Élections présidentielles et législatives en Lituanie, mai et octobre 2024
Issue
Issue #5Auteurs
Mažvydas Jastramskis , Ainė Ramonaitė
Numéro 5, Janvier 2025
Élections en Europe : 2024
L’année 2024 était une année électorale en Lituanie. Les citoyens ont pu voter jusqu’à cinq fois : pour le premier tour de l’élection présidentielle le 12 mai, le second tour le 26 mai, l’élection du Parlement européen le 9 juin, le premier tour de l’élection parlementaire le 13 octobre et le second tour le 27 octobre.
Les élections présidentielles en Lituanie se déroulent selon un système majoritaire à deux tours. Si aucun candidat n’obtient au moins 50 % des voix plus une au premier tour, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix accèdent au second tour, où une majorité absolue simple détermine le vainqueur. L’une des conditions pour l’inscription des candidats est l’obtention de 20 000 signatures, ce qui représente environ 0,83 % de la population en âge de voter.
Pour les élections législatives, la Lituanie utilise un système électoral mixte. Près de la moitié des députés (70 sur 141) sont élus au scrutin proportionnel dans une circonscription nationale, avec un seuil de 5 % pour les partis politiques et de 7 % pour les coalitions. Dans ce cas, un système de liste flexible est utilisé où chaque électeur peut exprimer jusqu’à cinq votes préférentiels. Les 71 députés restants sont élus dans des circonscriptions uninominales à l’aide d’un système à deux tours. En vertu du code électoral adopté en 2022, le vainqueur d’une élection n’a plus besoin d’une majorité absolue, comme c’était le cas auparavant : lors d’une élection à mandat unique, le candidat qui remporte le plus de voix est élu, mais seulement s’il obtient au moins 20 % du nombre total d’électeurs inscrits (ce qui est assez rare étant donné le taux de participation généralement faible en Lituanie). Si aucun candidat n’obtient au moins 20 % des suffrages exprimés dans une circonscription uninominale donnée, les deux premiers candidats accèdent au second tour, où une majorité simple détermine le vainqueur. Alors que seuls les partis politiques peuvent présenter des listes pour la représentation proportionnelle, les candidats indépendants sont autorisés à se présenter dans les circonscriptions uninominales.
Contexte
Une coalition de centre-droit composée de l’Union de la patrie-démocrates chrétiens lituaniens (TS-LKD, PPE), du Mouvement libéral (LS, Renew Europe) et du Parti de la liberté (LP, Renew Europe), est en place depuis les élections législatives de 2020. Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ingrida Šimonytė (TS-LKD), a traversé une période tumultueuse marquée par la pandémie de COVID-19, une crise migratoire à la frontière avec la Biélorussie, la guerre de la Russie contre l’Ukraine (qui a entraîné un afflux de réfugiés ukrainiens et renforcé les inquiétudes concernant la sécurité nationale), et une hausse de l’inflation. Bien que ces crises aient été gérées (avec plus ou moins d’efficacité), elles ont contribué à créer un climat politique de polarisation croissante et de mécontentement sociétal. Cela a notamment conduit à une vague de protestations contre les mesures de régulation de la pandémie en 2021 et s’est reflété dans les sondages d’opinion, où une majorité de la population a exprimé sa méfiance à l’égard du gouvernement.
Les tentatives du parti le plus progressiste de la coalition, LP, d’introduire une législation sur les unions entre personnes de même sexe ont constitué une autre source de discorde notable. Bien que ces efforts aient finalement échoué (plusieurs projets de loi n’ayant pas obtenu la majorité au parlement), ils ont contribué à un tri idéologique et à une polarisation accrue sur la question. Il est intéressant de noter que les partis de droite ont, en moyenne, adopté une position plus progressiste sur cette question que le centre gauche et, en particulier, que l’aile populiste de l’échiquier politique. Ceci est lié à l’évolution des clivages politiques en Lituanie. Le principal clivage sociopolitique est né d’évaluations différentes de l’ère soviétique. Depuis le rétablissement de l’indépendance, les électeurs ayant une vision négative de la période soviétique ont soutenu les partis de droite, tandis que ceux ayant une évaluation neutre ou positive ont eu tendance à s’aligner sur les partis de centre-gauche ou populistes. Ce clivage se recoupant avec le clivage urbain-rural, les partis de droite se sont appuyés davantage sur des bases sociologiques plus jeunes, plus urbaines et plus libérales.
La période 2020-2024 a également été marquée par des tensions entre le président non partisan Gitanas Nausėda (élu en 2019) et le gouvernement de droite de Šimonytė. Le président lituanien détient des pouvoirs importants, notamment le droit d’opposer son veto à la législation (et de proposer des amendements), de nommer les principaux fonctionnaires de l’État (tels que les juges de la Cour suprême) avec l’assentiment du Seimas (parlement lituanien), et de jouer un rôle central dans la politique étrangère, qui est menée conjointement avec le gouvernement.
Bien que le président et le gouvernement aient été alignés sur des questions stratégiques clés (telles que le soutien à l’Ukraine, l’augmentation des dépenses de défense et une orientation générale pro-occidentale), les ambitions personnelles et la concurrence au sein de l’exécutif pour le pouvoir ont conduit à des relations tendues. L’un des principaux points de conflit a porté sur la question de savoir qui devait représenter la Lituanie au Conseil européen. Alors que la tradition informelle (depuis la présidence de Dalia Grybauskaitė) veut que le chef de l’État assume ce rôle, le gouvernement de droite a soutenu en vain que le premier ministre devait s’en charger. En outre, la position plus conservatrice de Nausėda sur les questions relatives à la famille et aux partenariats entre personnes de même sexe, associée à sa préférence pour des dépenses publiques plus importantes, a également conduit à des désaccords idéologiques avec la majorité au pouvoir.
En résumé, on peut identifier plusieurs causes sous-jacentes à l’opposition entre le premier ministre et le président, qui a ensuite influencé les élections législatives et présidentielles. La première découle du système semi-présidentiel de la Lituanie : les présidents non partisans (la Constitution exige que le président démissionne de toutes les organisations politiques et les électeurs élisent généralement des candidats véritablement non partisans) sont incités à rivaliser avec le gouvernement dirigé par les partis, ce qui participe à l’équilibre des pouvoirs. La deuxième source de friction intra-exécutif était la rivalité personnelle et la concurrence politique entre le président Nausėda et le Premier ministre Šimonytė, qui s’est maintenue depuis le second tour de l’élection présidentielle de 2019 (remportée par Nausėda). La troisième est due aux différences idéologiques entre les deux dirigeants.
Campagne
En raison de la proximité des élections législatives et présidentielles, leurs campagnes électorales se sont partiellement chevauchées. En outre, les résultats des élections présidentielles ont été étroitement liés aux élections législatives, certains candidats à la présidence (notamment Remigijus Žemaitaitis, voir ci-dessous) ayant transféré leur capital politique nouvellement acquis au succès électoral de leur parti.
Un axe central de la compétition est apparu entre le président et le Parti social-démocrate lituanien (LSDP, S&D), le principal parti d’opposition à l’époque, d’une part, et le TS-LKD au pouvoir, d’autre part. Bien que le président Nausėda n’ait pas explicitement soutenu les sociaux-démocrates lors des élections législatives, il a indiqué qu’il souhaitait un changement de gouvernement et qu’il s’attendait à une coalition de centre-gauche. Le Premier ministre Šimonytė s’est présenté comme candidat du TS-LKD à l’élection présidentielle et a également conduit la liste électorale du parti aux élections législatives. Le LSDP a choisi de ne pas présenter de candidat à l’élection présidentielle et de soutenir la candidature de Nausėda, ce qui a permis à ce dernier d’accéder facilement au second tour et de remporter une victoire écrasante. D’un point de vue sociologique, la décision semblait raisonnable, car les études sur l’élection présidentielle de 2019 (Jastramskis, 2020) ont montré un chevauchement important entre les bases électorales de Nausėda et celles du LSDP.
Toutefois, les différences idéologiques entre les deux camps (centre-droit et centre-gauche) lors des élections présidentielles et parlementaires se sont quelque peu estompées. Le président Nausėda et le chef des sociaux-démocrates, Vilija Blinkevičiūtė, ont critiqué le gouvernement et le TS-LKD principalement pour leur mauvaise communication et leur incapacité générale à répondre aux préoccupations de la population. Le centre gauche a également appelé à une plus grande justice sociale, à l’expansion de l’État-providence et à une plus grande attention à la politique régionale. De manière générale, les programmes du LSDP et du TS-LKD semblent toutefois assez similaires.
À côté de ces deux camps principaux, un troisième camp populiste a émergé, critiquant l’ensemble du système politique et remettant en question, de façon variable, les piliers stratégiques de la politique étrangère lituanienne. Ce camp comprend les nouveaux venus en politique Ignas Vėgelė, Eduardas Vaitkus et l’ancien député Remigijus Žemaitaitis. Les deux premiers se sont fait remarquer pendant la pandémie de COVID-19, tandis que Žemaitaitis, qui a soutenu les mesures visant à contrôler la pandémie, a attiré l’attention pendant la campagne électorale en raison de ses traits de caractère, d’une rhétorique forte et d’une campagne électorale très intense.
Lors de l’élection présidentielle, l’avocat Ignas Vėgėlė (non partisan) est apparu comme le troisième candidat le plus populaire dans les sondages. Il s’est fait connaître pendant la pandémie en contestant la politique de vaccination et d’autres mesures liées à la pandémie. Il a également adopté une position conservatrice sur les alliances homosexuelles et la politique familiale. Tout en exprimant son soutien à l’OTAN, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, il a critiqué la politique étrangère de l’ancienne majorité au pouvoir en la qualifiant de conflictuelle. Après les élections présidentielles, Vėgėlė a rejoint l’Union lituanienne agraire et des Verts (LVŽS, groupe ECR), un parti socialement conservateur et économiquement de centre-gauche.
Dans ce camp, un autre non-partisan, Eduardas Vaitkus, exprime les positions les plus radicales. Tout comme Călin Georgescu en Roumanie, Vaitkus a fait campagne sur des positions de politique étrangère ouvertement pro-russes, qualifiant l’OTAN de bloc agressif et plaidant pour la paix dans la guerre Russie-Ukraine (sans reconnaître l’agression initiale de la Russie). Des preuves partielles tendent à suggérer qu’il a capitalisé sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, pour attirer l’attention politique. Cependant, Vaitkus n’a obtenu que 7,3 % des voix (voir également la section sur les résultats) et n’a pas été en mesure de traduire son succès partiel dans les élections législatives, où il a rejoint la liste d’un parti relativement marginal, le Parti du peuple lituanien.
La figure clé de ce troisième camp populiste est Remigijus Žemaitaitis. En avril 2024, la Cour constitutionnelle a jugé que Remigijus Žemaitaitis avait violé la Constitution en publiant des messages antisémites sur les réseaux sociaux. À la suite de cette décision, M. Žemaitaitis a démissionné du parlement afin d’éviter une procédure de déstitution. Avant le verdict, son adhésion au petit parti Liberté et Justice a été suspendue, et il avait fini par créer son propre parti politique « Aube du Niémen » (PPNA).
La décision de la Cour constitutionnelle a probablement amplifié l’attrait de la rhétorique populiste agressive de M. Žemaitaitis, qui critique depuis longtemps l’élite politique lituanienne. Auparavant, il n’avait qu’une influence relativement faible sur la politique lituanienne, ayant été élu à plusieurs reprises dans sa circonscription uninominale rurale dans l’ouest de la Lituanie. Cependant, sa position anti-establishment nouvellement renforcée l’a aidé à obtenir une quatrième place dans la course présidentielle (voir également la section sur les résultats). En outre, il a pu tirer parti de cette dynamique politique, en s’appuyant sur le mécontentement généralisé des électeurs à l’égard de l’establishment politique, ce qui a renforcé le soutien pour son parti lors des élections législatives.
En réponse, le principal parti au pouvoir, le TS-LKD, a fait de Žemaitaitis un point central de sa campagne, soulignant la nécessité d’un cordon sanitairepour l’isoler de la politique mainstream et du futur gouvernement (et rappelant l’arrêt de la Cour constitutionnelle). Parallèlement, les partis d’opposition, en particulier les sociaux-démocrates, ont rejeté l’option d’une grande coalition avec le TS-LKD, mais ont également fait savoir pendant la campagne qu’ils n’étaient pas disposés à coopérer avec M. Žemaitaitis.
Les résultats
Lors du premier tour de l’élection présidentielle qui s’est tenu le 12 mai, le président sortant Gitanas Nausėda est arrivé largement en tête. Par conséquent, la question principale était de savoir quel candidat arriverait en deuxième position et si un second tour serait nécessaire. La deuxième place était disputée par la Première ministre sortante Ingrida Šimonytė (qui est arrivée deuxième lors de la dernière élection présidentielle en 2019) et le nouveau venu politique Ignas Vėgėlė. Bien que certains sondages suggèrent que Vėgėlė avait ses chances pour accéder au second tour (Brunalas, 2024), une partie importante de son électorat potentiel ont soutenu Remigijus Žemaitaitis. La popularité croissante de ce dernier a finalement relégué Vėgėlė à la troisième place, avec 12 % des voix. Nausėda et Šimonytė ont accédé au second tour avec respectivement 44 % et 20 % des voix (voir figure a).
Candidat | % des voix au premier tour 12 mai | % des voix au second tour 26 mai |
Gitanas Nausėda | 43.95 | 74.15 |
Ingrida Šimonytė | 20.05 | 24.34 |
Ignas Vėgėlė | 12.35 | |
Remigijus Žemaitaitis | 9.21 | |
Eduardas Vaitkus | 7.31 | |
Dainius Žalimas | 3.57 | |
Andrius Mazuronis | 1.38 | |
Giedrimas Jeglinskas | 1.37 | |
Votes nuls | 0.81 | 1.51 |
Taux de participation | 59.95 | 49.74 |
Lors du second tour, organisé le 26 mai, Nausėda a remporté une victoire écrasante contre Šimonytė, obtenant le plus grand nombre de voix dans l’histoire des seconds tours des élections présidentielles en Lituanie (74 % des voix). En revanche, le soutien de Šimonytė n’a augmenté que de 4 points de pourcentage par rapport à sa performance au premier tour. Ce gain limité peut être attribué à la nature polarisante de l’Union de la patrie, le parti que représentait Šimonytė. L’Union de la patrie bénéficie généralement d’un soutien considérable de la part des électeurs urbains progressistes, en particulier dans la capitale, mais se heurte à une opposition importante de la part d’une grande partie de l’électorat dans les zones rurales et non métropolitaines. Comme indiqué précédemment, cette polarisation remonte à la transformation post-soviétique des années 1990, mais elle s’est à nouveau renforcée pendant la crise du covid-19.
Une enquête par panel en ligne commandée par l’université de Vilnius et financée par le projet « Soutien aux institutions démocratiques et polarisation de la société : une analyse des interactions » (subvention n° S-VIS-23-19) a révélé que la base électorale de Šimonytė aux élections de 2024 était principalement composée de résidents urbains ayant un niveau d’éducation supérieur, alors que le soutien de Nausėda provenait d’un éventail plus large de groupes sociaux. Un autre candidat représentant la majorité au pouvoir à l’époque, Dainius Žalimas du Parti de la liberté, qui avait précédemment occupé le poste de président de la Cour constitutionnelle, était en concurrence avec Šimonytė pour une base électorale similaire. Les partisans de Žalimas, essentiellement des jeunes électeurs urbains, n’ont représenté que 3,6 % du total des voix et n’ont donc apporté qu’une aide limitée à Šimonytė au second tour. Les données d’enquête indiquent en outre qu’une proportion significative des électeurs de Žalimas (plus d’un tiers) a finalement soutenu Nausėda au second tour plutôt que Šimonytė.
Les données de l’enquête post-électorale ont révélé des caractéristiques distinctes au sein des électorats des trois candidats populistes. Les électeurs de Vaitkus se distinguent par leur indifférence à l’égard des questions de défense. Les partisans de Vėgėlė, comme ceux de Vaitkus, se distinguent par leur position conservatrice sur les alliances entre personnes de même sexe. Quant à Žemaitaitis, il séduit surtout les partisans d’une « main forte » pour la direction du pays. Le sondage indique également que Vaitkus a reçu beaucoup plus de voix des électeurs russophones et polonais que les autres candidats. Lors des élections législatives d’octobre, le parti social-démocrate lituanien a remporté une victoire décisive (figure b). Alors que le parti n’a devancé le TS-LKD que d’un point de pourcentage dans les circonscriptions plurinominales, obtenant 19 % des voix et 18 sièges, il a obtenu des résultats exceptionnels au second tour des circonscriptions uninominales, remportant 34 sièges supplémentaires. Cela a porté son total de sièges à 54 sur 141. Comme Nausėda au second tour de l’élection présidentielle, le LSDP a bénéficié du fait d’être un parti relativement peu polarisé, attirant un large éventail de groupes d’électeurs.
Parti | % des votes en RP | Sièges remportés en RP | Sièges remportés en SMD |
Parti social-démocrate lituanien (LSDP) | 19.32 | 18 | 34 |
Union de la patrie – Chrétiens-démocrates lituaniens (TS-LKD) | 18 | 17 | 11 |
Aube du Niémen (PPNA) | 14.92 | 14 | 6 |
Union des démocraties « Pour la Lituanie » (DSVL) | 9.22 | 8 | 6 |
Mouvement libéral (LS) | 7.70 | 7 | 5 |
Union lituanienne agraire et des verts (LVŽS) | 7.02 | 6 | 2 |
Parti de la liberté (LP) | 4.53 | 0 | 0 |
Action électorale polonaise (LLRA) | 3.99 | 0 | 3 |
Alliance nationale (NS) | 2.87 | 0 | 1 |
Parti populaire lituanien (LLP) | 2.64 | 0 | 0 |
Coalition pour la paix (parti travailliste, parti chrétien-démocrate lituanien, parti samogitien) | 2.2 | 0 | 0 |
Parti des régions lituaniennes (LRP) | 1.89 | 0 | 0 |
Parti vert (LŽP) | 1.69 | 0 | 0 |
Union du peuple et de la justice (centristes, nationalistes) | 1.39 | 0 | 0 |
Liberté et Justice (PLT) | 0.75 | 0 | 1 |
Non-partisans | – | – | 2 |
En revanche, le TS-LKD a été confronté à des difficultés similaires à celles rencontrées lors de l’élection présidentielle. Bien que le parti ait obtenu des résultats raisonnables au premier tour (18 % des voix et 17 sièges), il a subi des pertes importantes au second tour, perdant des micro-élections dans des circonscriptions à siège unique face à presque tous les partis politiques, à l’exception du Parti de la liberté (LP), encore plus polarisé. Le parti progressiste LP, qui est apparu comme un nouveau venu en 2020, a connu une performance décevante lors de ces élections. Le parti n’a pas réussi à dépasser le seuil des 5 % dans les circonscriptions plurinominales et n’a obtenu aucun siège dans les districts uninominaux.
Le troisième partenaire de la coalition au pouvoir, le Mouvement libéral, a obtenu de bien meilleurs résultats. Avec 7,7 % des voix, le parti a amélioré sa performance de 2020 dans la catégorie de la représentation proportionnelle et a obtenu 12 sièges au total. Avec une position modérée de centre-droit, le Mouvement libéral a réussi à attirer une partie de l’électorat du TS-LKD, comme le montrent les résultats de l’enquête par panel susmentionnée.
L’un des résultats les plus surprenants des élections législatives de 2024 a été la performance du nouveau parti Aube du Niémen (PPNA). Ce parti a obtenu près de 15 % des voix, obtenant 20 sièges et se plaçant en troisième position au Seimas. Bien qu’il s’agisse officiellement d’une nouvelle entité politique, le PPNA a hérité d’une partie de ses membres et de ses électeurs du Parti de la liberté et de la justice (qui, à son tour, a hérité d’une partie des membres et de l’électorat de l’ancien parti « Ordre et justice »). Comme ses prédécesseurs, le PPNA a reçu son plus grand soutien en Samogitie, où son leader, Remigijus Žemaitaitis, a mené la campagne la plus intensive. Le parti a attiré les votes de protestation des personnes les plus mécontentes du gouvernement de Šimonytė et du fonctionnement général de la démocratie en Lituanie. Les données suggèrent que le PPNA a réussi à tirer une partie importante de son soutien de l’Union lituanienne agraire et des verts (LVŽS), dont les résultats ont été bien moins bons que prévu. Alors qu’il était le deuxième parti en 2020 avec 17 % des voix, LVŽS n’a recueilli que 7 % en 2024, même après avoir inclus Ignas Vėgėlė et son équipe sur leur liste. LVŽS a évité de justesse de ne pas entrer au parlement. Comme la liste de candidats du parti comprenait des personnes n’appartenant pas à LVŽS, elle a été considérée comme une coalition, soumise au seuil électoral plus élevé de 7 %.
La scission du parti en 2021 est un autre facteur clé qui a contribué aux mauvais résultats de LVŽS. À cette époque, l’ancien Premier ministre Saulius Skvernelis, ainsi que 15 autres députés, ont quitté le groupe politique du LVŽS pour former l’Union démocratique « Pour la Lituanie » (DSVL) (voir Jastramskis et Ramonaitė, 2022). En tant que parti centriste doté d’une équipe de politiciens connus (dont l’ancien commissaire européen Virginijus Sinkevičius), le DSVL a obtenu 9 % des voix et 14 sièges au parlement.
Après les élections, l’initiative de former un gouvernement a été confiée au LSDP. Le soir des élections, il est apparu clairement que le noyau de la coalition au pouvoir serait composé du LSDP et du DSVL ; cependant, les mandats obtenus par ces deux partis (64 sur 141) étaient insuffisants pour former une majorité. Peu enclin à former une coalition avec ses anciens homologues de la LVŽS, le DSVL a plaidé en faveur de l’inclusion du Mouvement libéral dans la coalition. Cette proposition n’a toutefois reçu qu’un soutien limité de la part du LSDP et du Mouvement libéral lui-même.
Finalement, dans un geste qui en a surpris plus d’un, Gintautas Paluckas, le Premier ministre désigné par le LSDP (la présidente du LSDP, Vilija Blinkevičiūtė, a refusé d’occuper le poste de Premier ministre, choisissant plutôt de conserver le siège qu’elle a gagné au Parlement européen), a lancé une invitation au PPNA à rejoindre la coalition, malgré la promesse de campagne du LSDP d’éviter toute collaboration avec le parti. Le président Nausėda a accepté de valider la nomination des ministres d’un tel gouvernement à la condition qu’aucun membre du PPNA, y compris son dirigeant Remigijus Žemaitaitis, qui faisait l’objet de poursuites judiciaires liées à des déclarations antisémites, ne soit ministre. Si, dans le système semi-présidentiel lituanien, le président approuve la composition du gouvernement, ce processus reste une zone d’ombre dans le cadre constitutionnel. D’une part, la doctrine constitutionnelle lituanienne n’accorde pas au président le pouvoir d’influencer la composition de la coalition parlementaire au pouvoir. D’autre part, le président peut naviguer dans cette zone grise en utilisant ses pouvoirs informels, tels que son autorité publique, et peut tenter de rejeter (de manière préventive) certains candidats au poste de ministre, comme l’a fait le président Nausėda avec le PPNA. En conséquence, le PPNA a été du nommer des candidats non partisans aux postes ministériels. Le parti a accepté ces conditions et, le 12 décembre, le Seimas a approuvé le nouveau gouvernement (BNS, 2024).
Les données
Élection présidentielle : premier tour



Élection présidentielle : second tour



Élection législative (votes de circonscription)




Bibliographie
BNS (2024). Lithuanian lawmakers approve new government programme, cabinet sword in. LRT.lt.
Brunalas, B. (2024). Intriga išlieka: skelbiami naujausi kandidatų į prezidentus reitingai. LRT.lt.
Jastramskis, M. (2020). Kas už ką balsavo 2019 metų Lietuvos prezidento rinkimuose? Politologija, 97(1), 8-41.
Jastramskis, M. et Ramonaitė, A. (2022). Lithuania: Political Developments and Data in 2021. European Journal of Political Research Political Data Yearbook 61, 299-306.
citer l'article
Mažvydas Jastramskis, Ainė Ramonaitė, Élections présidentielles et législatives en Lituanie, mai et octobre 2024, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2025,