Bulletin des Élections de l’Union Européenne
La synthèse continentale
Issue #3
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Issue #3

Auteurs

François Hublet , Jean-Toussaint Battestini , Jean Cotte , Lucie Coatleven , Charlotte Kleine , Mattéo Lanoë

Numéro 3, Mars 2023

Évolution des scores des groupes européens

Nous commençons cette synthèse par une analyse de l’évolution des rapports de force entre les différentes familles politiques européennes en 2022. Pour ce faire, les résultats des partis nationaux et régionaux sont agrégés selon leurs groupes au Parlement européen 1 . La figure a montre l’évolution globale de la part des voix obtenues par chaque groupe par rapport à l’élection précédente, pondérée par le nombre d’électeurs dans chaque région ou État 2 .

Dans l’ensemble, cette année a vu un affaiblissement des groupes traditionnels de centre-gauche (S&D) et de centre-droit (PPE), tandis que les Verts et les régionalistes (Verts/ALE), ainsi que la droite néonationaliste (ECR) gagnaient des voix. La gauche radicale (GUE/NGL) a connu une tendance à la baisse dans de nombreuses régions – à l’exception notable de la France -, tandis que le groupe historique de l’extrême droite européenne (ID) a subi d’importantes pertes globales.

Dans la plupart des scrutins, les partis de la gauche radicale du groupe GUE/NGL perdent du terrain, confirmant les tendances négatives de l’année précédente. Les reculs les plus marqués ont été observés en Sarre (-8 %), où Die Linke semble avoir perdu son bastion historique, au Portugal (-5,5 %) et en Slovénie (-4,9 %). Seules les élections présidentielles françaises ont vu le groupe bénéficier un rebond malgré des candidatures multiples, conduisant à une tendance globale légèrement positive (+0,5 %) ; le groupe a enregistré un gain de 4,3 % au premier tour, mais n’a pas été en mesure de qualifier un candidat pour le second tour. Lors des élections législatives françaises, le parti LFI (GUE/NGL) a pris la tête de la coalition électorale Nouvelle Union Populaire, Écologique et Sociale (NUPES) qui s’est placée en deuxième position au second tour, soit un gain de 19,73 pp par rapport à la somme des résultats du PCF (GUE/NGL), de LFI (GUE/NGL), du PS (S&D) et d’EELV (Verts/ALE) en 2017.

Les partis écologistes et régionalistes du groupe des Verts/ALE sont en hausse pour le troisième trimestre consécutif, avec un gain moyen de 3,6 pp. Gagnant du terrain dans toutes les élections où ils étaient présents, sauf au Portugal (-1,9 pp), en Hongrie (où le parti LMP s’est présenté au sein d’une coalition, rendant impossible l’évaluation de sa performance individuelle) et dans l’État autrichien du Tyrol, les Verts ont connu une forte croissance en Rhénanie du Nord-Westphalie (+11,76 pp), dans le Schleswig-Holstein (+7,94 pp), en Basse-Saxe (+6,33 pp) et en France (+4,63 pp). Le président vert de l’Autriche, Alexander Van der Bellen, a été réélu très largement au premier tour de scrutin (56,7%).

Après six mois de stabilité relative, le groupe social-démocrate S&D a de nouveau subi des pertes significatives, de l’ordre de 2,5 pp en moyenne. La part de voix du groupe a diminué en Lettonie (-15 pp), au Schleswig-Holstein (-11,6 pp), en France (-4,6 pp), en Castille-et-León (-4,9 pp) et en Rhénanie du Nord-Westphalie (-4,6 pp). Les sociaux-démocrates ont cependant remporté trois victoires spectaculaires – obtenant à chaque fois la majorité absolue – au Portugal (+4,3 pp), à Malte (+0,1 pp) et en Sarre (+13,9 pp), trois bastions historiques des S&D. Ils ont également consolidé leur score au Danemark à l’occasion de l’élection présidentielle, et ont confirmé leur majorité parlementaire lors des élections législatives anticipées, donnant au gouvernement minoritaire sortant une étroite majorité absolue (+1,6 pp).

Malgré des pertes significatives dans certaines régions, les libéraux-centristes du groupe Renouveau européen (RE) gagnent en moyenne 1,9 pp. Leurs défaites en Andalousie (-15,2 pp), au Danemark (-15 pp), en Castille-et-León (-10,6 pp), en Lettonie (-7 pp), en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (-6,4 pp) et au Schleswig-Holstein (-4,9 pp) sont compensées par des succès plus modestes dans des compétitions électorales numériquement plus importantes, principalement en France (+3,8 pp lors de l’élection présidentielle d’avril, le président sortant Macron n’obtenant qu’un gouvernement minoritaire après les élections législatives de juin), au Portugal (+3,9 pp) et en Sarre (+2,8 pp), et une seule victoire nette, celle du mouvement Liberté de Robert Golob en Slovénie (+13,9 pp pour tous les partis affiliés à RE). Par conséquent, cette bonne performance globale, qui place le RE devant tous les autres groupes avec 15,7 % des voix obtenus lors de l’année 2022, est plus fragile que ne le suggèrent les résultats absolus. Si l’on ne considère que les élections parlementaires et régionales, le groupe RE subit en réalité une perte nette de sièges.

Le Parti populaire européen (PPE) a subi d’importants revers, perdant 5,6 pp en moyenne. Hormis la réélection du gouvernement conservateur letton (+12,45 pp), ses seules victoires ont été remportées lors d’élections régionales, d’abord en Andalousie (+22,5 pp), puis dans les Länder allemands de Rhénanie du Nord-Westphalie (+3,0 pp) et du Schleswig-Holstein (+10,0 pp), où le ministre-président sortant Daniel Günther a vu sa popularité confirmée. Toutes les autres élections se sont soldées par des pertes, parfois sévères : en France (-15,2 pp), en Sarre (-12,1 pp), en Slovénie (-4,4 pp), au Portugal (-2,1 pp) et à Malte (-1,9 pp), le poids électoral des partis de droite traditionnels a diminué.

Bien qu’il n’ait participé qu’à 8 élections dans le programme principal du BLUE, le groupe national-conservateur ECR a été de loin le plus grand gagnant de cette année électorale, avec +4,5 pp en moyenne. Les néonationalistes de l’ECR ont célébré une série de succès majeurs avec la victoire de Fratelli d’Italia aux élections générales (+20,7 pp), la deuxième place des Démocrates de Suède (+15,1 pp), la victoire de la coalition FI/Lega/FdI en Sicile, et les bons résultats de Vox en Castille-et-León (+12,3 pp). Giorgia Meloni (FdI) dirige désormais le gouvernement italien, tandis qu’en Sicile, en Castille-et-León et en Suède, un parti membre d’ECR fait partie de la majorité parlementaire dans une coalition avec le centre-droit.

Le groupe d’extrême droite ID poursuit son déclin (-2,3 pp). Malgré des gains significatifs au Portugal (+6,0 %), en France (+1,9 % au premier tour des élections présidentielles, 7,7 % au second, +5,6 % au premier tour des élections générales, +8,5 % au second), dans l’État autrichien du Tyrol (+3,3 %) et dans l’État allemand de Basse-Saxe (+4,8 %) au détriment du centre-droit traditionnel, le groupe a subi de sérieux revers. ID ainsi reculé dans les trois autres Länder allemands qui ont voté cette année (de -0,5 à -2,0 %), lors de l’élection présidentielle autrichienne (-17,3 %), de l’élection générale italienne (-9,2 %) et de l’élection générale danoise (-6,1 %).

Les partis non affiliés et les coalitions intergroupes ont légèrement perdu (-0,7 %), mais leur part de voix reste plus élevée que celle de n’importe quel groupe du PE. En dehors de la Hongrie, les élections générales danoises ont connu la plus forte augmentation de la part de voix des partis non affiliés (+23 pp), grâce à l’apparition de deux nouveaux partis en juin 2022 : les Modérés, une scission du Parti libéral, qui est arrivé en troisième position, et les Démocrates danois, une scission du Parti populaire danois, qui est arrivé en cinquième position. Ces deux nouveaux partis, s’ils rejoignent un groupe européen, seraient proches des positions respectives de RE et du PPE. En raison de la présence du candidat ultranationaliste Éric Zemmour, l’élection présidentielle française a également vu une forte augmentation du score des partis non affiliés (+7,8 pp).

a • Résultats agrégés des groupes de partis européens entre janvier 2022 et décembre 2022

Partis entrés et sortis des parlements régionaux et nationaux

À l’exception des élections en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à Malte, en Sicile, en Suède et au Tyrol, toutes les élections législatives du premier semestre 2022 ont vu la composition partisane des parlements exister.

La Slovénie est le pays qui a connu le plus de bouleversements au niveau des partis. Entre les élections de 2022 et de 2018, neuf nouveaux partis issus du centre, de la droite, du mouvement écologiste et de la mouvance conspirationniste anti-politique sanitaire se sont présentés aux élections générales. Seul le Mouvement pour la Liberté, qui rassemblait une large coalition de partis centristes, est entré au Parlement en remportant les élections contre le Premier ministre de droite sortant, Janez Janša, accusé de porter atteinte à l’État de droit et à la liberté de la presse dans le pays. Le Parti des retraités slovènes a quitté le parlement, passant d’environ 5 % à moins de 1 %, un score insuffisant pour se maintenir.

En Lettonie, les élections législatives ont vu l’entrée de trois partis et la sortie de quatre autres. Le parti eurosceptique de la minorité russe Pour la stabilité !, fondé en 2021, est entré au parlement avec 11 sièges et un score de 6,9 %. Le parti populiste de droite La Lettonie d’abord, fondé en 2021, est également entré au Parlement avec 9 sièges (6,3 %). Les Progressistes (Verts/ALE), qui n’avaient pas obtenu de siège lors des élections de 2018, parviennent à entrer au parlement avec 6,2% des voix (10 sièges). Les Conservateurs (-16 sièges), Harmonie (S&D, intérêts de la minorité russe, -23 sièges), Pour le développement (RE, centrisme, -13 sièges) et Pour une Lettonie humaine (droite populiste, -16 sièges) ont tous perdu leur représentation au parlement letton, ne parvenant pas à atteindre la barre des 5%.

À l’Assemblée nationale française, la coalition NUPES a permis à Europe-Écologie Les Verts (EELV) d’obtenir 23 sièges, lui permettant de faire son retour à l’Assemblée nationale après cinq ans d’absence. Alors que le Rassemblement national (ID) disposait déjà d’un peu moins de 10 sièges entre 2017 et 2022, la percée de juin 2022 permet au parti d’être pleinement représenté à l’Assemblée nationale et de disposer d’un groupe.

En Bulgarie, où se tenaient pour la quatrième fois en 18 mois des élections législatives, le parti anticorruption « Il y a un tel peuple », fondé en 2020 et qui avait précédemment terminé deuxième aux élections législatives d’avril 2021 (17,4% des voix, 51 sièges), puis premier aux élections anticipées de juillet 2021 (24,1%, 65 sièges), pour retomber à la 5e place en novembre 2021 (9,4%, 25 sièges), n’a obtenu que 3,7% des voix, perdant ainsi tous ses sièges au Parlement. Le parti national-conservateur Éveil bulgare, fondé en mai 2022 par l’ancien Premier ministre Stefan Yanev, est entré au parlement avec 12 sièges et 4,5 % des voix.

En Hongrie, le parti d’extrême droite Notre patrie, fondé par des dissidents du Jobbik, ancien parti ultranationaliste qui a fait son aggiornamento vers la droite conservatrice, et qui a ensuite guidé la coalition de l’Opposition unie contre Viktor Orbán, est entré au Parlement hongrois en remportant 6 sièges.

Au Portugal, où des élections anticipées ont été organisées à la suite de l’effondrement de la coalition de gauche, le Parti populaire de centre-droit, qui détenait 5 sièges, a perdu sa représentation au Parlement portugais, passant d’un peu moins de 5 % à 1,60 %.

Les élections législatives anticipées italiennes du 25 septembre ont vu le parti régionaliste et populiste Sud chiama Nord (« Le Sud appelle le Nord »), fondé en 2022 par l’ancien maire de Messine Cateno de Luca, remporter un siège à la Chambre des députés italienne et un au Sénat. La coalition centriste « Troisième pôle » Azione-Italia Viva (RE), alliance entre le Parti Action de Carlo Calenda et Italia Viva de Matteo Renzi, confirme sa présence à la Chambre des députés (21 sièges) et au Sénat (9 sièges).

Suite aux élections anticipées de novembre, deux partis sont nouvellement présents au parlement danois : les Modérés (libéralisme, centre-droit) avec 16 sièges (9,3%) et les Démocrates danois (droite populiste, euroscepticisme) avec 14 sièges (7,9%).

Ciudadanos (centre-droit) poursuit son processus de disparition de la scène politique espagnole, mais parvient à sauver une maigre représentation au parlement régional de Castille-et-León, passant de 12 à 1 siège. En Andalousie, Ciudadanos perd la totalité de ses 21 sièges après avoir obtenu seulement 3% des voix, contre 18,3% aux élections régionales de 2018. Le mouvement de défense des intérêts de l’Espagne rurale « Espagne vide » obtient 3 sièges et entre au parlement régional de Castille-et-León.

Enfin, dans le Schleswig-Holstein, le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) quitte le parlement régional, perdant ses 5 sièges acquis lors des élections de 2017. En Basse-Saxe, le FDP (RE) quitte le parlement régional, échouant à franchir le seuil des 5% et perdant de ce fait les 11 sièges qu’il détenait.

En dehors de l’Union, les élections générales en Bosnie-Herzégovine ont permis à 6 nouveaux partis d’obtenir une représentation parlementaire : 3 sièges pour le parti de centre-droit Peuple et Justice (5%), 2 sièges pour le parti pro-européen Union européenne des citoyens de Bosnie-Herzégovine (3%), et un siège chacun pour quatre parties ayant obtenu environ 2% des voix : Justice et Ordre (nationalisme serbe), Initiative de Bosnie-Herzégovine (pro-UE), Unité serbe (nationalisme serbe) et l’Union démocratique (conservatisme serbe).

En Irlande du Nord, le Green Party, qui ne prend pas position sur l’avenir institutionnel de l’Irlande du Nord, a perdu ses deux sièges et a rejoint l’opposition extraparlementaire. Le parti disposait de sièges au Parlement nord-irlandais depuis 2007. Entre 2016 et 2022, le parti a obtenu entre 16 000 et 18 000 voix, sans parvenir à augmenter nettement ses positions.

Participation

Au cours de la période couverte par ce numéro, la participation électorale moyenne a diminué. Cette tendance a affecté plusieurs élections cruciales, alors que l’Europe est confrontée à des crises majeures.

En France, deux élections capitales ont eu lieu entre avril et juin 2022 : l’élection présidentielle les 10 et 24 avril, et l’élection législative les 12 et 19 juin.

Les deux tours de l’élection présidentielle ont attiré moins d’électeurs qu’en 2017. On constate une baisse de -4,1 pp pour le premier tour par rapport à la dernière élection, et une baisse de -2,6 pp pour le second tour. Avec le début de la guerre en Ukraine, le président sortant Emmanuel Macron a mené une campagne relativement discrète, et il y a eu moins de débats publics entre les candidats. Il en a résulté une forme de « non-campagne » qui a été abondamment commentée dans les médias français.

En ce qui concerne les élections législatives, aucune tendance claire ne se dégage. La participation a baissé de -1,2 pp au premier tour par rapport à l’élection de 2017, mais a augmenté de 3,6 pp au second tour. Cependant, la participation reste très faible, inférieure à 50%.

Au Portugal, des élections législatives anticipées ont été organisées après que le Bloc de gauche (BE) et la Coalition démocratique unitaire (comprenant les Verts et le Parti communiste portugais) ont retiré leur soutien non participatif au gouvernement socialiste d’António Costa. La participation à cette élection majeure a légèrement augmenté par rapport à 2019, dépassant le seuil symbolique de 50 % : elle a gagné +2,9 pp, passant de 48,6 % à 51,4 %.

En Hongrie, la participation est restée stable à 69%. Viktor Orbán a réussi à mobiliser son électorat, notamment en organisant, le jour de l’élection générale, un référendum sur les questions d’éducation sexuelle, visant officiellement à mettre fin à la prétendue « promotion de l’homosexualité et de la transidentité » dans les écoles hongroises.

À Malte, malgré un taux de participation largement supérieur à la moyenne européenne (85,4 %), la mobilisation des électeurs a diminué. L’élection du 26 mars 2022 a connu le taux de participation le plus bas depuis 1955, avec une baisse de 6,6 % par rapport à l’élection de 2017.

Malgré des enjeux importants, la participation aux élections générales italiennes a été beaucoup plus faible qu’en 2018 (-9 pp). À la même date, des élections anticipées ont été convoquées pour le renouvellement de l’Assemblée régionale sicilienne. En raison des élections générales qui se déroulaient le même jour, la participation a été plus élevée que lors des dernières élections, avec une légère augmentation de +2,1 pp.

En Allemagne, quatre élections régionales ont eu lieu en 2022, qui ont toutes été marquées par une forte baisse de la participation. En Sarre et au Schleswig-Holstein, la participation a chuté de plus de 8 points (respectivement -8,1 pp et -8,8 pp) par rapport aux élections précédentes, tombant sous la barre des 50 % dans ce dernier cas. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), la participation a chuté encore plus fortement, perdant plus de 10 points de pourcentage (-10,6 pp). La perte de participation a été plus modérée en Basse-Saxe (-2,8 pp, à 60,31%).

En Autriche, l’élection du Président de la République, dont le pouvoir exécutif est limité, a néanmoins été marquée par une participation relativement élevée (65,19%), en baisse de 3,3 pp.

En Bulgarie, la participation, bien que faible en comparaison historique, a augmenté de +0,9 pp en octobre par rapport à l’élection précédente de novembre 2021.

L’élection renouvelant l’Assemblée d’Irlande du Nord a vu pour la première fois le parti républicain et nationaliste irlandais Sinn Féin arriver en tête, dans un contexte où la participation est restée relativement stable, ne baissant que de -1,2 pp.

En Finlande, les premières élections pour les nouveaux conseils régionaux ont eu lieu le 23 janvier 2022. Moins d’un électeur sur deux s’est rendu aux urnes (47,5%).

Au Danemark, deux élections importantes ont eu lieu en 2022. Lors du référendum sur la suppression de la clause de non-participation à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne, le taux de participation a été de 65,8 %, avec une large majorité en faveur du référendum – compte tenu de la complexité de la question, un taux de participation aussi élevé est remarquable. Des élections législatives anticipées ont également eu lieu le 1er novembre 2022 pour le renouvellement du Folketing, le parlement danois. Le taux de participation est resté relativement stable (et élevé), à 84,2 %, soit une baisse de seulement 0,4 %.

Enfin, des élections municipales ont eu lieu aux Pays-Bas. Le taux de participation a été historiquement bas, à peine supérieur à 50 %, alors que les chiffres des élections précédentes avoisinaient généralement les 55 %. Les grands partis qui dominent la scène politique néerlandaise (VVD, CDA et le parti socialiste) ont vu leur part de voix diminuer considérablement, tandis que des partis plus locaux ont gagné du terrain.

Contrairement à cette tendance générale, cinq élections ont enregistré une augmentation significative de la participation : en Slovénie (législatives et présidentielles), en Castille et Léon, en Lettonie et au Tyrol.

Lors des élections parlementaires slovènes, la participation a augmenté de 18,3 %, passant de 52,6 % à 71,0 %. Des élections présidentielles ont également eu lieu le 23 octobre (premier tour) et le 13 novembre (second tour). La participation a fortement augmenté au premier tour (+8,2 %) et au second tour (+11,8 %).

Lors des élections régionales en Castille-et-León, les électeurs se sont déplacés en nombre. La participation du 13 février 2022 a augmenté de plus de 10 points par rapport à l’élection de 2019, en partie grâce à une mobilisation accrue autour de l’avenir des zones rurales de la région. En revanche, en Andalousie, la participation n’a que légèrement augmenté (+1,6 pp).

En Lettonie, la campagne électorale a vu s’affronter un camp qualifié de « pro-occidental » et un autre qualifié de « pro-russe ». Une augmentation significative de la participation a été observée, le taux de participation atteignant presque 60% (+5,1 pp).

Enfin, au Tyrol, des élections anticipées ont été organisées à la suite de la démission du gouverneur régional. Le taux de participation a augmenté de 5 points et la coalition sortante a perdu sa majorité absolue.

b • Participation aux élections de janvier 2022 à décembre 2022, et lors des élections précédentes

Écarts entre ville et campagne

BLUE a construit un indicateur mesurant la polarisation du vote entre les zones urbaines et rurales. Étant donné les parts électorales u1, …, up des partis dans l’électorat d’urbain et les parts de vote r1, …, rp de ces mêmes partis dans l’électorat rural (en pourcent), on considère :
1/2 ( |r1 – u1| + … + |rp – up| ).
Le résultat varie entre 0 et 100, 0% indiquant un résultat identique dans les électorats urbain et rural qui sont identiques, alors que 100 % correspond à un vote totalement différent entre zones urbaines et zones rurales.

Pour la plupart des élections couvertes par ce numéro, notre indicateur est resté stable. L’exception la plus significative concerne les élections municipales néerlandaises, où l’indicateur est également beaucoup plus élevé que dans les autres régions. En effet, 57 % des électeurs urbains ont voté différemment des électeurs ruraux. Lors de ces élections municipales, qui ont enregistré le taux de participation le plus bas depuis 1955, le fossé rural/urbain s’est encore creusé, de 5 points de pourcentage.

Lors des élections présidentielles françaises, l’écart s’est également creusé, passant de 24 % lors de l’élection précédente de 2017 à 30 % en 2022, soit une augmentation de 6 points. Un clivage clair a pu être observé entre les grandes métropoles, où le soutien à Jean-Luc Mélenchon était élevé, les campagnes du nord et du sud du pays qui ont plutôt voté pour Marine Le Pen, et l’ouest de la France dominé par le vote Macron. L’élection de 2022 a donc vu s’approfondir les tendances déjà observées en 2017.

Lors des élections générales italiennes, le tableau est relativement similaire. Il y a eu une augmentation de 8 pp, l’indicateur passant de 14% à 23%. Lors des élections régionales siciliennes, l’indicateur a également augmenté, passant de 10 % à 20 %. Les élections de 2022 ont donc vu un renforcement de la fracture rurale-urbaine en Italie.

En Slovénie, l’écart ne s’est que légèrement creusé (+2 pp), l’indicateur passant de 29 % à 31 %. Dans l’ensemble, l’électoral entre les électeurs urbains et ruraux est resté relativement stable. Il en va de même pour les élections législatives au Portugal, où l’indicateur est relativement faible (14%), en Suède (25%), au Danemark (39%) et en Bulgarie (44%, +2 pp). Pour le référendum danois sur l’opt-out, pour lequel on ne dispose pas de point de comparaison antérieur, l’écart est très faible, à 8 %.

La Hongrie, quant à elle, se distingue par une diminution de l’écart de voix entre les électeurs urbains et ruraux. Lors de ces élections législatives, remportées par le président sortant Viktor Orbán, l’indicateur a baissé de 4 points, passant de 34 % en 2018 à 30 % lors des élections d’avril 2022.

En Autriche, l’écart s’est également réduit lors de l’élection présidentielle, l’indicateur ayant diminué de 8 points pour atteindre 25 %. Une tendance similaire peut être observée à l’occasion du scrutin régional tyrolien (-7 pp).

En Allemagne, les résultats de deux élections régionales – dans la Sarre et au Schleswig-Holstein – peuvent être analysés. En Sarre, l’indicateur a légèrement baissé, passant de 22% à 21%. Dans le Schleswig-Holstein, en revanche, il a augmenté de 6 points, pour atteindre 27 % ; le clivage s’est donc renforcé dans cet État.

Après une campagne électorale marquée par la question de l’exode rural, Castille-et-León a enregistré une diminution de l’écart, qui était déjà très faible lors des dernières élections. L’indicateur a diminué de 2 points par rapport aux dernières élections régionales, pour atteindre 13 %. L’écart se réduit encore plus fortement en Andalousie, où il n’atteint plus que 12 % (-11 p).

c • Indicateur de clivage urbain-rural pour les élections de janvier 2022 à décembre 2022 et les scrutins précédents

Déterminants socio-économiques du vote

La figure d montre les résultats d’un modèle de régression OLS mesurant l’effet de sept variables socio-économiques 3 observées au niveau NUTS 2 ou NUTS 3 sur le vote pour les différents groupes européens.

Le vote pour le groupe de gauche radicale GUE/NGL se caractérise par une prévalence significativement plus élevée dans les régions à forte densité, à fort taux de natalité et plus âgées, et une prévalence significativement plus faible dans les régions à fort taux de migration nette, de chômage et de PIB par habitant.

Le profil du groupe des Verts/ALE présente presque exclusivement des effets inverses : un âge ou un taux de natalité plus bas affecte positivement leur part de vote, tout comme un taux de migration nette ou un PIB par habitant élevés. Dans l’ensemble, les Verts/ALE semblent être surreprésentés dans les régions les plus aisées, les plus économiquement dynamiques et les plus jeunes, tandis que le groupe GUE/NGL obtient de meilleurs résultats dans des régions denses dont la population est plus âgée et moins aisée, mais où le taux de chômage reste comparativement faible.

Les S&D obtiennent davantage de voix dans les régions plus âgées et prospères, mais leur part de voix est affectée négativement par le chômage et le dynamisme économique (mesuré par la croissance du PIB). En revanche, le PPE semble obtenir de meilleurs résultats dans les régions en croissance, mais à fort taux de chômage et à taux de migration net positif.

Le chômage a une incidence négative sur la part de voix des groupes RE et ECR, qui semblent toutefois obtenir de meilleurs résultats dans les régions où le niveau d’éducation est plus faible (pour RE) et le PIB par habitant plus bas (pour ECR). Ce phénomène n’est pas typique des environnements urbains, mais plutôt des environnements caractérisés par un niveau intermédiaire de développement économique.

Le groupe d’extrême droite ID a obtenu un succès plus important dans les zones à faible densité, à faible taux de natalité, plus jeunes, moins éduquées et à faible taux de chômage. Ces caractéristiques peuvent être associées à des zones périphériques, moins attrayantes et confrontées à des difficultés économiques limitées, ce qui donne un profil général diamétralement opposé à celui de l’extrême-gauche.

Enfin, les partis non-inscrits obtiennent davantage de voix dans les régions à fort taux de chômage, faible taux de migration nette, faible taux de natalité et faible PIB par habitant, ce qui est typique des régions structurellement plus faibles. Ces partis, qui peuvent être nouveaux ou situés à l’une des extrémités du spectre politique (le plus souvent à l’extrême droite), semblent se renforcer dans les régions confrontées aux plus grands défis économiques et sociaux.

d • Résultats du modèle statistique à l’échelon NUTS3

Autonomie — indépendence

La victoire historique du Sinn Féin (extrême gauche, nationaliste irlandais) en Irlande du Nord, profitant de l’effondrement partiel du Democratic Unionist Party (droite radicale, unioniste) pour devenir la première force politique de la région, est un événement majeur dans la politique nord-irlandaise. Pour la première fois depuis l’indépendance formelle de la République d’Irlande en 1922, les républicains ont pu s’imposer dans cette région historiquement protestante et unioniste. Si le Sinn Féin espère capitaliser sur cette victoire et accélérer l’unification de l’île, le résultat du parti nationaliste n’est pas un plébiscite et doit être mis en perspective avec l’émergence d’un troisième parti non partisan, positionné au centre de l’échiquier politique. En obtenant 17 sièges, soit 9 de plus que lors des élections de 2017, l’Alliance entend être un pivot de la politique nord-irlandaise, mettant en avant la question du Protocole sur l’Irlande du Nord. Le protocole, qui permet la libre circulation des biens et des personnes entre le Nord et le Sud de l’île d’Irlande, est au cœur des tensions politiques dans la région. Alors que les Unionistes souhaitent dénoncer l’accord, les Nationalistes et l’Alliance tiennent à le préserver pour des raisons identitaires, culturelles et commerciales.

À l’Assemblée nationale française, les autonomistes corses de Femu a Corsica et du Partitu di a nazione corsa conservent les 3 sièges sur 4 obtenus en juin 2017. La 1ère circonscription de Corse-du-Sud reste aux mains de la droite insulaire, alliée au parti de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe. Les 3 députés autonomistes feront sans doute partie des négociations sur l’avenir institutionnel de la Corse initiées suite aux émeutes sans précédent en Corse en mars 2022, après la mort en prison de l’indépendantiste Yvan Colonna, assassiné par un codétenu. La Bretagne élit Paul Molac, candidat sous la bannière régionaliste, ancien député socialiste puis LREM, qui a quitté le groupe LREM en cours de législature 2017-2022 pour former le groupe « Liberté et Territoires » avec d’autres députés centristes et des autonomistes corses. Dans les territoires ultramarins, les partis indépendantistes tahitien et martiniquais et les régionalistes réunionnais obtiennent également des sièges, et se joignent à la coalition de gauche NUPES à l’Assemblée nationale.

En Sicile, le Mouvement pour l’autonomie, membre de la coalition de centre-droit du président Renato Schifani, maintient sa présence au parlement régional avec trois sièges, tandis que le parti régionaliste Sud chiama Nord (SCN) obtient huit sièges. Lors des élections générales italiennes, les différents courants autonomistes (en Vallée d’Aoste, au Tyrol du Sud et en Italie du Sud) ont maintenu leur influence globale dans les deux chambres du Parlement : l’Union valdôtaine (Verts/ALE) détient un siège à la Chambre, le Parti populaire du Tyrol du Sud (SVP, PPE) détient trois sièges à la Chambre et deux au Sénat, et SCN contrôle un siège dans chaque chambre.

Mouvements anti-corruption

Si les questions de corruption ont été abordées au cours de plusieurs campagnes électorales, notamment en Hongrie, en Slovénie, à Malte et en Bulgarie, il semble que ces accusations ne se soient traduites par des changements politiques concrets que dans le cas de la Slovénie.

Il existe des problèmes de corruption évidents en Hongrie, en plus des violations de l’État de droit et des déséquilibres dans le financement des campagnes électorales. Pourtant, la coalition anti-Orbán n’a pas réussi à devenir un mouvement anti-corruption crédible et a finalement perdu les élections – comme l’explique Eszter Farkas, cela peut s’expliquer, entre autres, par le fait que les partis d’opposition eux-mêmes n’ont pas été épargnés par les scandales de corruption.

En Slovénie, dont la scène politique est caractérisée par une relative instabilité politique depuis 2008, plusieurs scandales de corruption sont apparus pendant la pandémie de COVID-19, ainsi que des allégations d’ingérence dans des institutions publiques indépendantes. Ces scandales ont conduit à des manifestations anti-gouvernementales centrées sur des demandes de lutte contre la corruption, qui visaient en particulier le Premier ministre populiste sortant Janez Janša (SDS, EPP) et son cercle rapproché. Le gouvernement de Janša a distribué des chèques énergie à l’ensemble de la population deux semaines seulement avant les élections. Le challenger Robert Golob (Svoboda, RE), qui a encouragé les sentiments antigouvernementaux, a finalement été élu Premier ministre. Au cours de la campagne électorale, Golob lui-même a été accusé par ses opposants de détenir des comptes bancaires étrangers non déclarés ; ces allégations semblent toutefois avoir eu peu d’impact sur son élection. Un scénario similaire s’est déroulé lors de l’élection présidentielle, qui a conduit à l’élection de la présidente indépendante Nataša Pirc Musar.

Malte a été secouée par des scandales de corruption à grande échelle au cours des dernières années. Le mécanisme de « passeports dorés » mis en place par le pays, le meurtre de la journaliste Daphne Caruana Galizia et les révélations des Panama papers et Pandora papers ont influencé la politique nationale au cours des dernières années et ont eu un impact sur les élections de cette année. Comme en Slovénie, le gouvernement maltais a distribué des « chèques supplémentaires » et offert des réductions d’impôts dans les semaines précédant les élections. Mais le mouvement anti-corruption n’a pas réussi à capitaliser sur le mécontentement ; au contraire, il semble que la colère des citoyens se soit plutôt traduite par l’abstention, la participation ayant chuté de 7 % (de 92 % à 85 %).

En Bulgarie, où les accusations de corruption à l’encontre du Premier ministre Boyko Borisov (2009-2022) ont déclenché des manifestations massives en 2020-2021, les citoyens ont été appelés à voter pour la quatrième fois en dix-huit mois. À la suite des manifestations de 2020-2021, plusieurs nouveaux mouvements politiques avaient vu le jour, dont « Il y a un seul peuple » (ITN, populiste) dirigé par le présentateur de télévision Slavi Trifonov, et le parti libéral-centriste Continuons le Changement (PP) de Kiril Petkov et Asen Vasilev, tous deux diplômés de l’université de Harvard. Le parti d’extrême-droite pro-russe Renaissance (NI) a également gagné du terrain au cours de l’année 2022. Après un premier tour de scrutin en avril 2021, l’incapacité des différents partis politiques à négocier une coalition gouvernementale stable a conduit à la tenue d’élections anticipées en juillet et novembre 2021, ainsi qu’en octobre 2022. Les nouveaux partis anti-corruption et les anciens partis d’opposition rejettent pour la plupart la collaboration gouvernementale avec le parti GERB (PPE) de Borisov, mais sont également divisés en interne entre « russophiles » et « russophobes », ainsi que par des préférences politiques divergentes. La tenue d’une quatrième élection pendant l’année 2023 ne peut pas être exclue.

Territoires d’outre-mer

Quatre élections traitées dans ce numéro se sont tenues en partie dans des régions ultrapériphériques (RUP) et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) de l’UE : les élections présidentielles et législatives françaises se sont déroulées dans tous les territoires français d’outre-mer, les élections générales portugaises dans les RUP portugaises des Açores et de Madère, et les élections générales danoises dans le PTOM danois du Groenland.

Le résultat du vote des résidents français d’outre-mer a fortement divergé de la moyenne nationale. Au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon (FI, GUE/NGL), arrivé en troisième position, a remporté la majorité des voix dans trois RUP (Guadeloupe, Martinique, Guyane) et une majorité relative dans deux autres (Saint-Martin et Réunion), tandis qu’à Mayotte – la région de premier niveau la moins développée de l’UE -, Marine Le Pen (RN, ID) a obtenu 43 % des voix au premier tour. Contrairement à une majorité d’électeurs de gauche en France métropolitaine, et en grande partie en raison de l’insatisfaction à l’égard de la performance du président sortant après des années de tensions sociales et politiques non résolues, les électeurs d’outre-mer ont plus souvent soutenu Mme Le Pen contre M. Macron au second tour, lui donnant une majorité dans tous les PTOM. Dans deux autres PTOM situés dans l’océan Atlantique (Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélémy), des tendances similaires ont été observées, tandis que dans les PTOM du Pacifique (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna), Emmanuel Macron est arrivé en tête aux deux tours. La participation a été inférieure à la moyenne dans tous les territoires d’outre-mer, les chiffres très bas enregistrés en Nouvelle-Calédonie (35 %) reflétant largement le refus des partis indépendantistes de participer au processus électoral. Dans l’ensemble, le vote des résidents d’outre-mer a mis en évidence la déconnexion croissante entre la dynamique métropolitaine et l’opinion publique des territoires d’outre-mer, ainsi que l’insatisfaction de ces derniers vis-à-vis de l´État central.

En comparaison, le comportement électoral dans les régions autonomes des Açores et de Madère, dont le niveau d’autonomie politique est plus important que celui de leurs homologues françaises, a été moins distinctif. Dans ces deux régions, le PSD (PPE), contrairement aux autres circonscriptions du pays, s’est présenté sur une liste commune avec d’autres partis de droite. La coalition menée par le PSD l’a emporté dans la circonscription de Madère (sa seule victoire dans une circonscription portugaise), obtenant ainsi son troisième meilleur résultat à l’échelle nationale, tandis que le PS a gagné dans la circonscription des Açores. Le BE, parti d’extrême-gauche, et le Chega, parti d’extrême-droite, ont tous deux obtenu de mauvais résultats dans ces deux régions.

Tout comme dans le cas du Portugal, les résultats des élections danoises anticipées au Groenland démontrent l’autonomie relative du pays par rapport à la politique du Danemark continental. Faisant partie du Royaume du Danemark, le Groenland dispose de deux sièges au Folketing, qui compte 179 membres. Les deux sièges sont contrôlés par les deux mêmes partis depuis 2001, lesquels poursuivent un agenda de gauche indépendantiste. Le Groenland ne faisant pas partie de l’UE depuis qu’il a quitté la CEE en 1985, aucun d’entre eux n’a d’affiliation européenne, bien que Siumut (« En avant »), le parti dominant depuis l’autonomie du Groenland en 1979, siège avec les sociaux-démocrates (S&D). Dans la cohérence de leur défaite en 2021 lors des élections parlementaires groenlandaises, les nationalistes de gauche d’Inuit Ataqatigiit (« Communauté du peuple ») ont perdu des voix, terminant en deuxième position avec 24,6% (-8,8 pp). Cette perte a profité à Siumut (37,6%, +8,2 pp), qui a remporté les élections pour la première fois en 15 ans. Les Démocrates, le parti unioniste de centre-droit affilié aux sociaux-libéraux danois (RE), ont réaffirmé leur statut de principal parti unioniste et ont obtenu leur meilleur score depuis 17 ans, avec 18,5% (+7,6 pp). Comme c’était déjà le cas trois ans plus tôt, la participation électorale a continué à chuter, passant en dessous de 50 % avec 47,78 % des électeurs inscrits s’étant rendus aux urnes.

Questions européennes

Ces élections ont également été influencées par l’actualité et les développements de l’UE et, dans certains cas, leurs résultats sont susceptibles d’avoir des conséquences sur le processus décisionnel de l’UE, en particulier par l’intermédiaire du Conseil européen.

Tout d’abord, l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022 a largement monopolisé l’attention des médias, reléguant la couverture des élections nationales et régionales au second plan. Aux Pays-Bas, à Malte ou en Castille-et-León, les élections ont été moins couvertes par la presse nationale. Il est également probable que le début de la guerre ait affaibli les partis pro-russes et ceux ayant des liens étroits avec le régime de Poutine – sauf dans le cas de la Hongrie, où le Fidesz a remporté une majorité parlementaire. Les impacts de la guerre – en particulier les sanctions européennes contre la Russie, ses conséquences sur les chaînes d’approvisionnement et la situation énergétique – ont également été au cœur des débats électoraux au sein des États membres. En Hongrie, la victoire du parti Fidesz de Viktor Orbán, qui mène depuis le début de la guerre une politique d’ambiguïté stratégique à l’égard du Kremlin, a menacé l’unité européenne. En effet, si la Hongrie a accepté les cinq premiers trains de sanctions européennes contre Moscou, elle a bloqué l’adoption du sixième, qui prévoyait un embargo sur le pétrole russe. La Hongrie a finalement obtenu une exemption temporaire pour les importations de pétrole par oléoduc, ce qui lui a permis de continuer à acheter du pétrole bon marché à la Russie. Depuis, M. Orbán a rencontré le ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, à Moscou, pour discuter de l’achat de 700 millions de mètres cubes de gaz.

La résurgence de la guerre sur le territoire européen a conduit le Danemark à renoncer à sa clause d’exemption concernant la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne. Le 1er juin 2022, le référendum sur l’intégration à la PSDC a recueilli un large soutien avec 66,87 % des voix. Traditionnellement atlantistes, les Danois participent désormais pleinement à la politique étrangère de l’UE.

Au second semestre 2022, la guerre et la crise énergétique qui en découle monopolisent à nouveau les débats électoraux dans plusieurs États et régions, reléguant à nouveau les questions nationales ou régionales au second plan. En Bulgarie, les élections ont été anticipées en raison de la chute du gouvernement Petkov, due en partie à des divergences d’opinion sur le soutien à l’Ukraine. Alors que le gouvernement – en particulier les partis PP (~RE) et DB (PPE) – souhaitait soutenir les citoyens ukrainiens de manière plus affirmée, le président, Radev, était en faveur d’une aide plus modérée. De même, alors que le gouvernement a été fortement critiqué pour avoir diversifié ses sources d’approvisionnement en énergie, faisant grimper le prix de l’électricité, le gouvernement intérimaire mis en place par Radev après la convocation d’élections anticipées a tenté d’inverser les positions de la coalition en entamant des discussions avec Gazprom pour rétablir l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie.

Au-delà de la guerre russo-ukrainienne, d’autres tendances politiques de l’année 2022 présentent d’importants enjeux européens. Dans ce qui suit, nous soulignons a) la nouvelle majorité nationaliste en Irlande du Nord, b) l’élection d’une présidence pro-européenne en Bosnie-Herzégovine et c) la montée continue des partis néonationalistes et eurosceptiques dans toute l’Europe.

En Irlande du Nord, le parti nationaliste irlandais Sinn Féin est devenu pour la première fois le premier parti de l’assemblée d’Irlande du Nord avec 27 sièges, reléguant le parti unioniste démocratique (DUP) à la deuxième place avec 25 sièges. Après la démission du premier ministre du DUP, Paul Givan, en février, pour protester contre la mise en œuvre du protocole sur l’Irlande du Nord dans le cadre du processus de Brexit, son parti refuse toujours de former un nouveau gouvernement si les contrôles aux frontières ne sont pas abandonnés. Bien que les députés britanniques aient unilatéralement voté la révision du protocole en juin, cette décision fait l’objet d’une procédure d’infraction de la part de la Commission européenne, ce qui laisse le conflit sans solution. La nomination d’un nouveau Premier ministre en Irlande du Nord reste suspendue à la renégociation du protocole. À l’issue de l’année 2022, le poste de premier ministre est toujours vacant.

Ce numéro propose également une analyse spéciale consacrée aux élections présidentielles et législatives en Bosnie-Herzégovine, candidate à l’entrée dans l’Union depuis 2016, et dont le statut de candidat officiel a été approuvé par les ministres des Affaires européennes le 13 décembre 2022. L’élection de la présidence collégiale du 2 octobre 2022 a vu la victoire du Bosniaque Denis Bećirović, du Croate Željko Komšić et du Serbe Željka Cvijanović, tous trois pro-européens.

Plusieurs partis eurosceptiques, néonationalistes et populistes ont obtenu une représentation parlementaire ou gouvernementale en 2022. En Hongrie, le Fidesz a renforcé sa position, tandis que les partis d’extrême droite en Espagne et au Portugal ont vu leur part de voix augmenter. Le second semestre a également vu la montée de l’extrême droite en Italie et en Suède. En Italie, les élections législatives du 25 septembre ont été remportées par la coalition de centre-droit avec 43,82 % des voix. Les FdI (CRE) ont obtenu 119 sièges, soit 87 de plus qu’en 2018, faisant de sa dirigeante Georgia Meloni la nouvelle chef du gouvernement. Alors qu’elle se disait autrefois eurosceptique, Mme Meloni a depuis modéré ses positions afin d’élargir sa base électorale. Son parti, les FdI, continuent toutefois de prôner une politique d’immigration restrictive et un « retour » aux valeurs conservatrices en ce qui concerne les droits des LGBT et les droits reproductifs. De même, pour le renouvellement du Riksdag en Suède, si le Parti social-démocrate est arrivé en tête avec 30,33% des voix, les Démocrates de Suède (CRE), nationalistes et populistes, ont réussi à se hisser en deuxième position, en obtenant 20,54% des voix, soit 3 points de plus qu’en 2018. Le parti est ouvertement eurosceptique, islamophobe et anti-immigration. En revanche, Volt, un parti politique paneuropéen, était représenté aux élections municipales néerlandaises et aux élections législatives maltaises. Aux Pays-Bas, il n’était présent que dans quelques municipalités, tandis qu’à Malte, son résultat est apparu décevant, en partie à cause de sa position en faveur de l’avortement, qui n’est pas consensuelle sur l’île. Le parti recueille actuellement plus de 10 % des voix aux Pays-Bas et soutient officiellement la coalition du PP en Bulgarie.

Enfin, l’actualité européenne est également marquée par le plus grand scandale de corruption de l’histoire du Parlement européen. Eva Kaili, vice-présidente de l’institution, est déchue de ses fonctions après avoir été mise en examen pour corruption. Elle est soupçonnée d’avoir reçu d’importantes sommes d’argent de Doha pour « influencer les décisions politiques et économiques » du Parlement.

Les forces politiques européennes au 1er janvier 2023

La carte continentale

Notes

  1. Afin de faciliter la comparaison au sein de l’UE, tous les chiffres présentés ci-dessous excluent les élections en Irlande du Nord et en Bosnie-et-Herzégovine, ainsi que les élections locales aux Pays-Bas.
  2. Dans la figure a, les résultats de toutes les élections examinées dans ce numéro sont pondérés par le nombre de voix, à l’exclusion des scrutins en Finlande (pour lesquels il n’existe pas d’historique) ainsi qu’en France (2e tour de l’élection présidentielle et élections législatives), en Sicile (élections régionales) et au Tyrol (élections régionales), afin d’éviter les doubles comptages.
  3. À savoir : densité de population, taux de natalité, âge médian, taux de migration nette, taux de chômage, PIB par habitant (PPA), croissance du PIB par habitant (PPA), part des individus ayant un niveau d’éducation secondaire.
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François Hublet, Jean-Toussaint Battestini, Jean Cotte, Lucie Coatleven, Charlotte Kleine, Mattéo Lanoë, La synthèse continentale, Groupe d'études géopolitiques, Oct 2022,

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