,2+21,622+19
Ligue16,5-13,114+1-14
FI7,2-7,16-8
Fontana Presidente6,2+4,75+4
Noi Moderati1,2010
Total56,3+56,35490
Centre-gauche + M5SPD21,8+2,617+1-2
M5S3,9-13,93-10
Maiorino Presidente3,82
AVS3,21
Total32,724
CentreMoratti Presidente5,34
Az-IV4,23
Total9,57
Gauche radicaleUV1,40
Source : Ministère de l’Intérieur.
Figure b · Résultats de la compétition électorale entre coalitions et listes pour le conseil régional

Malgré les critiques dont il a fait l’objet au cours du mandat précédent, notamment en ce qui concerne la gestion de la pandémie, le candidat de la Lega est arrivé en tête avec un pourcentage de voix (+5) nettement plus élevé qu’en 2018, et avec une performance de sa propre liste électorale — Fontana Presidente — supérieure (+4,7 pp) à celle de 2018. Cela dit, il convient de noter que le président élu a perdu plus d’un million de voix en termes absolus par rapport à l’élection précédente.

Un aspect significatif de cette compétition électorale a été le retour de la bipolarité. En effet, la somme des pourcentages de voix des deux premiers candidats s’est élevée à 88,6 % — et celle des deux premières coalitions à 89 % — en contraste total avec les régions ordinaires en 2015 (Tronconi, 2015 ; Bolgherini et Ghrimaldi, 2017), mais en ligne avec les résultats de 2020 (Vampa, 2021). Le troisième pôle (centriste) n’a même pas obtenu 10 % des voix. Lors des élections précédentes, lorsque le troisième pôle était représenté par le M5S, la somme des pourcentages de voix des deux premiers candidats était au contraire de 78,7 %. La candidature de Letizia Moratti n’a donc pas représenté un défi majeur pour le centre-droit ni porté un coup à la bipolarité, puisque le candidat arrivé en deuxième position, Maiorino (PD), a obtenu un pourcentage de voix plus élevé (+4,8) que celui obtenu par le candidat de centre-gauche lors des élections de 2018.

Parallèlement, la coalition de centre-gauche reste peu compétitive en Lombardie, malgré la bonne performance du PD (+2,6) et malgré le fait que ce dernier s’est également allié au M5S. Ce dernier se confirme comme une force politique peu performante au niveau régional (par rapport au niveau national) mais, notamment à partir de 2018, beaucoup plus compétitive dans les régions du sud que dans celles du nord de l’Italie (Cersosimo et Viesti, 2022). En outre, on ne peut exclure que l’alliance avec le PD ait eu une incidence négative sur les résultats du M5S.

En fait, la partie la plus intéressante des résultats concerne la concurrence au sein du centre-droit, entre le FdI, la Lega et la FI. De ce point de vue, les élections ont représenté un véritable tremblement de terre, même s’il a été annoncé. Forza Italia a diminué de moitié son poids électoral et devient la troisième force de la coalition. L’affrontement entre FdI et Lega a vu le parti de la première ministre, Giorgia Meloni, l’emporter nettement, en multipliant par six son poids électoral (en pourcentage). Au contraire, même en comptant les voix de la liste Fontana Presidente, la Ligue a subi une baisse significative et est désormais la deuxième force de la coalition, clairement détachée du FdI.

En ce qui concerne la territorialité du vote, la pertinence du clivage classique — en termes techniques (Lipset et Rokkan, 1967) — entre les grands centres urbains, d’une part, et les petites villes et les zones rurales, d’autre part, a été confirmée. Maiorino l’emporte non seulement à Milan, mais aussi à Brescia, à Mantoue et même à Bergame. Le PD est arrivé en tête à Milan, Bergame, Brescia, Lecco, Lodi, Mantoue, Pavie, Sondrio et Varèse. En revanche, si l’on tient compte des petites villes situées en dehors des zones métropolitaines, Fontana l’a emporté dans toutes les provinces. Enfin, en ce qui concerne la concurrence interne au centre-droit, le FdI a dépassé la Ligue dans pratiquement tous les centres urbains les plus importants et dans toutes les provinces, à l’exception de Côme et de Sondrio.

Conclusions

Les élections régionales en Lombardie n’ont pas réservé de grandes surprises. La Lombardie s’est confirmée comme un bastion inexpugnable du centre-droit, le candidat présidentiel sortant, Fontana (Lega), obtenant une investiture claire pour un second mandat, malgré les critiques reçues dans la gestion de l’urgence pandémique et malgré l’effondrement enregistré dans le taux de participation. Le choix du PD et du M5S de se présenter unis n’est pas apparu particulièrement payant dans le contexte lombard, surtout pour le M5S. D’autre part, l’hypothèse selon laquelle une alliance entre le PD et l’Az-IV — parallèlement à une candidature en solo (ou avec l’UV) du M5S — aurait soustrait davantage de voix au centre-droit n’est pas seulement dépourvue de fondement empirique, mais également incompatible avec une tendance historique du comportement électoral italien, confirmée lors des dernières élections générales (Mannoni et Angelucci, 2022), qui montre un faible déplacement des voix entre le centre-droit et le centre-gauche. Le vote confirme un écart de plus en plus évident entre les préférences politiques des grands centres urbains, clairement en faveur du PD, et celles des petites villes et des zones rurales, où le centre-droit est largement dominant. La compétition entre le FdI et la Lega a vu la première force politique l’emporter dans tous les centres urbains et dans presque toutes les provinces.

Les données

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Emanuele Massetti, Élection régionale en Lombardie, 12-13 février 2023, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2024,

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