On estime aujourd'hui que le réchauffement climatique est deux fois plus important au-delà du cercle polaire qu'il ne l'est ailleurs dans le monde. Dans ce contexte, des parties importantes de la calotte glaciaire arctique disparaîtront à raison de plusieurs mois consécutifs par an d'ici le milieu du siècle, libérant ainsi annuellement de nouvelles voies de circulation maritime. Par ailleurs, la fonte des glaces soulève la question des revendications territoriales sur cet espace de la part des huit Etats qui bordent cette mer de glace, puisque les fonds marins arctiques renfermeraient près de 30% des réserves mondiales de pétrole, et 13% de celles de gaz.
Comment les acteurs régionaux coopèrent-ils ou bien s'opposent-ils sur ces questions? Quelles sont les infrastructures de gouvernance existantes, et sont-elles véritablement efficaces ? Quelle est la mesure réelle de l'intérêt chinois pour cette région, le déglaciation du passage du Nord-Est pouvant sembler une alternative rentable et plus rapide au passage par le canal de Suez pour relier l'Asie à l'Europe ? Si l'Arctique devient effectivement un nouveau terrain de lutte géopolitique, à quelle intensité d'intérêt doit-on s'attendre raisonnablement dans les prochaines années, en ne cédant pas à la tentation d'en exagérer l'importance ? En effet, il ne faut pas oublier que les pourtours très peu peuplés de cette mer glacée sont presque entièrement dépourvus d'infrastructures portuaires, de chantiers navals pour construire et réparer les navires, d'infrastructures d'hinterland nécessaires au transport de marchandises à grande échelle...Alors, au-delà du fantasme, quelle est la réalité?
A l'articulation entre des préoccupations environnementales inquiétantes pour certains, et fructueuses pour d'autres, ce sont ces sujets que présenteront en détails nos invités, et sur lesquels ils apporteront leurs points de vue peut-être divergents.
Kristján Andri Stefánsson est ambassadeur d'Islande en France.
Ari Tenho est le premier secrétaire de l'ambassade de Finlande en France.
Camille Escudé est chercheuse au CERI de Sciences Po et au programme Nordique du GEG.
Romain Troublé est directeur exécutif de la société scientifique Tara Expeditions, qui mène notamment des expéditions scientifiques au-delà du cercle polaire