Revue Européenne du Droit
La guerre en Ukraine et la limitation du droit de veto au Conseil de sécurité
Issue #5
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Issue #5

Auteurs

Anne Peters

Revue éditée par le Groupe d’études géopolitiques en partenariat avec le Club des juristes

La Russie a opposé à plusieurs reprises son veto à des projets de résolution du Conseil de sécurité concernant ses activités militaires dans l’État voisin d’Ukraine, tant en 2014 qu’en 2022 1 . Dans ce contexte, après l’invasion russe, l’ambassadeur des États-Unis aux Nations unies a déclaré que « tout membre permanent qui exerce son droit de veto pour défendre ses propres actes d’agression perd son autorité morale » 2 . Et lors du débat de l’Assemblée générale sur le recours et la réparation pour les dommages de guerre infligés à l’Ukraine, le délégué ukrainien a souligné que la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale, dans le cadre de l’initiative « S’unir pour la paix », était « conçue pour des cas comme celui-ci, lorsqu’un pays comme la Russie abuse de son droit de veto » 3 .

Cet article montre comment deux développements procéduraux récents (l’initiative dite du veto et l’engagement des États-Unis), déclenchés par la guerre en Ukraine, contribuent à éroder la légalité d’un vote au Conseil de sécurité qui protégerait un comportement manifestement illégal, tel qu’une agression. Notons que cette érosion ne remet pas en question le droit légal des membres permanents du Conseil de sécurité d’utiliser à discrétion le droit de veto pour promouvoir leurs propres intérêts, même si cela est en contradiction avec leur responsabilité de contribuer au maintien de la paix dans le monde. Mais elle confirme ce que de récentes études empiriques, qu’il s’agisse d’analyses à très grande échelle ou d’études de cas retraçant les processus de prise de décision au sein du Conseil de sécurité, ont montré : « les puissants détiennent le droit de veto, mais ils n’ont pas la mainmise sur l’ensemble du processus. (…) Les règles de l’institution ont un impact » ; le Conseil de sécurité n’est pas un simple « laissez-passer pour les États puissants » 4 . L’article conclut que des méthodes de travail révisées seraient un moyen approprié pour contenir le veto et améliorer ainsi l’efficacité et la légitimité du Conseil de sécurité.  

L’anachronisme du veto

La composition du Conseil et le droit de veto figent un moment historique en privilégiant des États qui étaient puissants en 1945, mais qui ne sont peut-être plus aussi importants à l’échelle mondiale, notamment par rapport à des États non européens devenus des géants économiques et politiques comme le Brésil ou l’Inde. En 1945, le système de vote pour le Conseil de sécurité projeté (y compris l’exigence d’un « vote concordant » des membres permanents) a été conçu lors d’une conférence entre les quatre puissances victorieuses à Yalta en 1945, sans la participation des autres. La « formule de Yalta » préfigurait déjà le texte de ce qui deviendrait plus tard l’article 27 de la Charte des Nations unies 5 . Les quatre États promoteurs avaient clairement indiqué qu’il n’y aurait pas d’organisation mondiale sans cette prérogative : le système de vote était « essentiel » à la nouvelle organisation 6 . Le veto était « un prix à payer pour la création de l’ONU » 7 .

En 1945, la formule de Yalta a été approuvée par 30 voix contre 2, avec 15 abstentions 8 . Un point de vue cynique sur ce vote considérerait qu’il n’a fait qu’embellir le fait que les autres États devaient endurer les privilèges des grandes puissances s’ils voulaient obtenir ce que toutes les parties souhaitaient : une nouvelle organisation mondiale à travers laquelle la paix et la sécurité pourraient être maintenues. Toutefois, le veto a été accepté non seulement en raison de la puissance militaire, politique et même économique écrasante des membres permanents du Conseil de sécurité ou de certains d’entre eux, mais aussi parce que les autres États s’attendaient, sur le plan normatif, à ce que ce veto garantisse la paix et la sécurité. Les quatre puissances à l’origine de la formule de Yalta (rejointes plus tard par la France) se sont engagées, au moins implicitement, à continuer de préserver la paix dans le monde, comme elles l’avaient prouvé pendant la Seconde Guerre mondiale. 

La réforme du Conseil de sécurité en route vers nulle part

Peu après la création des Nations unies, la division politique du monde en deux blocs hostiles a paralysé le Conseil de sécurité jusqu’en 1991. La période d’activisme général du Conseil depuis 1991 a entre-temps fait place à une concentration de l’action du Conseil contre les acteurs non étatiques dans la lutte contre le terrorisme mondial, et à une sélectivité dans le domaine des sanctions contre les États. Les membres permanents du Conseil de sécurité et leurs clients, d’Israël à la Syrie en passant par la Corée du Nord, restent à l’abri de toute action du Conseil. En outre, le Conseil de sécurité souffre, comme nous l’avons mentionné, du privilège de plus en plus évidemment injuste du veto des « anciennes » puissances.

Dans ce contexte, le débat sur les réformes du Conseil de sécurité, y compris le droit de veto, se poursuit depuis 30 ans 9 . L’objectif des réformes est double en ce qu’il s’agit de résoudre à la fois le problème d’efficacité et celui de légitimité du Conseil. L’efficacité est entravée par le blocage et la passivité excessive, tandis que la légitimité du Conseil est minée par sa non-représentativité, son manque de transparence et son action sélective qui est souvent perçue comme l’application de deux poids, deux mesures. Les propositions de réforme ont notamment porté sur la composition du Conseil avec l’ajout de nouveaux membres dans différentes catégories (permanents et non-permanents) et sur les modalités de vote. En ce qui concerne la « question du veto », toutes les propositions issues des négociations interétatiques ont été résumées dans un document publié en 2013 par un groupe consultatif nommé par le président de l’Assemblée générale des Nations unies 10 . Ces propositions vont de l’extension du droit de veto aux nouveaux membres à l’abolition complète du veto. Elles comprennent des idées telles que l’octroi d’un droit de veto aux nouveaux membres potentiels du Conseil de sécurité, sous réserve d’un moratoire de 15 ans, ou, au contraire, la limitation de l’utilisation du droit de veto aux questions relevant du chapitre VII, l’interdiction de son utilisation pour les actions du Conseil visant à prévenir ou à mettre fin à un génocide, ou l’exigence de votes contre (vetos) de deux membres permanents pour bloquer l’action du Conseil de sécurité.

De 1992 à 1997, il y avait une réelle opportunité de réformer le Conseil de sécurité, mais cette opportunité a été manquée 11 . Après un nouvel élan entre 1998 et 2008, les négociations ont emprunté, comme l’a dit Bardo Fassbender, « une route qui ne mène nulle part » 12 . Les raisons politiques de l’impasse sont les intérêts nationaux des États qui craignent tous de perdre quelque chose par rapport au status quo 13 . La difficulté juridique réside dans l’exigence d’une majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée générale et d’une ratification par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité 14 . Dans la constellation actuelle, ce seuil juridique semble constituer un obstacle insurmontable à une révision formelle de l’article 27, paragraphe 3, de la Charte, qui consacre le droit de veto. Par conséquent, les changements informels des méthodes de travail et les réformes « en dessous » du niveau d’une révision formelle de la Charte sont cruciaux. À ce niveau, la guerre en Ukraine a catalysé des développements importants. 

L’initiative du veto, le 26 avril 2022

L’agression russe a poussé les efforts déployés de longue date pour limiter le droit de veto vers une réforme de la procédure. Dès 1949, dans sa résolution « Eléments essentiels de la paix », l’Assemblée générale avait appelé les membres permanents du Conseil de sécurité « à élargir progressivement leur coopération et à ne recourir qu’avec modération à l’emploi du veto, afin de faire du Conseil de sécurité un instrument plus efficace pour le maintien de la paix » 15 . Soixante-dix ans plus tard, le 26 avril 2022, deux mois après l’invasion russe en Ukraine, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté l’initiative dite « du veto » 16 . Cette réforme a été coparrainée par 83 États de tous les groupes régionaux de l’ONU, y compris les trois membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité. En vertu de la résolution 262/76 de l’AG, le président de l’Assemblée générale doit convoquer « une séance dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, afin de tenir un débat sur la situation au sujet de laquelle le veto a été opposé, sous réserve qu’une session extraordinaire d’urgence ne soit pas tenue sur cette même situation » 17 . Le membre permanent qui a opposé son veto peut prendre la parole en premier lors du débat obligatoire de l’Assemblée générale 18 . En outre, l’Assemblée générale « invite » le Conseil de sécurité « à lui soumettre (…) un rapport spécial sur le recours au veto en question au moins 72 heures avant le débat qu’elle tient à ce sujet » 19 . La résolution prévoit enfin un point provisoire de l’ordre du jour intitulé « Exercice du droit de veto » pour la prochaine Assemblée générale 20 . En conséquence, cette importante résolution établit un mandat permanent pour discuter publiquement et critiquer chaque veto à l’Assemblée générale, c’est-à-dire par tous les États membres. 

L’engagement américain de ne pas opposer de veto, le 8 septembre 2022

La deuxième réponse procédurale à l’invasion russe est l’engagement pris par les États-Unis de « s’abstenir de recourir au veto, sauf dans des situations rares et extraordinaires » 21 .

Avec cet engagement du 8 septembre 2022, les États-Unis reflètent à peu près (même s’ils ne les épousent pas explicitement) les deux principales initiatives antérieures visant à limiter l’utilisation du droit de veto 22 . La première est le code de conduite du groupe Accountability, Coherence and Transparency (ACT) qui a été signé par 121 membres de l’ONU, dont les deux membres permanents que sont la France et le Royaume-Uni. Les signataires s’engagent « en particulier à ne pas voter contre un projet de résolution du Conseil de sécurité qui vise véritablement une action rapide et résolue destinée à mettre fin à un génocide, à des crimes contre l’humanité ou à des crimes de guerre ou à prévenir ces crimes » 23 .

L’autre tentative de limiter le veto a été l’initiative franco-mexicaine, d’abord lancée par des représentants de l’État français dans la presse en 2013 24 et ensuite présentée à la 70ème Assemblée générale de 2015, sous la forme d’une « Déclaration politique sur la suspension du veto en cas d’atrocités de masse » 25 . Elle propose « un accord collectif et volontaire entre les membres permanents du Conseil de sécurité visant à ce que les membres permanents s’abstiennent de recourir au veto en cas d’atrocités de masse ». Cette déclaration a été signée par 104 États membres de l’ONU et deux observateurs, mais seulement par la France parmi les membres permanents 26 . Les observateurs ont expliqué le renoncement au veto de la France et du Royaume-Uni (qui ont signé le code de conduite d’ACT mentionné ci-dessus) comme la reconnaissance implicite par ces deux puissances moyennes européennes que l’exercice de leur veto serait illégitime 27 . En effet, la compétence française et britannique en matière de veto ne peut plus être justifiée de manière évidente par la capacité militaire de ces Etats à garantir la paix dans le monde. D’un autre côté, ces deux Etats sont des puissances nucléaires et continuent à projeter des forces militaires en dehors de l’Europe. En outre, l’engagement récent des États-Unis ne peut être considéré comme un aveu de faiblesse militaire relative. Par conséquent, il ne faut pas exclure que les trois puissances occidentales disposant d’un droit de veto soient motivées, entre autres, par des convictions normatives concernant l’impropriété de l’exercice du droit de veto dans des situations d’atrocités de masse. 

Les deux premières initiatives ont été lancées en ayant à l’esprit les scénarios du Rwanda, de la Bosnie et du Myanmar. Elles cherchent à exclure l’exercice du droit de veto dans une situation de crimes fondamentaux imminents ou en cours, typiquement commis par des groupes non étatiques ou para-étatiques, souvent orchestrés par un État (pas nécessairement par un membre permanent du Conseil de sécurité lui-même). 

La situation de l’Ukraine depuis 2014 et plus encore depuis 2022 est différente. Ici, un membre permanent commet lui-même une agression, un crime qui n’est pas mentionné par l’initiative ACT et qui n’est pas normalement considéré comme relevant des « atrocités de masse » au sens de l’initiative franco-mexicaine. Toutefois, il existe un chevauchement entre les atrocités de masse, les crimes de guerre et l’agression. Il semblerait que le code ACT et l’accord volontaire franco-mexicain couvrent a fortiori la situation dans laquelle un État commet lui-même ces crimes et ne se contente pas d’empêcher ou de stopper un autre acteur (non étatique) de les commettre.

En conclusion, les trois membres permanents « occidentaux » se sont engagés à ne pas opposer leur veto à l’action du Conseil de sécurité contre les crimes graves (y compris, sans doute, leurs propres crimes). Le statut normatif exact de ces engagements n’est pas tout à fait clair. Ils n’ont pas été formulés comme des déclarations unilatérales formellement contraignantes. Les intitulés tels que « code de conduite », « déclaration politique » et « remarques » pointent plutôt dans la direction de la politique « pure ». En outre, tous les engagements comportent des lacunes. L’initiative franco-mexicaine prévoit une exception pour les « intérêts nationaux vitaux », et les « remarques » des États-Unis laissent de côté les « situations rares et extraordinaires » qui restent indéfinies 28 . Mais même ces engagements politiques peuvent, au fil du temps (grâce à un respect constant), acquérir une qualité juridique non contraignante. Leur pertinence normative n’est garantie que par les coûts de réputation qu’entraînerait un manquement à la promesse. Sous ces réserves, les engagements des trois puissances sont fidèles à la promesse historique des pouvoirs de veto. Ils renforcent la légitimité du Conseil de sécurité. 

L’initiative du veto en pratique 

L’initiative du veto telle que mise en œuvre par l’Assemblée générale en 2022 diffère des engagements mentionnés ci-dessus. Elle ne prévoit pas une « responsabilité de ne pas opposer son veto », comme on l’a appelée dans les études 29 , mais « seulement » un débat obligatoire de l’Assemblée générale. Il rend opérationnelles des idées qui avaient été formulées dans des travaux antérieurs. Par exemple, Daniel Moeckli et Raffael Nicolas Fasel ont développé l’obligation de motiver les décisions du Conseil de sécurité 30 . Devika Hovell a défini les obligations de notifier, d’informer, de consulter, de motiver et de rendre compte, dans le cadre du rôle fiduciaire du Conseil de sécurité 31 . Anna Spain a exposé le devoir de décision du Conseil de sécurité dans une situation relevant prima facie de l’article 39, ainsi que son devoir de divulgation et de consultation 32 . L’Espagne postule une obligation de décision qui déclenche l’obligation du Conseil d’examiner s’il existe une menace ou une rupture de la paix. Ensuite, l’obligation de divulguer est déclenchée lorsque le Conseil ne veut pas ou ne peut pas décider (par exemple en raison d’un veto) : dans ce cas, le Conseil doit, selon Anna Spain, faire une déclaration publique et justifier pourquoi il n’a pas pris de décision 33 . L’Espagne a fait valoir que cette déclaration est une question de procédure au sens de l’article 27, paragraphe 2, de la Charte des Nations unies et que, par conséquent, la publication de la déclaration ne peut être empêchée par un veto 34 . Le raisonnement est intriguant, mais il n’est pas certain que la construction juridique puisse être dérivée du droit actuel. Dans le même ordre d’idées, le « Elders Group » (un groupe indépendant de dirigeants mondiaux fondé par Nelson Mandela en 2007) 35 avait déposé en 2015 une proposition sur le « Renforcement des Nations unies », dans laquelle les Elders suggéraient que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité s’engagent à ne pas utiliser ou menacer d’utiliser leur droit de veto dans des situations d’atrocités de masse « sans expliquer, clairement et publiquement, quelle autre ligne de conduite ils proposent, comme moyen crédible et efficace de protéger les populations en question » 36 .

La « procédure d’initiative du veto » établie par l’Assemblée générale a abouti à un résultat similaire, en attribuant le devoir d’explication au membre permanent qui avait bloqué l’action du Conseil par l’exercice de son veto ; et ce membre permanent du Conseil de sécurité doit désormais répondre à l’Assemblée générale 37 .

La procédure a été déclenchée peu de temps après sa création, lors d’un débat de l’Assemblée générale sur les vetos opposés par la Russie et la Chine à un projet de résolution du Conseil de sécurité visant à condamner les tirs de missiles balistiques intercontinentaux et les essais nucléaires effectués par la République populaire démocratique de Corée (RPDC), en violation de multiples résolutions antérieures du Conseil de sécurité 38 . Lors du débat de l’Assemblée générale des 8 et 10 juin 2022 39 , de nombreux États de toutes les régions du monde ont fait des déclarations explicites et très positives sur la nouvelle procédure établie par la résolution 262/76 de l’Assemblée générale. Au moins 11 États ont qualifié le débat d’ « historique », de « jalon » ou de « point de repère » 40 . 16 États ont estimé que le nouveau mécanisme renforcerait la transparence et la responsabilité du Conseil de sécurité 41 . D’autres y ont vu une amélioration de l’efficacité ou de l’effectivité du Conseil 42 . Le Liechtenstein, en particulier, a exprimé l’espoir que la perspective de devoir rendre des comptes à l’Assemblée générale conduira le Conseil de sécurité à agir davantage et à opposer moins souvent son veto 43 .

Plusieurs États se sont félicités de l’autonomisation et du rôle « vital » de l’Assemblée générale 44 . L’État qui utilise son droit de veto n’aurait plus « le dernier mot » 45 , mais l’Assemblée pourrait intervenir et assumer une fonction utile 46 . La résolution 262/76 de l’AG marque, selon l’Uruguay, « un tournant dans les relations entre le Conseil et l’Assemblée » 47 . D’autres États ont souligné que le nouveau mécanisme servait à maintenir, renforcer ou améliorer le système multilatéral 48 . Seule la Syrie a critiqué le nouveau débat permanent de l’Assemblée générale, déplorant une « polarisation politique » 49 . S’il est vrai que la publicité comporte toujours le risque de « débats spectacles » dans lesquels les positions antagonistes se durcissent, la critique syrienne n’est finalement pas convaincante. La publicité d’un débat de l’Assemblée générale pourrait tout aussi bien permettre en fin de compte la recherche d’un consensus. La voix solitaire de la Syrie devrait plutôt être considérée comme une manifestation de la dépendance totale du gouvernement syrien à l’égard de la Russie—après tout, il doit son existence-même à l’assistance militaire russe dans son oppression criminelle de la population en révolte. 

Le deuxième débat de l’Assemblée générale dans le cadre du nouveau mécanisme établi par la résolution 76/262 a eu lieu après le veto russe contre l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie 50 . Lors du débat du 21 juillet 2022, le Nicaragua, la Biélorussie et Cuba ont critiqué la réunion de l’Assemblée générale, estimant qu’elle compromettait les négociations de bonne foi sur les projets de résolution au sein du Conseil, qu’elle faisait « double emploi » avec le travail du Conseil, bref qu’elle était « inutile » 51 .

La troisième application du nouveau mécanisme concerne à nouveau l’Ukraine. L’Albanie et les Etats-Unis d’Amérique ont déposé un projet de résolution visant à condamner et à déclarer invalides les référendums organisés fin septembre 2022 dans les zones occupées de Donetsk, Luhansk, Kherson et Zaporizhzhya 52 . La Russie a opposé son veto le 30 septembre 2022 53 . Le « rapport spécial » requis par la résolution 76/262 de l’Assemblée générale a été transmis par le président du Conseil de sécurité au président de l’Assemblée générale le 4 octobre 2022. Il s’agit d’un rapport d’une page qui se contente de récapituler la procédure, d’énumérer les documents pertinents et d’indiquer que « la résolution a obtenu le nombre de voix requis, mais a été rejetée parce qu’un membre permanent du Conseil de sécurité a voté contre son adoption » 54 . À l’avenir, il est concevable que ces rapports deviennent plus élaborés, mais cela ne semble pas nécessaire pour déclencher le débat de l’Assemblée générale.   

L’Assemblée générale s’est réunie dans les dix jours ouvrables, conformément à la résolution 76/262 de l’AG 55 . Lors de la séance plénière du 12 octobre 2022, le nouveau mécanisme de responsabilité—qui avait été célébré en juin—n’a pratiquement pas été abordé. Le débat s’est concentré sur la violation du droit international par l’annexion russe, et l’Assemblée a adopté une résolution intitulée « Intégrité territoriale de l’Ukraine : défense des principes consacrés par la Charte des Nations unies » 56 .

Depuis lors, aucune tentative n’a été faite pour engager le Conseil de sécurité sur la situation en Ukraine. L’Assemblée générale a plutôt pris en main la question du recours et de la réparation. Lors de la reprise de sa session extraordinaire d’urgence, elle a adopté une résolution sur l’« Agression contre l’Ukraine : recours et réparation » 57 .

Bilan et perspectives

Les effets juridiques et politiques créés par la résolution 76/262 de l’AG restent à voir. Dans le contexte où les membres du Conseil de sécurité expliquent déjà leur veto lors d’une réunion publique du Conseil, le nouveau mécanisme pourrait faire double emploi et s’avérer superflu 58 . Cependant, la nouvelle obligation procédurale de tenir une résolution de l’Assemblée générale va au-delà des pratiques passées. La nouveauté réside (uniquement) dans le fait que cette explication doit désormais être répétée devant l’Assemblée générale, en présence de tous les États membres des Nations unies, qui ont également voix au chapitre.

La Chine craint que la nouvelle procédure ne soit source de « confusion et d’incohérence procédurales » 59 . Il s’agit là d’une vieille rengaine, qui rappelle l’opposition soviétique à la procédure dite « d’union pour la paix » établie en 1950 60 . En effet, l’article 12 de la Charte des Nations unies établit une priorité procédurale du Conseil sur l’Assemblée générale en prescrivant que « lorsque le Conseil de sécurité exerce, à l’égard d’un différend ou d’une situation, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l’Assemblée générale ne fait aucune recommandation au sujet de ce différend ou de cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande ». Mais cette disposition n’empêche pas l’Assemblée générale de se prononcer sur une question lorsque le Conseil de sécurité n’exerce précisément pas ses fonctions en raison d’un blocage par un veto. Le mécanisme « S’unir pour la paix » avait été principalement en sommeil, même tout au long de la guerre en Syrie, mais il a été activé dans la crise ukrainienne 61 . Trois jours après l’invasion russe, le Conseil de sécurité a décidé de convoquer la 11ème session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale parce que « l’absence d’unanimité parmi ses Membres permanents à sa 8979ème séance l’a empêché [le Conseil] d’exercer sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales » 62 . (Il s’agit d’une décision de procédure qui n’est pas soumise au droit de veto (article 27(2)) 63 . D’un point de vue politique, l’ « union pour la paix » était un bébé de la politique américaine et a parfois été critiquée par l’URSS. Toutefois, l’URSS elle-même a invoqué la procédure d’union pour la paix dans les années 1950 et 1960 (en ce qui concerne la crise de Suez et la guerre israélo-arabe des six jours). Son application dans la crise ukrainienne a élevé la légalité de la procédure d’union pour la paix au-delà de tout soupçon 64 . L’Assemblée générale a le pouvoir implicite d’agir, a contrario de l’article 12, en cas d’échec ou de blocage du Conseil.

Indépendamment de sa légalité, le nouveau débat obligatoire de l’Assemblée générale pourrait être un facteur de division politique. Cette préoccupation semble avoir nourri l’hésitation de la France à coparrainer la résolution (bien qu’elle l’ait finalement fait). La France préférerait obtenir le consentement des cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur sa propre proposition, la déclaration politique sur la suspension du droit de veto 65 .

Il est important de noter que la décision purement procédurale prise dans le cadre de la résolution 262/76 de l’Assemblée générale n’aborde pas la substance du droit de veto et ne s’attaque pas à la cause profonde du malaise suscité par ce pouvoir, à savoir qu’il ne reflète pas les réalités géopolitiques contemporaines. Sans surprise, des pays émergents comme le Brésil et l’Inde ont exprimé leur scepticisme à l’égard de la nouvelle procédure 66 .

La Russie, non sans mérite, a souligné que le veto reste un dispositif nécessaire pour empêcher l’adoption de résolutions sur l’action militaire sans le soutien d’États désireux et capables de déployer effectivement une action militaire 67 . Sans ce soutien, ces décisions ne seraient que des tigres de papier et détruiraient l’autorité du Conseil de sécurité.

La question reste donc de savoir quel pouvoir normatif et factuel réside dans ces procédures. Le double objectif de l’initiative de veto est de dissuader l’utilisation du veto et de créer une obligation de rendre compte. La dissuasion pourrait résulter de l’augmentation (légère) du coût de l’exercice du droit de veto, à savoir l’effet de honte d’un débat large et public. Le fait de placer les utilisateurs du veto « sous les feux de la rampe » 68 au sein de l’Assemblée générale génère de la transparence, ce qui est en soi une forme légère de responsabilisation 69 .

D’une manière générale, l’obligation d’expliquer et de motiver oblige un décideur (dans notre cas, le pouvoir de veto) à fonder ses actes sur des revendications d’intérêt général plutôt que sur des appels égoïstes. C’est ce que l’on a appelé la « force civilisatrice de l’hypocrisie » 70 . Ces raisons, même si elles sont hypocrites, ont toujours pour conséquence de générer de meilleurs résultats, car dans un débat officiel, les « mauvaises » raisons ne peuvent pas être énoncées. L’obligation de s’expliquer devant l’Assemblée générale laisse l’exercice du droit de veto à la discrétion du membre permanent du Conseil de sécurité, mais oblige cet État à rationaliser l’exercice de son droit de veto. Cela permet non seulement à tous les autres États, mais aussi au public, de critiquer ces raisons. À long terme, la nécessité de justifier le droit de veto pourrait conduire à exclure les abus les plus flagrants qui ne peuvent tout simplement pas être rationalisés.

Mais cet espoir est-il réaliste ? L’ONU, y compris son organe le plus puissant, « existe dans un monde d’États souverains et ses opérations doivent se fonder sur le réalisme politique, mais l’Organisation est aussi le dépositaire de l’idéalisme international, et ce trait est l’une des composantes fondamentales de son identité » 71 . Cette caractérisation de l’ONU par la Commission internationale de la souveraineté des États et de l’intervention (CIISE) semble plus pertinente que jamais. Il y a vingt ans, la CIISE estimait que la tâche n’était « pas de trouver des substituts au Conseil de sécurité en tant que source de l’autorité, mais de veiller à ce qu’il fonctionne beaucoup mieux qu’il ne l’a fait jusqu’ici. » 72

L’accent est mis ici sur le fait de « mieux travailler ». L’amélioration des procédures et des méthodes de travail peut – en termes fonctionnels – se substituer à une modification formelle de la Charte. Cela ne veut pas dire qu’une telle réforme procédurale serait purement « technique » ou apolitique, bien au contraire. L’énorme potentiel politique des procédures est illustré par le fait que le Conseil de sécurité n’est pas parvenu jusqu’à présent à adopter des règles de procédure définitives, mais travaille toujours sur la base de règles « provisoires » qui ont été révisées pour la dernière fois en 1982 73 .

La différence entre l’amendement de la Charte et la réforme des méthodes de travail réside uniquement—mais c’est important—dans le fait que cette dernière peut être juridiquement définie comme une interprétation dynamique de la Charte des Nations Unies par le biais d’une pratique ultérieure. La Charte des Nations Unies, formellement un traité, peut être interprétée (et réinterprétée) en « tenant compte » de tout « accord ultérieur entre les parties au sujet de l’interprétation du traité » (article 31(3) lit. a) de la Convention de Vienne sur le droit des traités) ou en tenant compte de « toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité qui établit l’accord des parties au sujet de son interprétation » (article 31(3) lit. b) de la Convention de Vienne sur le droit des traités). Si tous les États membres s’accordaient sur une telle démarche, elle serait en fin de compte acceptable en termes juridiques, parce que les limites entre la simple « interprétation » de la Charte et son amendement tacite sont floues à la fois en théorie juridique et en fait, et parce que les États membres peuvent, de manière ad hoc, s’accorder pour changer les règles de révision 74 . Il est souvent avancé que la Charte des Nations Unies est particulièrement sujette et nécessite une interprétation dynamique en raison de son caractère constitutionnel et de la difficulté d’un amendement formel 75 . D’un autre côté, les amendements « informels » sous couvert d’interprétation dynamique risquent de nuire à la clarté et à la sécurité juridiques 76 .

Une autre question est de savoir si les nouvelles procédures pourraient même se transformer en droit coutumier 77 . Cela semble difficile pour diverses raisons. Les engagements qui sont explicitement qualifiés de « politiques » et non de « juridiques » ne peuvent pas facilement être considérés comme une manifestation de l’opinio juris. En outre, deux membres permanents du Conseil de sécurité s’opposent à cette tendance, mais il s’agit d’États dont les intérêts sont particulièrement concernés et dont l’opinion et la pratique seraient nécessaires à la maturation d’une règle coutumière. Enfin, une coutume qui supplante le droit écrit de la Charte et s’en écarte est, en termes normatifs, malvenue parce qu’elle risque de saper la Charte. 

En gardant ces réserves à l’esprit, je serais néanmoins favorable à d’autres changements dans les méthodes de travail qui pourraient conduire, par exemple, à une réactivation et même à un élargissement du champ d’application de la clause d’abstention de l’article 27(3) de la Charte des Nations Unies 78 . Cette disposition prévoit une abstention obligatoire pour tous les membres du Conseil de sécurité lorsqu’il y a un « différend » auquel cet État est « partie », à condition que la décision ne soit pas de nature procédurale (article 27(2)) et qu’elle relève soit du chapitre VI sur le « règlement pacifique des différends », soit du chapitre VIII (article 52(3)) ─ mais pas du chapitre VII sur les « mesures en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » 79 . D’un point de vue juridique, les propositions des États et des universitaires visant à interpréter la clause restrictive de manière large et extensive devraient être revues, afin d’éviter la paralysie du Conseil de sécurité face au comportement manifestement illégitime d’un membre permanent. Cette interprétation extensive de la Charte a été largement admise au cours des premières décennies de l’existence des Nations unies 80 .

Il faut espérer que l’élan politique nécessaire pour améliorer le fonctionnement du Conseil de sécurité, même dans le sens d’une nouvelle limitation des vetos abusifs, pourra être créé dans une situation de tension extrême. En 1945, les membres permanents avaient proclamé : « Il ne faut pas croire, cependant, que les membres permanents, pas plus que les membres non permanents, utiliseraient volontairement leur droit de « veto » pour entraver le fonctionnement du Conseil « 81 . Cette promesse historique devrait être rappelée sans cesse aux membres permanents actuels. Les tentatives prolongées d’initiatives visant à réduire le droit de veto, qui ont atteint leur apogée en avril 2022, montrent que les États n’acceptent pas un usage illimité du droit de veto 82 .

La Chine étant sur le point de devenir la première puissance mondiale, elle pourrait donner l’exemple d’un leadership avisé 83 . Elle a d’ailleurs commenté la nouvelle procédure : « Nous définissons notre position au sein du Conseil de sécurité d’une manière conforme à la Charte des Nations unies et à l’histoire » 84 . En tant que membre fondateur des Nations unies, la Chine avait déclaré « qu’il n’était pas déraisonnable de supposer qu’après un certain temps, les grandes puissances seraient disposées à envisager l’élimination du droit de veto » 85 . Ce temps viendra peut-être, même si nous ne savons pas quand. 

Notes

  1. En 2014 : Projet de résolution du Comité de sécurité (UN Doc. S/2014/189) du 15 mars 2014 ; veto de la Russie lors de la réunion du 15 mars 2014 (S/PV.7138, 3). En 2022 : projet de résolution du Comité de sécurité (UN Doc. S/2022/155) du 25 février 2022 ; veto de la Russie lors de la réunion du 25 février 2022 (S/PV.8979, 6). Projet de résolution du CS « Maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine » (UN Doc. S/2022/720) du 30 septembre 2022 ; veto de la Russie lors de la réunion du 30 septembre 2022 (S/PV.9143, 4).
  2. Remarques de l’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield sur l’avenir des Nations unies du 8 septembre 2022 (https://usun.usmission.gov/remarks-by-ambassador-linda-thomas-greenfield-on-the-future-of-the-united-nations/).
  3. Assemblée générale, onzième session extraordinaire d’urgence, 15e séance plénière lundi 14 novembre 2022, 10 heures, Documents officiels, A/ES-11/PV.15, 2. Voir également la « Déclaration du ministère des Affaires étrangères de l’Ukraine sur l’illégitimité de la présence de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité de l’ONU et à l’ONU dans son ensemble » du 26 décembre 2022, énumérant des exemples d’ « abus du droit de veto » de la part de la Russie.
  4. Susan Allen et Amy Yuen, Bargaining in the Security Council : Setting the Global Agenda (Oxford OUP 2022), 169.
  5. Protocole des délibérations de la conférence de Yalta, Yalta (Crimée), 11 février 1945, C. « Vote » : « 3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes les questions doivent être prises après un vote affirmatif de sept membres, y compris les voix de tous les membres permanents, étant entendu que, dans les décisions prévues par le chapitre VIII, section A, et par la seconde phrase du paragraphe 1 du chapitre VIII, section C, une partie à un différend s’abstient de voter. ». (c’est nous qui soulignons).
  6. Déclaration faite à San Francisco par les délégations des quatre gouvernements parrains (Chine, Royaume-Uni, États-Unis et URSS) sur « la formule de Yalta » concernant le vote au Conseil de sécurité, San Francisco, 8 juin 1945, Sec. I. 9 et 10. Section I. 9 : « 9. Etant donné les responsabilités primordiales des membres permanents, on ne peut s’attendre, dans l’état actuel des conditions du monde, à ce qu’ils agissent dans un domaine aussi grave que le maintien de la paix et de la sécurité internationales en exécution d’une décision à laquelle ils n’ont pas donné leur adhésion ». Sec. I. 10 : « Pour toutes ces raisons, les quatre gouvernements auteurs se sont mis d’accord sur la formule de Yalta et l’ont présentée à cette Conférence comme essentielle si l’on veut créer une organisation internationale par laquelle toutes les nations éprises de paix puissent s’acquitter efficacement de leurs responsabilités communes en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales » (c’est nous qui soulignons).
  7. Niels Blokker, Saving Succeeding Generations from the Scourge of War : The United Nations Security Council at 75 (Brill 2021), 73.
  8. Francis Orlando Wilcox, « The Yalta Voting Formula », (1945) The American Political Science Review 39, 943-956, à 950.
  9. Voir, d’un point de vue juridique, Bardo Fassbender, Key Documents on the Reform of the UN Security Council 1991-2019 (Brill Nijhoff 2020), « Landmarks in the history of the Security Council reform debate », 15-35 ; d’un point de vue de science politique, Madeleine O Hosli et Thomas Dörfler, « The United Nations Security Council : History, Current Composition, and Reform Proposals », dans Madeleine Hosli et Joren Selleslaghs (eds) The Changing Global Order (Springer 2020), 299-320.
  10. Non-papier, annexe à une lettre du président de l’Assemblée générale, 10 décembre 2013 (reproduit dans Fassbender (n 9), à la page 912.
  11. Fassbender (n 9), 16.
  12. ibid, 26.
  13. Hosli et Dörfler (n 9), 306.
  14. Amendement en vertu de l’article 108 ou révision en vertu de l’article 109(2) de la Charte des Nations Unies.
  15. AGNU résolution 290 (IV) du 1 décembre 1949, para 10.
  16. Résolution 76/262 de l’AGNU, « Mandat permanent permettant à l’Assemblée générale de tenir un débat en cas de recours au droit de veto au Conseil de sécurité » ( UN Doc. A/RES/76/262) du 26 avril 2022, adoptée par consensus.
  17. Résolution 76/262 de l’AGNU (n 16), paragraphe 1.
  18. ibid, paragraphe 2.
  19. ibid, paragraphe 3. Ces rapports spéciaux sont prévus à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte des Nations unies.
  20. ibid, paragraphe 4.
  21. L’ambassadrice Linda Thomas-Greenfield (n 2) ; commentaire de Raphael Schäfer, « The Echo of Quiet Voices. Liechtenstein’s Veto Initiative and the American Six Principles », EJIL: Talk ! (10 octobre 2022).
  22. Voir pour une analyse détaillée des initiatives antérieures : Jennifer Trahan, Existing Legal Limits to Security Council Veto Power in the Face of Atrocity Crimes (CUP 2020), 102-141. Trahan rappelle également que les États-Unis avaient déjà proposé, sous l’administration Obama, une limitation du droit de veto, proposition qui a toutefois été abandonnée (ibid., p. 118-119).
  23. Groupe pour la responsabilité, la cohérence et la transparence (ACT), Soumission aux Nations unies, « Code de conduite relatif à l’action du Conseil de sécurité contre le génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre » du 23 octobre 2015, Annexe I à la lettre datée du 14 décembre 2015 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Liechtenstein auprès des Nations unies (UN Doc. A/70/621-S/2015/978).
  24. Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, 24 septembre 2013 (ouverture de la 68ème session de l’Assemblée générale des Nations unies (https://gadebate.un.org/sites/default/files/gastatements/68/FR_en.pdf) ; Laurent Fabius, ministre français des affaires étrangères, « A Call for Self-Restraint at the U.N. », New York Times du 4 octobre 2013 (https://www.nytimes.com/2013/10/04/opinion/a-call-for-self-restraint-at-the-un.html).
  25. 70ème Assemblée générale des Nations unies, « Déclaration politique sur la suspension du veto en cas d’atrocités de masse, présentée par la France et le Mexique, ouverte à la signature des membres des Nations unies » (2015) (https://www.globalr2p.org/resources/political-declaration-on-suspension-of-veto-powers-in-cases-of-mass-atrocities/).
  26. Liste des signataires, état au 13 juillet 2022 (non mise à jour au 1 avril 2023), à l’adresse : https://www.globalr2p.org/resources/list-of-supporters-of-the-political-declaration-on-suspension-of-veto/.
  27. Hosli et Dörfler (n 9), 301 ; Fassbender (n 9), 33 ; Trahan (n 22), 138 note 182.
  28. Il semblerait que la protection des violations du droit international par Israël grâce aux vetos américains ne puisse être maintenue dans le cadre de cette exception.
  29. Ariela Blätter et Paul D. Williams, « The Responsibility Not to Veto », Global Responsibility to Protect 3 (2011), 301-322 ; Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, « The Responsibility Not to Veto : A Genealogy », Global Governance 24 (2018), 331-349.
  30. Daniel Moeckli et Raffael Nicolas Fasel, « A Duty to Give Reasons in the Security Council », International Organizations Law Review 14 (2017), 13-86.
  31. Devika Hovell, « On Trust : The UN Security Council as Fiduciary », William and Mary Law Review 62 (2021), 1229-1295, notamment 1279-80.
  32. Anna Spain, « The UN Security Council’s Duty to Decide », Harvard National Security Journal 4 (2013), 320-384.
  33. ibid, p. 359.
  34. ibid, p. 362.
  35. Les « Anciens » travaillent, comme ils l’écrivent sur leur site web, « pour la paix, la justice, les droits de l’homme et une planète durable ». (https://theelders.org/who-we-are).
  36. The Elders, « Renforcer les Nations unies », 7 février 2015, paragraphe 2.
  37. AGNU Res 76/262 (n 16).
  38. Projet de résolution du Conseil de sécurité proposé par les États-Unis le 26 mai 2022 (UN Doc S/2022/431) ; vetos de la Russie et de la Chine (Conseil de sécurité des Nations Unies, 9048e réunion, 26 mai 2022, S/PV.9048, 3).
  39. Point 124 de l’ordre du jour (en trois parties) : Assemblée générale des Nations unies, 77e séance plénière, 8 juin 2022, 10 heures (UN Doc. A/76/PV.77, 1-29) ; 78e séance plénière, 8 juin 2022, 15 heures (UN Doc. A/76/PV.78, 10-27) ; Assemblée générale des Nations unies, 81e séance plénière, 10 juin 2022, 10 heures (UN Doc. A/76/PV.81, 11-18.
  40. Danemark (PV.77, 9) ; Etats-Unis (PV.77, 14) ; Costa Rica (PV.77, 18) ; Turquie (PV.77, 19) ; Indonésie (PV.77, 23) ; Suisse (PV.77, 26) ; Pologne (PV.77, 27) ; Koweït (PV.78, 14) ; Estonie (PV.78, 19) ; Pérou (PV.78, 23) ; Mexique (UN Doc. A/76/PV.79, 10) ; Hongrie (UN Doc. A/76/PV.81, 16).
  41. Danemark (PV.77, 9) ; Liechtenstein (PV.77, 11) ; Equateur (PV.77, 13) ; Irlande (PV.77, 17) ; Mexique (PV.77, 18-19) ; Singapour (PV.77, 22 et A/76/PV.79, 11) ; Indonésie (PV.77, 23) ; Australie (PV.77, 24) ; Koweït (PV.78, 14) ; Allemagne (PV. 78, 16) ; Slovénie (PV.78, 19) ; Pérou (PV.78, 23) ; Portugal (UN Doc. A/76/PV.79, 7) ; Afrique du Sud (UN Doc. A/76/PV.79, 19) ; Uruguay (UN Doc. A/76/PV.81, 11) ; Chili (UN Doc. A/76/PV.81, 13).
  42. Singapour (PV.77, 22) ; Pologne (PV.77, 27).
  43. UN Doc. A/76/PV.79, 15.
  44. Liechtenstein (PV.77, 11) ; Irlande (PV.77, 17) ; Turquie (PV.77, 19) ; Lituanie (UN Doc. A/76/PV.81, 12).
  45. Liechtenstein (PV.77, 11) ; Equateur (PV.77, 13).
  46. Autriche (PV.77, 21) ; Suisse (PV.77, 26) ; Italie (UN Doc.  A/76/PV.79, 22) ; Equateur (UN Doc. A/76/PV.79, 7); Malaisie (UN Doc. A/76/PV.79, 9) ; Slovénie (UN Doc. A/76/PV.79, 23) ; El Salvador (UN Doc. A/76/PV.81, 17).
  47. Uruguay (UN Doc. A/76/PV.81, 11).
  48. UE (PV.77, 8) ; Albanie (PV.77, 12) ; Singapour (PV.77, 22) ; Pologne (PV.77, p 27) ; Ukraine ( UN Doc. A/76/PV.81, 15) ; El Salvador (UN Doc. A/76/PV.81, 17).
  49. Syrie (PV.77, 28).
  50. Le veto russe a été mis le 8 juillet 2022, en 9087ème réunion du Conseil de sécurité sous le point de l’ordre du jour « La situation au Moyen-Orient » (UN Doc. S/PV.9087) sur le projet de résolution du Conseil de sécurité parrainé par l’Irlande et la Norvège (UN Doc. S/2022/538) du 8 juillet 2022.
  51. AGNU, 96e réunion plénière, 21 juillet 2022, 15 heures (UN Doc. A/76/PV.96, 1-14 (p. 8, 111, 12).
  52. Projet de résolution du Conseil de sécurité « Maintien de la paix et de la sécurité en Ukraine » (UN Doc. No. S/2022/720) du 30 septembre 2022.
  53. Conseil de sécurité des Nations Unies, 9143ème réunion, 30 septembre 2022, S/PV.9143.
  54. Lettre datée du 4 octobre 2022, adressée au Président de l’Assemblée générale par le Président du Conseil de sécurité (UN Doc. A/77/551).
  55. Cela s’est déroulé dans le cadre de la reprise de la 11ème session extraordinaire d’urgence (SE) de l’Assemblée générale qui avait été convoquée en réponse à l’invasion russe par la résolution 2623 (2022) du 27 février 2022 du Conseil de sécurité des Nations unies « Décision de convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale » ; AGNU, « S’unir pour la paix », résolution AGNU/ES-11/L.1 du 1er mars 2022. L’ES est debout depuis le 1er mars 2022. Voir le débat sur le veto : UN Doc. A/ES-11/PV.14 Assemblée générale Onzième session extraordinaire d’urgence 14e séance plénière Mercredi 12 octobre 2022, 15 heures (GAOR)).
  56. A/RES/ES-11/4 du 12 octobre 2022.
  57. GA rés A/RES/ES-11/5 (14 novembre 2022). Assemblée générale, onzième session extraordinaire d’urgence, 15e séance plénière Lundi 14 novembre 2022, 10 heures, Documents officiels, A/ES-11/PV.15.
  58. Voir la critique du Nicaragua, du Belarus et de Cuba à l’Assemblée générale (n 51).
  59. Mission permanente de la République populaire de Chine auprès des Nations unies, Explication de la position de la Chine après l’adoption de la résolution « Mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale en cas de veto du Conseil de sécurité », 27 avril 2022 (http://un.china-mission.gov.cn/eng/hyyfy/202204/t20220427_10674706.htm).
  60. AGNU rés 377(V) (3 novembre 1950) « S’unir pour la paix ».
  61. Voir AGNU, « S’unir pour la paix », résolution AGNU/ES-11/L.1 du 1 mars 2022. La session extraordinaire d’urgence est ouverte depuis le 1 mars 2022.
  62. Conseil de sécurité des Nations Unies, rés 2623 (2022) du 27 février 2022 « Décision de convoquer une session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale », préambule.
  63. La décision a été adoptée avec 11 votes positifs, un vote négatif de la Fédération de Russie et trois abstentions (Chine, Inde, EAU).
  64. Voir Nico Schrijver, « A Uniting for Peace Response to Disuniting for War : The Role of the two Political Organs of the UN » (18 mars 2022) <https://www.leidenlawblog.nl/articles/an-uniting-for-peace-response-to-disuniting-for-war-the-role-of-the-two-political-organs-of-the-un>.
  65. « UN takes step to put veto users under global spotlight », NPR (27 avril 2022),https://www.npr.org/2022/04/27/1094971703/u-n-takes-step-to-put-veto-users-under-global-spotlight. NPR cite l’ambassadrice adjointe française, Nathalie Broadhurst, mais écrit à tort que la France n’a pas coparrainé la résolution 262/76 de l’Assemblée générale. Voir le texte de la proposition française avec n 24 -26.

  66. NPR (n 65).
  67. ibid.
  68. ibid.
  69. Andrea Bianchi et Anne Peters (eds), Transparency in International Law (Cambridge University Press 2013).
  70. Jon Elster, « Deliberation and Constitution Making », dans Jon Elster (ed), Deliberative Democracy (Cambridge University Press 1998), 97-122, 111.
  71. Rapport de la Commission internationale de la souveraineté des États et de l’intervention (CIISE) 2001, paragraphe 6.25.
  72. ibid. paragraphe 6.14.
  73. Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité, tel qu’amendé le 21 décembre 1982 (UN Doc S/96/rev. 7) ; The UN Security Council Handbook : A User’s Guide to Practice and Procedure, Security Council Report, 2019, 14.
  74. CDI, « Rapports de la Commission à l’Assemblée générale », Annuaire de la CDI vol 2 (1966), 236 ; Wolfram Karl, Vertrag und spätere Praxis im Völkerrecht (Springer 1983), 21-46, 43 sur la frontière fluide ; Ian M Sinclair, The Vienna Convention on the Law of Treaties (Manchester University Press, 2d ed 1984), 138 ; Georg Nolte, « Rapport 1 – Jurisprudence de la Cour internationale de justice et des tribunaux arbitraux ad hoc relative aux accords ultérieurs et à la pratique ultérieure », in Georg Nolte (ed.), Treaties and Subsequent Practice  (Oxford University Press 2013), 169-209, 200. Voir spécifiquement pour la Charte des Nations unies, Philip Kunig, « United Nations Charter, Interpretation of », in Rüdiger Wolfrum (ed), Max Planck Encyclopedia of Public International Law (Oxford University Press 2006), para 20 : « La limite de l’interprétation du traité commence lorsqu’il va au-delà des dispositions de la Charte des Nations unies et devient en fait un amendement. La définition de la limite entre les deux reste difficile ».
  75. Kunig (n 74), paragraphes 4-5 et 19.
  76. C’est la raison principale pour laquelle Bardo Fassbender estime qu’un amendement informel de la Charte est inadmissible (Bardo Fassbender, The United Nations Charter as Constitution of the International Community (Leiden : Nijhoff 2009), 136-137).
  77. Voir Trahan (n 22), p. 121-22.
  78. Enrico Milano, « Le veto de la Russie au Conseil de sécurité : Whither the Duty to Abstain under Art 27(3) of the UN Charter ? », Heidelberg Journal of International Law 75 (2015), 215-231 ; In Hindsight, ‘Obligatory Abstensions’, Security Council Report Monthly Forecast 2 (New York, 31 mars 2014), disponible à l’adresse https://www.securitycouncilreport.org/monthly-forecast/2014-04/in_hindsight_obligatory_abstentions.php ; John Chappell, « Must Russia Abstain on Security Council Votes Regarding the Ukraine Crisis ? Lawfare, 11 février 2022.
  79. Article 27(3) « … à condition que, dans les décisions prises au titre du chapitre VI et au titre du paragraphe 3 de l’article 52, une partie à un différend s’abstienne de voter ».
  80. Paul Guggenheim, Traité de droit international public, Tome II (Librairie de l’Université 1954), 236 ; Georg Dahm, Völkerrecht, Vol II (Kohlhammer 1961), 227-228.
  81. Déclaration (n 6), Sec. I 8.
  82. Trahan (n 22), 141.
  83. La Chine cherche à s’imposer comme un entrepreneur de normes. Certains observateurs voient donc des perspectives d’adhésion de la Chine aux initiatives de limitation du veto (Vilmer (n 29), 341) ; mais voient d’un œil sceptique Trahan (n 22), 139 note 185.
  84. Mission permanente de la République populaire de Chine auprès des Nations unies, Explication de la position de la Chine après l’adoption de la résolution « Mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale en cas de veto du Conseil de sécurité », 27 avril 2022 (http://un.china-mission.gov.cn/eng/hyyfy/202204/t20220427_10674706.htm).
  85. UNCIO Vol VII, Summary Report of Twenty Sixth Meeting of Committee I/2, of 16 June 1945, 241-244 (244) ; également cité dans Blokker (n 7), p. 71. Bien entendu, ce gouvernement chinois de 1945 était antérieur à la révolution maoïste. Mais en vertu du droit international tel qu’il est formellement établi, les ruptures politiques et même révolutionnaires de gouvernement n’affectent pas l’identité de l’État en tant que personne morale internationale.
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Anne Peters, La guerre en Ukraine et la limitation du droit de veto au Conseil de sécurité, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2023,

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