Revue Européenne du Droit
Comment l'argent russe peut être utilisé pour compenser les victimes ukrainiennes
Issue #5
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Issue #5

Auteurs

Mira Naseer , Leanna Burnard

Revue éditée par le Groupe d’études géopolitiques en partenariat avec le Club des juristes

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, 18 milliards de livres sterling d’actifs appartenant à des particuliers russes ont été gelés dans le cadre du régime de sanctions contre la Russie au Royaume-Uni 1 , et 19 milliards d’euros ont été gelés par l’Union européenne 2 . Un an après le début de l’invasion, les gouvernements se demandent ce qu’il faut faire des vastes quantités de richesses ainsi gelées dans leurs juridictions 3 . Cet article explore les voies légales qui pourraient permettre la confiscation et la réaffectation des avoirs gelés au profit des victimes et des survivants de l’invasion 4 . Il examine les possibilités de réaffectation dans le contexte du droit aux réparations, qui comprend une compensation financière, inscrit dans le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire 5 .

Pendant des décennies, l’Europe a été un refuge pour le blanchiment d’argent à l’échelle mondiale 6 . Les richesses amassées par les oligarques et les kleptocrates russes ont été acheminées, par le biais de structures fiscales complexes, d’intermédiaires et de facilitateurs, vers des propriétés de luxe, des yachts, des jets privés et des comptes bancaires offshore 7 . Le conflit en cours en Ukraine et son impact dévastateur sur le peuple ukrainien ont mis cette problématique au premier plan du débat public et politique. Le peuple ukrainien a été victime d’une série de crimes internationaux, notamment d’exécutions sommaires, de bombardements aveugles, de violences sexuelles et de pillages de biens civils 8 . Le monde entier s’interroge sur la manière d’arrêter la guerre, de faire en sorte que les responsables des crimes commis répondent de leurs actes et d’accorder des réparations aux victimes 9 .  

En vertu du droit international, les victimes de violations flagrantes des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire ont droit à des réparations 10 . Pourtant, des lacunes considérables subsistent dans le dédommagement effectif des victimes. Souvent, les décisions de justice ne prévoient pas de réparations ou de dommages-intérêts adéquats pour les préjudices causés par les violations du droit international, et la mise en œuvre des décisions est inégale lorsque de telles réparations sont accordées. Dès lors, et les victimes sont largement tributaires de la générosité des donateurs et des fonds publics spéciaux, qui sont souvent sous-financés 11 .

Des sanctions ciblées, imposées à des individus et à des entités, plutôt qu’à des États ou à des secteurs économiques entiers, ont été imposées par des gouvernements du monde entier en réponse à l’invasion de l’Ukraine 12 . Elles visent à geler les actifs de la personne ou de l’entité sanctionnée dans la juridiction à l’origine de la sanction, et à empêcher la personne sanctionnée de se rendre dans cette dernière. Il est également interdit à tout ressortissant de l’État à l’origine de la sanction de d’entretenir des relations économiques ou financières avec la personne sanctionnée. L’objectif de ces mesures restrictives est de dissuader leurs cibles de continuer à commettre des violations et à les obliger à rendre des comptes pour les violations passées. Même dans les cas où un individu n’a pas d’actifs dans la juridiction qui prononce la sanction et n’a pas l’intention de s’y rendre, la condamnation de ses actions par la communauté internationale peut induire un changement de comportement.

Si les régimes de sanctions constituent une première étape importante dans l’établissement des responsabilités pour l’agression russe, ils sont loin de fournir une réparation effective aux victimes. Les avoirs gelés dans le cadre des sanctions ne peuvent actuellement pas être réaffectés à des fins de réparation. Simplement, leur utilisation par la personne sanctionnée est interdite, jusqu’à ce qu’une décision soit prise pour les débloquer ou que des droits d’usage temporaires soient accordés. En pratique, cela signifie que les avoirs peuvent rester gelés indéfiniment. La législation existante est largement inadaptée pour transférer la propriété des actifs gelés au gouvernement à l’origine de la sanction, ce qui lui permettrait de liquider ces actifs et d’en réaffecter le produit à titre de réparation. De nouvelles lois sont nécessaires pour passer du gel à la confiscation afin de résoudre le double problème d’avoirs illicites et de l’octroi de réparations effectives aux victimes et aux survivants des conflits.

1- Mécanismes actuels visant les avoirs illicites

1-1 Des sanctions ciblées

De nombreuses juridictions, dont l’UE et le Royaume-Uni, ont adopté des régimes de sanctions ciblées afin d’atteindre des objectifs spécifiques de politique étrangère ou de sécurité nationale 13 . Les régimes de sanctions sont soit thématiques, comme les régimes de sanctions Magnitsky qui sont conçues pour lutter contre les violations du droit international des droits de l’homme et la corruption, soit géographiques, comme les règlements européens sur la Russie 14 , qui ont été utilisés pour sanctionner les oligarques et d’autres personnes soutenant le régime de Poutine et la guerre.

Les sanctions ciblées sont un outil de politique étrangère plutôt qu’un mécanisme de responsabilité légale. Leur objectif principal est d’encourager un changement de comportement chez les personnes sanctionnées, plutôt que de punir les responsables. Les règlements actuels en matière de sanctions ne permettent pas la confiscation des avoirs gelés et, par conséquent, ces avoirs peuvent rester intacts dans la juridiction sanctionnée pendant des années, ce qui entraîne un gaspillage et la perte de tout bénéfice potentiel pour les victimes. Un exemple est le manoir de 9 millions de livres sterling à Londres du fils de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, qui a été saisi après qu’il ait été sanctionné par le Royaume-Uni en 2012 15 . Dix ans plus tard, la propriété tombe en ruine et les efforts déployés pour la liquider et en restituer le produit de cession au peuple libyen ont été semés d’embûches 16 . De même, en Europe continentale, les gouvernements ont du mal à faire face à l’entretien coûteux des super-yachts russes gelés 17 . Il est permis de s’interroger sur l’avenir de l’ensemble des biens de luxe russes actuellement gelés si la législation n’est pas modifiée 18 . Des mécanismes de confiscation et de réaffectation sont nécessaires pour garantir que les opportunités d’utiliser les avoirs gelés à titre de réparation pour les victimes ne soient pas gaspillées.

1-2 Mesures de confiscation des avoirs

En dehors du contexte des sanctions, certains mécanismes existants au sein de l’UE et du droit britannique permettent la confiscation des avoirs. Toutefois, leur application est limitée, ce qui les rend inopérants dans le contexte actuel.

Confiscations fondées sur des condamnations

Les confiscations fondées sur des condamnations permettent de confisquer les produits du crime à la suite d’un procès ou d’une reconnaissance de culpabilité. Lorsqu’un individu est reconnu coupable de violations des droits de l’homme, telles que la torture, les crimes contre l’humanité, le génocide et les crimes de guerre, les tribunaux peuvent ordonner des dommages-intérêts ou des confiscations qui permettent aux victimes de compenser financièrement leur préjudice, les pertes ou les dommages subis du fait de l’infraction commise. Dans ces hypothèses, les dommages-intérêts ne visent pas spécifiquement les biens ayant un lien avec l’infraction, mais l’auteur de l’infraction 19 .

Pour les condamnations pour corruption impliquant un détournement de fonds publics, le produit des actes de corruption est rapatrié dans le pays d’origine plutôt que d’être versé à titre de dédommagement aux victimes individuelles 20 . Ces affaires peuvent être compliquées, comme l’illustre le cas du vice-président de la Guinée équatoriale, Nguema Obiang. Des biens lui appartenant, d’une valeur de plus de 200 millions de dollars, ont été confisqués dans le cadre de procédures pénales en Suisse 21 , aux États-Unis 22 et en France 23 . Ces gouvernements s’interrogent sur la manière de restituer ces actifs au peuple de Guinée équatoriale, où le régime notoirement corrompu à l’origine du détournement de ces actifs est toujours au pouvoir.  Dans une situation similaire, à la suite de la condamnation de l’oncle du président syrien Bashar Al Assad pour blanchiment d’argent, les autorités françaises cherchent à liquider ses propriétés de luxe et à restituer le produit de cession aux victimes de la guerre civile en Syrie 24

Si ces mécanismes de confiscation peuvent être efficaces dans certaines hypothèses, ils soulèvent d’épineux problèmes s’agissant de l’objectif de dédommagement des victimes. Notamment, toute condamnation doit être fondée sur des preuves satisfaisant les règles applicables en droit pénal. Or, l’application des standards élevés du droit pénal est particulièrement compliquée dans des dossiers de corruption, qui nécessitent des enquêtes approfondies et compliquées, qui peuvent être chronophages et exigeantes. En outre, en cas de condamnation, tous les produits tirés de la corruption sont rapatriés, plutôt que réaffectés en tant que réparations pour les victimes 25 . Le résultat d’une telle procédure pourrait être la restitution des actifs confisqués au peuple russe, plutôt qu’aux victimes en Ukraine.

Confiscations en l’absence de condamnation

Les confiscations sans condamnation sont une voie plus efficace, puisque les exigences en matière de preuve sont moins élevées. Toutefois, dans le contexte des violations du droit international et des droits de l’homme, ces mécanismes restent limités.

Ces mesures de confiscation permettent généralement aux autorités publiques de confisquer des biens lorsque la preuve est apportée qu’ils ont été obtenus par un comportement illégal 26 . Or, cette preuve peut être difficile, notamment lorsque les faits remontent loin dans l’histoire, ou sont cachés derrière des structures financières complexes. Le Royaume-Uni a tenté de remédier à cette situation par le biais du mécanisme des injonctions pour fortune inexpliquée (‘Unexplained Wealth Orders’ ou UWO) 27 . Lorsque certaines conditions sont remplies, une UWO peut viser n’importe quel bien immobilier au Royaume-Uni, renversant la charge de la preuve pour exiger que le propriétaire apporte la preuve que le bien a été acquis de manière légitime. Si l’injonction reste lettre morte, le bien est présumé avoir été acquis de manière illégale, ce qui permet sa confiscation 28 . Cette législation ambitieuse s’est toutefois révélée largement inefficace dans la lutte contre la grande corruption. En partie, y a joué le fait que les tribunaux britanniques aient accepté d’évaluer l’origine licite ou illicite des avoirs à l’aune de la loi du pays où les actes de corruption ont eu lieu 29 . Cela signifie que les personnes qui conservent un pouvoir ou une influence dans leur pays d’origine peuvent simplement faire appel aux services de police nationaux pour confirmer que leurs revenus et avoirs ont des origines licites 30 . En outre, lorsqu’une personne ciblée fournit une explication qui est à première vue légitime, les autorités doivent réfuter l’explication dans des procédures de recouvrement civiles, où la norme de preuve est plus élevée—revenant ainsi aux problèmes que les UWO visaient à résoudre 31 . Les procédures UWO peuvent également s’avérer extrêmement coûteuses pour les autorités publiques, dont les ressources sont très limitées 32 . Compte tenu de ces difficultés, à moins que le cadre juridique des UWO ne soit profondément réformé au Royaume-Uni, ces mécanismes resteront un outil peu efficace pour lutter contre la kleptocratie.

L’Italie a adopté une approche légèrement plus souple, par le biais du code anti-mafia qui, contrairement au régime britannique, vise des personnes plutôt que des biens 33 . La législation italienne permet aux procureurs d’engager des procédures administratives de saisie et de confiscation à l’encontre de personnes impliquées dans des associations criminelles et n’exige pas que les actifs ainsi saisis soient le produit d’un comportement criminel. Les fonds confisqués peuvent ensuite être utilisés pour indemniser les victimes de crimes mafieux 34 . La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que ces mesures étaient conformes au droit de propriété 35 et au droit à un procès équitable 36 garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (‘CEDH’) 37

La Suisse a adopté une approche différente pour lutter contre la kleptocratie. La loi de 2016 sur les avoirs illicites étrangers permet de geler, de confisquer et de rapatrier dans leur pays d’origine les avoirs de fonctionnaires étrangers corrompus ou de leurs associés par le biais de procédures administratives 38 . Toutefois, cette loi ne trouve à s’appliquer que dans des circonstances très précises, dans le cadre d’un changement de régime. Elle ne peut être appliquée qu’à la suite d’une demande d’entraide judiciaire émanant du pays d’origine. Ainsi, lorsque l’auteur de l’infraction ou ses alliés restent au pouvoir, la loi suisse est essentiellement inopérante. En outre, la loi ne permet que le rapatriement des avoirs dans le pays d’origine, plutôt que la réaffectation des avoirs au profit des victimes, quel que soit le pays où elles se trouvent, ce qui limite sa capacité à fournir une réparation significative dans les situations qui ont entraîné des déplacements de population.

Si les mécanismes de confiscation existants ont pu rencontrer un certain succès dans le passé, plusieurs difficultés limitent leur efficacité dans le cas des avoirs russes gelés. Les avoirs russes acquis par corruption ont souvent été amassés au fil des décennies et injectés dans des entreprises apparemment licites, de sorte qu’il est plus facile pour les personnes sanctionnées de fournir des explications crédibles de l’origine de leur richesse, que les autorités publiques doivent ensuite réfuter pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une action civile en recouvrement 39 . Souvent, les actifs sont bien cachés derrière des structures complexes, ce qui rend difficile d’identifier si une personne sanctionnée est en fait le véritable propriétaire à des fins de confiscation 40

En outre, lorsque les mécanismes nationaux exigent que les avoirs confisqués aient une origine illicite, les violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire ne sont pas toujours incluses dans le champ des comportements visés 41 . Plus généralement, il est extrêmement difficile pour les autorités de prouver que les avoirs sont issus directement de violations des droits de l’homme, car ces richesses illicites sont souvent acquises dans un contexte plus large de corruption et d’abus.

2- Du gel à la confiscation  

Pour répondre aux limites du régime actuel, plusieurs propositions sont en cours d’élaboration afin de garantir le droit à réparation des victimes.

2-1 Extension du domaine de la législation sur les produits du crime

Le champ d’application de la législation sur les produits du crime pourrait être élargi pour permettre la confiscation des biens obtenus par des violations flagrantes des droits de l’homme, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Certaines lois existantes sont également limitées dans les types d’acteurs qu’elles visent. Par exemple, les biens des ‘membres de la famille’ des ‘personnes politiquement exposées’ peuvent être saisis dans le cadre de la loi britannique Proceed of Crimes Act 2022 42 , mais celle-ci se limite aux ‘parents, conjoints (et équivalents des conjoints), enfants et leurs conjoints’. Cette définition est trop étroite et ne reflète pas la réalité de la façon dont les personnes politiquement exposées distribuent et dissimulent leurs richesses 43

2-2 Extension du domaine de la législation sur l’évasion des sanctions

L’extension du domaine de la législation sur l’évasion des sanctions peut également fournir un fondement pour la confiscation des biens et les réparations subséquentes des victimes. L’UE a érigé en infraction pénale les violations des mesures restrictives émises à l’égard de la Russie, ce qui permet de confisquer les produits de ces violations 44 . Sur la base de cette directive, certains membres de la société civile proposent d’introduire une nouvelle obligation pour les personnes désignées de divulguer tous les actifs détenus dans la juridiction sanctionnée, et de criminaliser le défaut de divulgation en tant que forme d’évasion des sanctions. Cette obligation élargirait la portée de la conduite qui constitue une évasion des sanctions, de sorte que les avoirs gelés non divulgués pourraient être récupérés en tant que produits de cette évasion 45 .

En outre, il existe également des propositions visant à s’assurer que les produits des sanctions pécuniaires prononcées à la suite de violations des droits de l’homme et au droit humanitaire international seraient versés dans un fonds spécifiquement dédié à l’octroi de réparations aux victimes (par opposition au régime actuel, qui consiste à verses ces produits dans un fonds consolidé utilisé à des fins générales par le gouvernement à l’origine de la sanction) 46 .

Ces propositions peuvent constituer des solutions efficaces à court terme pour combler les lacunes entre le gel et la confiscation des avoirs. Bien qu’il existe une dynamique au sein de l’UE pour étendre le champ d’application de la législation sur l’évasion des sanctions, ces mesures sont également limitées car elles nécessitent une violation qualifiée des sanctions et ne ciblent donc qu’un sous-ensemble limité d’individus et d’actifs actuellement soumis à des sanctions.

2-3 Nouvelle législation : du gel à la confiscation

L’approche canadienne

En juin 2022, le Canada est devenu le premier pays à adopter un cadre législatif permettant la confiscation et la réaffectation directe des biens gelés dans le cadre de sanctions 47 . En vertu de cette loi, le produit de la liquidation des biens confisqués peut être utilisé pour indemniser les victimes, aider à la reconstruction d’un État étranger touché par une grave atteinte à la sécurité internationale ou rétablir la paix ou la sécurité internationale.

La législation canadienne est le modèle le plus ambitieux adopté à ce jour pour la réutilisation des actifs gelés. Toutefois, il n’est pas certain qu’elle réponde aux exigences de certaines juridictions en matière d’état de droit et de respect du droit de propriété. La loi prévoit certaines protections pour les personnes ciblées, notamment des recours administratifs et judiciaires. Cependant, le niveau de preuves exigés avant confiscation est bas, ce qui peut soulever des difficultés en matière de respect des droits de la défense 48

La conformité de la législation canadienne par rapport aux droits fondamentaux sera probablement bientôt mise à l’épreuve. En décembre 2022, le gouvernement canadien a annoncé qu’il allait saisir et poursuivre la confiscation de 26 millions de dollars auprès d’une société appartenant à l’oligarque russe sanctionné Roman Abramovitch. C’est la première fois que le Canada utilise ce cadre législatif pour poursuivre la confiscation et, en cas de succès, les recettes seront affectées à un fonds dédié à la reconstruction de l’Ukraine et à l’indemnisation des victimes de l’invasion 49

Une nouvelle approche de la confiscation des avoirs conforme aux droits de l’homme

Une nouvelle approche de la confiscation et de la réaffectation des avoirs gelés doit trouver un équilibre entre les aspirations à une réaffectation rapide et les exigences de la CEDH, y compris le droit à la propriété en vertu du premier article de son premier Protocole. Le droit de propriété est un droit fondamental mais il n’est pas absolu, ce qui signifie qu’il peut être mis en balance avec d’autres intérêts 50 . Dans le paysage législatif et politique actuel, la balance penche trop en faveur du droit de propriété au détriment du droit à réparation des victimes. La nouvelle approche vise à remédier à cette situation.

Traditionnellement, les législations sur les confiscations en l’absence de condamnation exigent l’établissement d’un lien entre les avoirs à confisquer et les violations alléguées, ce qui, comme nous l’avons expliqué plus haut, peut être difficile à prouver. La nouvelle approche vise à faire pencher la balance du côté des victimes en exigeant plutôt que la preuve soit apportée d’un lien entre la personne sanctionnée, les violations et les victimes qui ont droit à des réparations en vertu du droit international. Pour que ce fondement juridique puisse être invoqué sans violer la CEDH, de nombreuses garanties sont nécessaires, notamment la preuve que la personne ciblée a pris part dans les violations 51 , la possibilité de contester la procédure à chaque étape, et l’obligation pour les tribunaux d’évaluer si la confiscation est proportionnée, conformément aux normes de la CEDH 52

Une fois les biens confisqués, un administrateur nommé par le gouvernement aurait le pouvoir d’administrer les fonds et de veiller à ce qu’ils soient remis aux victimes des violations à titre de réparations.

Cette nouvelle approche vise à obtenir des réparations pour les victimes des violations les plus graves du droit international d’une manière qui respecte également les droits de la personne ciblée, tout en visant à la dissuader et à la responsabiliser. 

3- Des mécanismes visant à garantir une réaffectation efficace des biens confisqués

L’établissement d’un fondement juridique pour la confiscation des avoirs gelés est la première étape de ce domaine juridique en plein essor. Une fois que les avoirs gelés ont été saisis, les juridictions doivent s’attaquer à la question de savoir comment distribuer efficacement les fonds aux victimes et aux survivants.

L’un des premiers défis de la conception des programmes de réparation est de déterminer qui est éligible au programme, c’est-à-dire de définir le groupe de victimes. Les programmes de réparation risquent d’exclure des groupes du bénéfice des prestations si les critères d’éligibilité, qui reposent souvent sur les catégories de violations donnant lieu au ‘statut de victime’, sont définis de manière étroite 53 . Ainsi, la participation des victimes dès le départ est essentielle pour garantir qu’un programme de réparation soit inclusif et efficace 54

La jurisprudence des tribunaux internationaux et régionaux peut fournir des indications sur les mécanismes appropriés pour la mise en œuvre des réparations. En effet, il existe une jurisprudence en matière de définition du préjudice pris en compte, d’établissement du lien de causalité entre l’infraction et le préjudice causé, et de calcul des dommages-intérêts dus aux victimes. Il est essentiel que les victimes elles-mêmes puissent participer à la définition de ces éléments dans toutes les procédures 55 . Lorsque les fonds disponibles sont insuffisants pour fournir des réparations à toutes les victimes, les États peuvent envisager des dons volontaires pour combler le manque de réparations.

Une autre considération essentielle est de savoir si les réparations seront accordées sur une base individuelle ou collective. Alors que les réparations individuelles répondent aux préjudices subis par des victimes individuelles, les réparations collectives se concentrent sur l’octroi de bénéfices à des groupes de victimes partageant une certaine identité ou expérience commune, ou ont fait l’objet d’infractions semblables 56 . Les réparations collectives peuvent concerner, par exemple, l’aspect sexiste de violations individuelles, ou des violations affectant l’ensemble de la population d’une région. Les réparations collectives sont préférables dans les situations où il est difficile d’établir une distinction nette entre les victimes et les non-victimes, ou lorsque la capacité à mettre en œuvre des réparations individuelles est limitée. En même temps, cependant, les victimes individuelles peuvent y résister parce qu’elles ne répondent pas à la nature souvent intime et individuelle des violations des droits de l’homme et des souffrances qui leur sont propres. Il est également possible que les réparations collectives soient utilisées à des fins politiques et que les programmes de réparation soient confondus avec les politiques de développement auxquelles les communautés bénéficiaires ont déjà droit.

Ceci étant dit, dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, les mécanismes de réparation existants, en particulier les fonds dédiés, peuvent servir de modèles pour la remise des biens confisqués aux victimes du conflit.  Le Fonds au profit des victimes de la CPI collecte actuellement des fonds par le biais de contributions volontaires des États parties et est conçu pour bénéficier aux victimes de crimes relevant de la compétence de la Cour 57 . Les contributions peuvent être affectées à des situations spécifiques. Le Global Survivor’s Fund, une organisation issue de la société civile qui vise à améliorer l’accès aux réparations pour les survivants de violences sexuelles liées aux conflits, a actuellement un accord avec le gouvernement ukrainien pour mettre en œuvre un programme de réparations pour les survivants ukrainiens de violences sexuelles pendant le conflit 58 . Les juridictions ayant procédé à des confiscations pourraient déposer les fonds provenant des actifs liquidés dans des fonds dédiés de bonne réputation afin de garantir que les réparations soient effectuées par les personnes disposant de l’expertise nécessaire.

Conclusion

À l’heure actuelle, l’Europe a une opportunité unique de mobiliser les vastes quantités de richesses russes illicites qui sont gelées dans les rues de Londres, dans les baies de l’Europe du Sud et dans les institutions financières du continent, afin de réparer les préjudices subis par les victimes de l’invasion russe en Ukraine. Les États devraient utiliser tous les outils juridiques disponibles pour y parvenir. L’élaboration d’une nouvelle législation pour encadrer les confiscations permettrait une réparation effective des victimes de l’invasion. Toutefois, pour que ces nouvelles approches soient couronnées de succès, elles doivent être conformes aux droits de l’homme et les États doivent veiller à ce que le régime des réparations soit effectivement axé sur les besoins des victimes.

Notes

  1. Chiffres au 20 octobre 2022 issus du rapport annuel OFSI, page 7 : https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1116689/OFSI_Annual_Review_2021-22_10.11.22.pdf.
  2. Chiffres au 30 novembre 2022, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_22_7311.
  3. Voir par exemple, https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/6930/text; https://www.canada.ca/en/global-affairs/news/2022/12/canada-starts-first-process-to-seize-and-pursue-the-forfeiture-of-assets-of-sanctioned-russian-oligarch.html. Voir aussi, https://news.un.org/en/story/2022/11/1130587.
  4. Cet article porte spécifiquement sur l’argent appartenant à des particuliers, provenant de violations des droits de l’homme ou de la corruption, et non sur l’argent ou les biens de l’État. Sur cette dernière question, voir les contributions dans ce numéro de Régis Bismuth et Anton Moiseienko.
  5. Article 8 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (‘DUDH’) ; Article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; Article 6 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Article 24 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; Article 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; Article 75 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale; Article 3 de la Convention (IV) de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ; et la Règle 150 du droit international humanitaire coutumier du CICR.
  6. A. B. Guardia, ‘The world’s dirty money by the numbers’, Politico, 19 mai 2020 (https://www.politico.eu/article/the-world-dirty-money-by-the-numbers/).
  7. ‘Why is London so attractive to tainted foreign money?’, The Economist, 7 mai 2022 (https://www.economist.com/britain/why-is-london-so-attractive-to-tainted-foreign-money/21809124); ‘Western nations face a challenge seizing property from Russian oligarchs’, France 24, 7 mars 2022 (https://www.france24.com/en/europe/20220307-western-nations-face-a-challenge-seizing-property-from-russian-oligarchs); ‘UK is ‘top destination’ for Russians looking to hide dirty money in property’, OpenDemocracy, 25 février 2022 (https://www.opendemocracy.net/en/dark-money-investigations/uk-top-destination-for-russians-to-hide-dirty-money-in-property/).
  8. ‘Ukraine: Apparent War Crimes in Russia-Controlled Areas’, Human Rights Watch, 3 avril 2022 (https://www.hrw.org/news/2022/04/03/ukraine-apparent-war-crimes-russia-controlled-areas).
  9. Résolution AG NU A/RES/ES-11/5.
  10. Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire, Article VII (https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/basic-principles-and-guidelines-right-remedy-and-reparation).
  11. Par exemple, des sentences d’environ 300 millions de dollars ont été prononcées en faveur de victimes de tortures et d’autres abus perpétrés par le régime d’Hissène Habré au Tchad. Pourtant, à ce jour, ces victimes n’ont reçu aucune de ces sommes. De même, une sentence de plus de 2 milliards de dollars en faveur de 10.000 victimes du régime de l’ancien président philippin Ferdinand Marcos n’a pas encore été honorée par la succession de Marcos. Voir REDRESS Framework for Financial Accountability, page 5 (available at: https://redress.org/wp-content/uploads/2021/03/Financial-Accountability-for-Torture.pdf).
  12. https://www.gov.uk/government/collections/uk-sanctions-on-russia; https://www.consilium.europa.eu/en/policies/sanctions/restrictive-measures-against-russia-over-ukraine/; https://home.treasury.gov/policy-issues/financial-sanctions/sanctions-programs-and-country-information/ukraine-russia-related-sanctions; https://www.international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/response_conflict-reponse_conflits/crisis-crises/ukraine-sanctions.aspx?lang=eng#:~:text=Canada%20is%20imposing%20sanctions%20against%206%20entities%20involved%20in%20gross,Ukraine%20and%20anti%2Ddemocratic%20policies.; https://www.dfat.gov.au/international-relations/security/sanctions/sanctions-regimes/russia-sanctions-regime#:~:text=Australia%20imposes%20autonomous%20sanctions%20in,extended%20in%202015%20and%202022.
  13. Par exemple, l’objectif du régime de sanctions ciblées de l’UE liées à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine est « d’imposer à la Russie de lourdes conséquences pour ses actions et de contrer efficacement les capacités de la Russie à poursuivre l’agression ». Voir https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-russia-over-ukraine/sanctions-against-russia-explained/. L’objectif du régime anglais dit Global Human Rights Sanctions Regime est de « dissuader et de responsabiliser » les auteurs de certaines violations des droits de l’homme. Voir GHRS Regulations (2020), Section 4(1), https://www.legislation.gov.uk/uksi/2020/680/regulation/4.
  14. The UK Russia (Sanctions) (EU Exit) Regulations 2019, https://www.legislation.gov.uk/uksi/2019/855/contents.
  15. ‘£10m house in expensive London suburb recovered by Libya’, Global Witness (https://www.globalwitness.org/en/archive/10m-house-expensive-london-suburb-recovered-libya/).
  16. Paul Peachey, ‘Libya’s rotting London mansion and the mystery of the missing Qaddafi billions’, The National News, 1 février 2022 (https://www.thenationalnews.com/world/uk-news/2022/02/01/libyas-rotting-mansion-and-the-mystery-of-the-60bn-qaddafi-fortune/).
  17. Stephen Beard, ‘Floating liabilities: Western authorities grapple with the cost of seizing oligarchs’ superyachts’, Marketplace, 19 mai 2022 (https://www.marketplace.org/2022/05/19/floating-liabilities-western-authorities-grapple-with-the-cost-of-seizing-oligarchs-superyachts/).
  18. Jack Sidders, ‘Top London Properties Owned By Russian Oligarchs Are Frozen in Time’, Bloomberg, 30 novembre 2022, (https://www.bloomberg.com/graphics/2022-sanctioned-properties-in-london/).
  19. Par exemple, au Royaume-Uni, les décisions d’indemnisation sont autorisées en vertu de la section 130 du Powers of Criminal Courts (Sentencing Act) 2000/ chapitre 2 du Sentencing Act, et les décisions de confiscation sont autorisées en vertu de la section 6 du Proceeds of Crime Act 2002 (loi sur les produits du crime).
  20. Conformément à l’article 57 de la Convention des Nations Unies contre la corruption.
  21. Agence France Presse, ‘Swiss to auction 25 supercars seized from son of Equatorial Guinea dictator’ The Guardian, 29 septembre 2019 (https://www.theguardian.com/world/2019/sep/29/swiss-to-auction-25-supercars-seized-from-son-of-equatorial-guinea-dictator); ‘Geneva closes graft case against Obiang’s son, confiscates 25 luxury cars’, Reuters, 7 février 2019 (https://www.reuters.com/article/us-equatorial-swiss-court-idUSKCN1PW2K2).
  22. US Department of Justice, ‘$26.6 Million In Allegedly Illicit Proceeds to Be Used To Fight COVID-19 and Address Medical Needs in Equatorial Guinea’, 20 septembre 2021 (https://www.justice.gov/opa/pr/266-million-allegedly-illicit-proceeds-be-used-fight-covid-19-and-address-medical-needs).
  23. ‘France: Equatorial Guinea Vice President’s Conviction Upheld’, Human Rights Watch, 28 juillet 2021 (https://www.hrw.org/news/2021/07/28/france-equatorial-guinea-vice-presidents-conviction-upheld); ‘France Adopts New Provision for Returning Stolen Assets and Proceeds of Crime: A Step Forward With Room for Improvement’, Transparence International, 3 mars 2021 (https://www.transparency.org/en/press/france-adopts-new-provision-for-returning-stolen-assets-and-proceeds-of-crime-a-step-forward-with-room-for-improvement); Sara Brimbeuf, ‘The ill-gotten gains of corruption: a possible French model for restitution’, Medium, 27 avril 2021 (https://medium.com/u4-anti-corruption-resource-centre/ill-gotten-gains-of-corruption-french-model-restitution-932a7452baaa).
  24. Paul Peachey et Sunniva Rose, ‘Frozen, the disputed European property empire of Rifaat Al Assad’, The National News, 23 novembre 2021 (https://www.thenationalnews.com/world/uk-news/2021/11/23/frozen-the-disputed-european-property-empire-of-rifaat-al-assad/).
  25. Pour plus d’informations sur les réparations en droit international, voir par exemple, UN CAT General Comment No 3, https://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/docs/gc/cat-c-gc-3_en.pdf.
  26. Voir, par exemple, la partie 5 de la loi britannique de 2002 sur les produits de la criminalité (Proceeds of Crimes Act 2002). Les articles 73 et suivants du code pénal allemand autorisent la confiscation d’actifs dans certains cas, même si le propriétaire n’a pas été condamné pour une infraction sous-jacente, s’il existe des preuves suffisantes pour démontrer que les actifs sont liés à une activité criminelle.  Voir également le titre 18 U.S.C. chapitre 46 sur les procédures de confiscation civile aux États-Unis.
  27. Criminal Finances Act (Loi sur le financement de la criminalité) 2017.
  28. Criminal Finances Act 2017, https://ace.globalintegrity.org/wp-content/uploads/2022/03/CriminalityNotwithstanding.pdf.
  29. Criminal Finances Act 2017. La section 362B.6(c) précise qu’un revenu est « obtenu légalement » s’il est obtenu légalement en vertu des lois du pays d’où provient le revenu.
  30. NCA v. Baker (Voir les commentaires de Justice Lang dans le jugement, para 77, https://www.judiciary.uk/wp-content/uploads/2020/04/Approved-Judgment-NCA-vBaker-Ors.pdf. Voir page 45 et note 215 s’agissant de l’absence d’indépendance des procureurs du Kazakhstan) ; https://ace.globalintegrity.org/wp-content/uploads/2022/03/CriminalityNotwithstanding.pdf, 19.
  31. Tom Mayne et John Heathershaw, ‘Criminality Notwithstanding. The Use of Unexplained Wealth Orders in Anti-corruption Cases’, ACE Power Briefs, mars 2022 (avahttps://ace.globalintegrity.org/wp-content/uploads/2022/03/CriminalityNotwithstanding.pdf), 20-21.
  32. Idem 23; Sean O’Neill, ‘£1.5m legal bill forces rethink over McMafia wealth orders’, 13 juillet 2020 (https://www.thetimes.co.uk/article/1-5m-legal-bill-forces-rethink-over-mcmafia-wealth-orders-x02gc8s23).
  33. Loi 159/2011 (Code anti-mafia).
  34. REDRESS, ‘Briefing: Comparative Laws for Confiscating and Repurposing Russian Oligarch Assets’ (https://redress.org/wp-content/uploads/2022/09/Briefing-on-Comparative-Laws.pdf).
  35. Article 1, Protocole 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.
  36. Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
  37. La Cour a spécifiquement noté que l’ingérence dans le droit de propriété est proportionnée aux buts légitimes poursuivis, que les États disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’ils traitent des problèmes qui affectent l’intérêt public, et que les procédures prévues par la loi respectent le droit de la défense d’être entendue et de faire appel. Raimondo c. Italie, CEDH (12954/87), 22 février 1994, Arcuri et autres c. Italie, CEDH (52024/99), 5 juillet 2001. Voir aussi, REDRESS, ‘Briefing: Comparative Laws for Confiscating and Repurposing Russian Oligarch Assets’.
  38. Open-ended Intergovernmental Working Group on Asset Recovery, ‘Foreign Illicit Assets Act (FIAA) of 18 December 2015’, 16 August 2016 (https://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/WorkingGroups/workinggroup2/2016-August-25-26/V1605154e.pdf).
  39. Tom Mayne et John Heathershaw, op. cit., pages 20-21; Maria Nizzero, ‘From Freeze to Seize: Dealing with Oligarchs’ Assets in the UK’, Rusi, 13 avril 2022 (https://rusi.org/explore-our-research/publications/commentary/freeze-seize-dealing-oligarchs-assets-uk).
  40. Robert Smith et al., ‘‘Not my yacht’ — how murky structures cloud ownership of oligarch toys’, Financial Times, 5 avril 2022 (https://www.ft.com/content/2a5abdec-1bd1-4a5c-99a6-5aa1fc722d1b).
  41. Voir par exemple la partie 5 de la loi de 2002 sur les produits du crime (Proceeds of Crimes Act 2002), section 241A ‘abus ou violation flagrante des droits de l’homme’, qui prévoit que les dispositions relatives à la confiscation ne sont applicables que dans des circonstances très étroites d’abus des droits de l’homme.
  42. Section 362B(7)-(8)(b) de la loi de 2002 sur les produits du crime, par référence à l’article 3 de la directive 2015/849/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2014.
  43. Par exemple, le Royaume-Uni a sanctionné la « belle-fille » du ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov, qui possède un appartement de luxe à Londres d’une valeur de 4 millions de livres sterling. Toutefois, en vertu des dispositions actuelles de la loi, ces biens ne seraient pas soumis aux mesures de confiscation prévues par la loi. Will Taylor, ‘Lavrov’s stepdaughter Polina Kovaleva among new Russian sanctions’, Leading Britain’s Conversation, 24 mars 2022 (available at: https://www.lbc.co.uk/news/lavrov-stepdaughter-sanctioned-london/).
  44. Commission européenne, ‘Confiscation and asset recovery’ (https://home-affairs.ec.europa.eu/policies/internal-security/organised-crime-and-human-trafficking/confiscation-and-asset-recovery_en); Anna Pingen, ‘Commission Proposes Directive on Asset Recovery and Confiscation’, Eucrim, 27 juillet 2022 (https://eucrim.eu/news/commission-proposes-directive-on-asset-recovery-and-confiscation/#:~:text=With%20the%20proposed%20directive%20on,crime%20groups%20can%20be%20covered).
  45. Tom Keatinge et Maria Nizzero, ‘From Freeze to Seize: Creativity and Nuance is Needed’, Rusi, 7 juin 2022 (https://rusi.org/explore-our-research/publications/commentary/freeze-seize-creativity-and-nuance-needed); Maria Nizzero, ‘From Freeze to Seize: How the UK Can Break the Deadlock on Asset Recovery’, Rusi, 10 octobre 2022 (https://rusi.org/explore-our-research/publications/commentary/freeze-seize-how-uk-can-break-deadlock-asset-recovery); Maria Nizzero, ‘Sanctioned oligarchs should have to list their UK assets’, The Times, 23 février 2023 (https://www.thetimes.co.uk/article/sanctioned-oligarchs-should-have-to-list-their-uk-assets-lqprkw3fs).
  46. Hogan Lovells, ‘Finance for Restorative Justice. Using sanctions and terrorist financing legislation to fund reparations for victims of sexual violence in conflict’, janvier 2020 (https://www.hoganlovells.com/-/media/hogan-lovells/pdf/2020-pdfs/2020_01_29_rethinking-reparations-report.pdf).
  47. Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures. Cette loi modifie la loi de 1992 sur les mesures économiques spéciales (SEMA) et la loi de 2017 sur la justice pour les victimes de la corruption d’agents étrangers (loi Magnitsky) en créant de nouveaux pouvoirs pour confisquer et vendre des biens appartenant à des personnes et des entités figurant sur la liste des sanctions imposées par le Canada. Voir  https://www.parl.ca/legisinfo/en/bill/44-1/c-19.
  48. REDRESS, op. cit.
  49. Gouvernement du Canada, ‘Le Canada entame le premier processus pour bloquer et confisquer les biens d’un oligarque russe sanctionné’ (https://www.canada.ca/fr/affaires-mondiales/nouvelles/2022/12/le-canada-entame-le-premier-processus-pour-bloquer-et-confisquer-les-biens-dun-oligarque-russe-sanctionne.html).
  50. L’article 1 du protocole 1(2) précise: ‘Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes.’ Ainsi, le texte de l’article 1 du protocole 1 lui-même permet aux États de limiter ce droit fondamental lorsque cette restriction est nécessaire à la réalisation d’un intérêt public légitime.
  51. La notion de « participation » devrait être définie de manière plus étroite que dans la plupart des législations relatives aux sanctions, afin d’inclure, par exemple, les personnes qui sont responsables des violations ou qui y participent, qui facilitent les violations, qui fournissent sciemment des services financiers, des fonds, des ressources économiques, des biens ou des technologies qui contribueront ou pourraient contribuer aux violations, qui profitent ou bénéficient sciemment des violations ou qui ont intentionnellement manqué à leur responsabilité d’enquêter sur les violations ou de les poursuivre en justice.
  52. Par exemple, à la suite des attentats terroristes du 11 septembre aux États-Unis, de nombreuses personnes ont été désignées dans le cadre de régimes de sanctions liés au terrorisme sur la base de preuves extrêmement limitées. Dans ce contexte, les experts ont mis en garde contre le fait de « sacrifier les libertés individuelles et les droits de l’homme à un sentiment de sécurité ». Voir ‘Leiden professor petitions UN to release Guantanamo prisoner’, 23 août 2021 (https://www.universiteitleiden.nl/en/news/2021/08/leiden-professor-petitions-un-to-release-guantanamo-prisoner); voir aussi Helen Duffy, Dignity Denied: The Abu Zubaydah Case Study, Human Dignity and Human Security in Times of Terrorism, avril 2020 (https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3562402). Pour que les modèles de réaffectation des actifs soient efficaces et conformes aux droits de l’homme, ils doivent être conformes à la CEDH, quel que soit le contexte politique dans lequel ils sont déployés.
  53. Office of the UN High Commissioner for Human Rights, ‘Rule-of-Law Tools for Post-Conflict States. Reparations programmes’, 2008 (https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Publications/ReparationsProgrammes.pdf), 15-16; voir aussi International Center for Transitional Justice, ‘From Principles to Practice. Challenges of Implementing Reparations for Massive Violations in Colombia’, octobre 2015 (https://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ_Report_ColombiaReparationsChallenges_2015.pdf), 3-4.
  54. Les formulaires de demande de réparations et les registres de victimes constituent une partie importante du processus d’identification, de vérification et d’enregistrement des personnes ayant droit à des réparations. Pour plus de détails, voir : https://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ_Guide_ReparationsForms_2017_Full.pdf.
  55. Amicus Curiae Brief (intervention volontaire), The Prosecutor v. Dominic Ongwen (https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/CourtRecords/CR2022_00811.PDF).
  56. Lisa Magarrell, Reparations in Theory and Practice (International Center for Transitional Justice 2007) 5-6.
  57. Cour pénale internationale, ‘Le Fonds au profit des victimes, août 2008 (https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/NR/rdonlyres/E582AE21-D718-4798-97ED-C6C9F0D9B42D/0/TFV_Background_Summary_Eng.pdf).
  58. Global Survivors Fund, ‘Ukraine Sets a World Precedent: Moving forward on holistic care and urgent interim reparation for survivors of CRSV’, 28 octobre 2022 (https://www.globalsurvivorsfund.org/media/ukraine-sets-a-world-precedent-moving-forward-on-holistic-care-and-urgent-interim-reparation-for-survivors-of-crsv).
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Mira Naseer, Leanna Burnard, Comment l’argent russe peut être utilisé pour compenser les victimes ukrainiennes, Groupe d'études géopolitiques, Juin 2023,

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