Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élection régionale en Basse-Saxe, 9 octobre 2022
Issue #3
Scroll

Issue

Issue #3

Auteurs

Markus Klein

Numéro 3, Mars 2023

La campagne électorale

L’élection régionale dans le Land de Basse-Saxe qui s’est tenue le 9 octobre 2022 était la première élection en Allemagne depuis la réduction des livraisons de gaz russe à l’Allemagne (intervenue par étapes à partir de la mi-juin 2022) et les attaques contre les pipelines Nord Stream 1 et 2 (fin septembre 2022). La plus importante thématique politique au niveau fédéral à la veille de cette élection était la crainte de pénuries d’approvisionnement en électricité et en gaz, ainsi que les préoccupations liées à une inflation élevée, et en particulier à la hausse des prix de l’énergie. Bien que, au moment de la campagne, le gouvernement fédéral eût déjà annoncé trois mesures d’aide et un plafonnement des prix du gaz et de l’électricité, une grande incertitude demeurait au sein de la population quant à l’ampleur des pressions financières à venir. En outre, un débat important avait lieu au niveau fédéral concernant la fermeture des trois centrales nucléaires encore en activité en Allemagne. Le ministre fédéral de l’économie Robert Habeck (Verts/ALE) avait pris la décision de conserver deux des centrales nucléaires en réserve jusqu’à la fin mars 2023, ainsi que de fermer la centrale nucléaire d’Emsland, située en Basse-Saxe, d’ici la fin de l’année 2022. Bien que toutes ces questions concernent principalement la politique fédérale, elles ont presque complètement éclipsé les questions politiques régionales. La CDU (PPE), le FDP (RE) et l’AfD (ID) ont tous fait campagne pour le maintien de l’utilisation des trois centrales nucléaires allemandes, critiquant notamment la fermeture prévue de la centrale nucléaire d’Emsland. Le SPD (S&D) et les Verts (Verts/ALE), pour leur part, ont catégoriquement rejeté la poursuite de l’exploitation de toutes les centrales nucléaires, y compris et surtout celle de Basse-Saxe. En outre, la demande d’un dispositif d’aide additionnel spécifique à l’État, qui aurait protégé davantage la population de la région contre les charges financières causées par la crise énergétique, est devenue un thème récurrent de la campagne. Le SPD (S&D) et les Verts (Verts/ALE), en particulier, ont plaidé pour un tel dispositif.

Le seul facteur régional à avoir influencé de manière significative les élections du Land de Basse-Saxe de 2022 a été la personnalité des candidats au poste de ministre-président. Le titulaire du poste Stephan Weil (SPD, S&D) était populaire auprès de la population, et son travail était jugé favorablement bien au-delà des clivages partisans (Forschungsgruppe Wahlen 2022a). Lors de la campagne électorale, Weil s’est présenté sous une figure de « père de l’État » (Landesvater) bienveillant, capable de guider la Basse-Saxe à travers la crise. Cette stratégie transparaissait de manière particulièrement nette dans le spot télévisé du SPD (SPD 2022) et dans le slogan général de la campagne « L’État entre de bonnes mains ». À l’inverse, la position de son principal concurrent, Bernd Althusmann (CDU, PPE), était plus délicate. En tant que vice-ministre-président, M. Althusmann ne pouvait guère critiquer de manière trop ouverte les politiques mises en place par la Grande Coalition au niveau de l’État, dont il avait largement contribué à la mise en œuvre ces dernières années. Il a donc axé sa stratégie de campagne sur la transformation de l’élection du Land de Basse-Saxe en une élection de protestation contre la coalition fédérale « en feux tricolores » composée du SPD (S&D), du FDP (RE) et des Verts (Verts/ALE). Au sein de la population, Bernd Althusmann jouissait cependant d’opinions individuelles bien moins positives que Stephan Weil (Forschungsgruppe Wahlen 2022b). Dans les sondages interrogeant directement les citoyens sur leur préférence pour le poste de ministre-président, Stephan Weil a constamment devancé Bernd Althusmann dans les semaines précédant l’élection (Hinford & Neu 2022). Les principaux candidats des autres partis n’ont joué qu’un rôle mineur dans la campagne électorale. La tête de liste des Verts (Verts/ALE), Julia Willie Hamburg, et celle du FDP (RE), Stefan Birkner, ne bénéficiaient qu’une faible notoriété (Infratest dimap 2022). Il en est probablement de même pour le deuxième candidat des Verts, Christian Meyer, ainsi que la tête de liste de l’AfD (ID), Stefan Marzischewski-Drewes.

Résultats de l’élection

Lors du scrutin régional de 2022 en Basse-Saxe, le taux de participation a légèrement baissé par rapport à 2017 (Figure a), diminuant de 2,8 points de pourcentage en passant de 63,1 % à 60,3 %. Historiquement, le taux de participation n’avait été plus faible que lors des élections régionales de 2008 et 2013. Par la suite, il avait légèrement augmenté en raison de l’émergence de l’AfD (ID), qui a su mobiliser à son bénéfice certains anciens abstentionnistes lors des élections régionales de 2017 et 2022.

a • Participation par commune, 2022

Les élections d’État en Basse-Saxe se déroulent selon le système de la représentation proportionnelle personnalisée. Les électeurs disposent de deux voix. Avec leur première voix, ils choisissent un candidat direct dans leur circonscription, tandis que la seconde voix détermine la répartition des sièges entre les partis au parlement. Le SPD (S&D) a obtenu 33,4 % des secondes voix lors de l’élection du Land de Basse-Saxe du 9 octobre 2022, soit une baisse de 3,5 points de pourcentage par rapport à l’élection de 2017. Néanmoins, il est resté la force politique la plus puissante et peut donc être qualifié de vainqueur de l’élection. Le deuxième parti au pouvoir, la CDU (PPE), a également obtenu de moins bons résultats qu’en 2017, perdant 5,5 points de pourcentage à 28,1 %. Il s’agit du pire résultat électoral de la CDU (EPP) en Basse-Saxe depuis 1955 ; ensemble, les deux partis au pouvoir en Basse-Saxe ont perdu un total de neuf points de pourcentage. Les autres gagnants des élections de 2022 en Basse-Saxe sont les Verts (Verts/ALE) et l’AfD (ID). Les Verts (Verts/ALE) ont augmenté leur résultat de 8,7 à 14,5 %, soit le gain absolu le plus fort parmi tous les partis en présence ; l’AfD (ID), en revanche, n’a pas été en mesure de remplir l’objectif qu’elle s’était fixée, à savoir un doublement de son résultat de 2017. Après avoir obtenu seulement 6,2 % en 2017, le parti a néanmoins réussi à accroître de près de 80 % sa part électorale en obtenant 11,0 % en 2022. Il s’agit, à ce jour, du gain relatif le plus important pour un parti représenté au parlement du Land de Basse-Saxe. En revanche, le FDP (RE) a subi une défaite cuisante ; ayant perdu 2,8 points de pourcentage sur les secondes voix, il s’est établi à seulement 4,7 %, juste en dessous du seuil de 5 % fixé par la loi électorale de Basse-Saxe, et n’est donc plus représenté au Parlement régional. Le Parti de gauche, qui n’avait déjà pas réussi à entrer au Parlement en 2017, a également perdu des voix et, avec 2,7 % des voix, se situe désormais bien en-deçà du seuil. Les autres partis en compétition n’ont pu attirer que des parts marginales de l’électorat. On peut mentionner le Parti de la protection des animaux avec 1,5 % des secondes voix, le nouveau parti dieBasis avec 1,0 %, et le parti satirique « Die PARTEI » avec 0,9 %.

Si l’on examine la répartition régionale des secondes voix des différents partis, on constate que le SPD (S&D) bénéficie de sa plus importante base de soutien en Frise orientale, dans les régions de Hanovre et de Hildesheim, ainsi que dans le sud de la Basse-Saxe. La CDU (PPE), quant à elle, est particulièrement forte dans le sud-ouest de la Basse-Saxe, et notamment dans les districts ruraux d’Emsland, de Cloppenburg et du Comté de Bentheim. Les autres zones de soutien de la CDU (PPE) se trouvent dans les districts de Rotenburg et de Göttingen. Les Verts (Verts/ALE) sont particulièrement forts dans les villes universitaires de Basse-Saxe et les districts avoisinants. Enfin, l’AfD (ID) connaît ses plus grands succès dans les districts autour de Wolfsburg, fortement influencés par l’industrie automobile, ainsi que dans la région de Weser-Ems au nord-ouest de la Basse-Saxe (Figure b).

Si l’on considère le clivage urbain-rural, il est très clair que la CDU (PPE) et l’AfD (ID) font nettement mieux dans les zones rurales de Basse-Saxe que dans les grandes villes. C’est exactement l’inverse pour les Verts (Verts/ALE). Enfin, le SPD (S&D) et le FDP (RE) bénéficient d’une base de soutien assez similaire en zones urbaines et rurales.

La Basse-Saxe est divisée en 87 circonscriptions, la taille minimale du Landtag étant de 135 sièges. Le SPD (S&D) a remporté 57 des 87 mandats directs, soit deux de plus que lors des élections précédentes. La CDU (PPE) a obtenu pour sa part 27 mandats directs, soit cinq de moins qu’en 2017. Les Verts (Verts/ALE) ont pu obtenir des mandats directs pour la première fois dans une élection régionale en Basse-Saxe. Ils y sont parvenus avec les circonscriptions de Lüneburg, Göttingen-Ville et Hanovre-Centre, situées dans trois des principales villes universitaires de Basse-Saxe.

Répartition des sièges

Le nombre élevé de mandats directs remportés par le SPD (S&D) a eu un impact sur la taille du parlement du Land de Basse-Saxe. Lorsque le nombre minimum légal de 135 sièges a été réparti en fonction du résultat des secondes voix , le SPD (S&D) s’est vu affecter seulement 52 sièges, soit cinq de moins que le nombre de mandats directs qu’il avait obtenus. Conformément aux dispositions de la loi électorale du Land de Basse-Saxe, le nombre de sièges au Parlement du Land de Basse-Saxe a donc été augmenté en deux étapes, de onze sièges au total, afin que le SPD (S&D) puisse conserver tous les mandats directs qu’il avait obtenus et que les autres partis reçoivent un nombre équivalent de sièges compensatoires. En conséquence, le parlement du Land de Basse-Saxe comptera 146 sièges lors de la prochaine législature. Par rapport à la période législative précédente, cela représente une augmentation de neuf sièges. Sur ces 146 sièges, 57 sont détenus par le SPD (S&D), qui a pu remplir tous ses mandats au Landtag avec des députés élus au suffrage direct. La CDU (PPE) a obtenu 47 mandats, les Verts (Verts/ALE) 24 et l’AfD (ID) 18. En raison de l’élargissement du Landtag et du départ du FDP (RE), la perte de voix du SPD (S&D) et de la CDU (PPE) ne s’est reflétée dans leur nombre de sièges que sous une forme diminuée. Le SPD (S&D) a même gagné deux sièges, bien qu’il ait perdu 3,5 points de pourcentage des seconds voix. La CDU (PPE) n’a finalement perdu que trois sièges, malgré ses pertes importantes de secondes voix. Les Verts (Verts/ALE) et l’AfD (ID), en revanche, ont chacun doublé leur représentation parlementaire. Sur le total de 146 membres du Parlement du Land de Basse-Saxe, 50 sont des femmes. La proportion de femmes est donc de 34 %. Toutefois, les différents groupes parlementaires du Parlement du Land de Basse-Saxe présentent des différences de féminisation importantes. Ainsi, les femmes sont majoritaires dans le groupe parlementaire des Verts/ALE (58 %), alors qu’elles ne sont que 17 % dans le groupe parlementaire de l’AfD (ID).

Formation gouvernementale

Les résultats des élections régionales de 2022 auraient pu permettre de reconduire la Grande Coalition qui gouvernait la Basse-Saxe lors de la législature précédente. Cependant, le SPD (S&D) et la CDU (PPE) avaient déjà fait savoir avant les élections qu’ils ne chercheraient pas à poursuivre leur coopération selon ce modèle. Pendant la campagne électorale, le SPD (S&D) avait indiqué sa préférence pour une coalition avec les Verts (Verts/ALE) plutôt qu’avec la CDU (PPE). La CDU (PPE), de son côté, s’était fixé comme objectif électoral d’obtenir la première place afin que Bernd Althusmann puisse devenir ministre-président. Si la CDU (PPE) avait laissé ouvert la question de ses préférences en termes de coalitions, on peut supposer qu’elle aurait préféré une coalition avec le FDP (RE). Toutefois, en raison du départ du FDP (RE) du parlement du Land et du nombre important de voix perdu par la CDU (PPE), un gouvernement dirigé par Bernd Althusmann n’était pas envisageable. Après l’élection, une nouvelle édition de la coalition rouge-verte qui avait déjà gouverné la Basse-Saxe entre 2013 et 2017 a donc été décidée. Le SPD (S&D) et les Verts (Verts/ALE) disposent ensemble de 81 mandats au sein du nouveau parlement du Land, bien au-delà de la majorité absolue de 74 voix. Cette majorité est suffisamment confortable pour qu’une situation comme celle de 2017 ne soit pas à craindre. En 2017, la coalition rouge-verte gouvernait avec une majorité d’une voix seulement au Landtag lors qu’un député vert était passé à la CDU (PPE); cette défection avait conduit à des élections anticipées, le gouvernement régional rouge-vert ayant perdu sa majorité au Parlement.

Le gouvernement du Land formé après les élections du Land est le troisième cabinet du ministre-président Stephan Weil. La tête de liste des Verts (Verts/ALE), Julia Willie Hamburg, est la première femme de l’histoire de la Basse-Saxe à accéder au poste de vice-ministre-présidente. Elle a également été nommée ministre de l’éducation et des affaires culturelles, et déléguée au conseil de surveillance du groupe Volkswagen au nom du Land de Basse-Saxe. Au total, le gouvernement du Land comprend dix ministres. Six de ces ministres sont issus de le SPD (S&D), quatre autres des Verts (Verts/ALE). La parité hommes-femmes est respectée, avec cinq ministres hommes et cinq ministres femmes.

Perspectives

En terme de politique régionale, le changement le plus significatif au cours des prochaines années consistera probablement en une prise de distance progressive, de la part de la coalition rouge-verte, vis-à-vis de la politique budgétaire restrictive poursuivie par la Grande Coalition sous l’influence de la CDU (PPE). L’accord de coalition prévoit la création d’un « Fonds pour la Basse-Saxe », qui pourra être utilisé pour contourner la règle d’or budgétaire dans le financement des dépenses publiques. En outre, la région a prévu d’émettre des « obligations vertes » visant à favoriser les investissements dans des projets écologiques au-delà du budget ordinaire de l’État. Le gouvernement rouge-vert comptera également parmi ses priorités la politique climatique et celle du logement. Il a été annoncé que la Basse-Saxe deviendrait climatiquement neutre d’ici 2040 et qu’une société publique à but non lucratif, qui n’a pas encore été fondée, financerait 40 000 nouveaux logements dont la région serait propriétaire. Enfin, tous les élèves de Basse-Saxe recevront à titre gratuit une tablette à utiliser à l’école.

Références

Forschungsgruppe Wahlen (2022a). Politbarometer: “Ministerpräsident Stephan Weil macht seine Sache eher…” Consulté le 22.11.2022.
Forschungsgruppe Wahlen (2022b). Politbarometer: “Stephan Weil und Bernd Althusmann. Wer …,” Consulté le 22.11.2022.
Hindorf, D. & Neu, V. (2022). Tabellenanhang zur Landtagswahl in Niedersachsen am 9. Oktober 2022. Berlin: Konrad Adenauer Stiftung.Infratest dimap (2022). NiedersachsenTREND Juli 2022.
SPD (2022). Wahlspot der SPD Niedersachsen mit Stephan Weil zur Landtagswahl 2022 — Das Land in guten Händen. Consulté le 22.11.2022.

+--
voir le planfermer
citer l'article +--

citer l'article

APA

Markus Klein, Élection régionale en Basse-Saxe, 9 octobre 2022, Groupe d'études géopolitiques, Mar 2023, 135-139.

à lire dans ce numéro +--

à lire dans cette issue

voir toute la revuearrow
notes et sources +