Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élections parlementaires dans la Communauté de Madrid, 4 mai 2021
Issue #1
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Issue #1

Auteurs

Francisco Cabezuelo

21x29,7cm - 107 pages Issue #1, Septembre 2021 24,00€

Élections en Europe : décembre 2020 – mai 2021

Les élections régionales du 4 mai 2021 dans la Communauté autonome de Madrid, une région autonome espagnole monoprovinciale, capitale politique et économique du pays, ont été le grand événement politique de cette saison en Espagne. La victoire incontestée de la candidate du Parti populaire, Isabel Díaz Ayuso (Madrid, 1978), marque un nouveau changement de cycle tant à Madrid que dans la politique espagnole.

La candidature d’Ayuso a réussi à obtenir plus de sièges que les trois partis de gauche réunis (PSOE, UP, et Más Madrid) . Sa stratégie d’opposition constante aux politiques du gouvernement espagnol, présidé par le socialiste Pedro Sánchez Pérez-Castejón (Madrid, 1972), a été approuvée par l’électorat madrilène, ce qui a constitué un sérieux revers pour le gouvernement national. Le gouvernement socialiste a trouvé en Madrid et sa présidente sortant une région rebelle au leadership inattendu, dans une année de pandémie, de controverses et d’affrontements constants entre les exécutifs nationaux et régionaux.

Le taux de participation a atteint 76,25 % ; sur 4 783 263 électeurs et électrices inscrits, 3 644 577 sont allés voter, alors même que les élections avaient eu lieu un mardi, jour ouvrable, contrairement à la tradition des élections dominicales. Le scrutin s’est du reste déroulé dans le cadre de l’état d’alerte, dans un contexte de fortes restrictions de mobilité et des mesures sanitaires importantes. Le vote par correspondance s’est développé plus que jamais, et le taux de participation élevé a sans aucun doute été l’une des principales caractéristiques de ces élections. Il est intéressant de noter que c’était la première fois que trois hommes et trois femmes se présentaient, représentant toutes les options politiques possibles.

Les candidats

Isabel Díaz Ayuso, du Partido Popular, a remporté ces élections. Sa candidature, véritable phénomène politique, a agité l’opinion publique à l’intérieur comme à l’extérieur de Madrid, à tel point que le Centro de Investigaciones Sociológicas (CIS) vient de l’inclure dans le baromètre du CIS pour le mois de mai. Cette décision d’inclure Díaz Ayuso dans la liste des prétendants potentiels à la présidence du gouvernement central la place dans la même catégorie que le président du Partido Popular, Pablo Casado Blanco (Palencia, 1981). Il s’agit d’un fait exceptionnel car la CIS n’a pas l’habitude d’inclure les dirigeants régionaux dans cette liste. Ayuso, adepte des réseaux sociaux et de la communication numérique, journaliste experte et diplômée de la faculté des sciences de l’information de l’université Complutense de Madrid, a manifestement vu juste dans sa stratégie d’apparitions publiques et de déclarations à la presse.

Mónica García Gómez (Madrid, 1974) a dirigé la liste de gauche et écologiste Más Madrid, et est devenue, grâce aux résultats des élections du 4 mai, la chef de l’opposition et la tête de la gauche. Anesthésiste dans le système de santé publique, elle a mené les protestations des professionnels de la santé contre les politiques de santé de l’exécutif régional et était largement inconnue du grand public. Cependant, elle a réussi à battre le candidat socialiste, précédent vainqueur des élections. Más Madrid a créé la surprise face à un Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en chute libre, qui a perdu le leadership de l’opposition.

Ángel Gabilondo Pujol (San Sebastián, 1949), du PSOE, avait remporté les élections régionales de 2019, échouant à obtenir la présidence en raison du pacte entre les partis de droite (PP et Ciudadanos). Cependant, en 2021, il a signé le pire résultat de l’histoire des socialistes lors d’une élection à Madrid. L’homme politique d’origine basque a été recteur de l’Université autonome de Madrid et ministre de l’Éducation entre 2009 et 2011 dans le deuxième gouvernement du président José Luis Rodríguez Zapatero. Juste avant la convocation anticipée des élections, la presse madrilène a spéculé sur le retrait de Gabilondo de la vie politique, en raison de son âge, ou sur la possibilité qu’il soit élu par le Congrès des députés au poste de médiateur, un poste institutionnel pour lequel il a fait consensus en raison de ses dispositions, de son profil et de sa trajectoire.

L’un des protagonistes incontestés de la campagne a été la candidate Rocío Monasterio San Martín (Madrid, 1974), architecte et femme politique ayant de forts liens familiaux avec l’exil cubain, et leader de la formation Vox dans la Communauté de Madrid. Vox, formation la plus à droite de tout le spectre politique espagnol, d’idéologie nationaliste marquée, présente selon certains analystes des similitudes avec la Lega de Matteo Salvini ou le Rassemblement national de Marine Le Pen.

Malgré les attentes suscitées par l’annonce de sa candidature, Pablo Iglesias Turrión, leader de Unidas Podemos (Madrid, 1978) a été, malgré l’augmentation du score de son parti de 5,6% en 2019 à 7,2% en 2021, l’un des grands perdants de ces élections. Iglesias a annoncé au soir même de l’élection qu’il n’occuperait pas son siège à l’Assemblée de Madrid, et a annoncé publiquement son intention de se retirer de la vie politique. Il a dirigé la liste de gauche Unidas Podemos, qui a elle-même rassemblé différents courants et mouvements. Après les élections, Iglesias a quitté toutes ses responsabilités et a appelé au renouvellement de la direction de son parti. Iglesias, dans une décision surprenante et inédite, avait décidé de quitter son poste au sein de l’exécutif central en tant que deuxième vice-président du gouvernement et ministre des Droits sociaux et de l’Agenda 2030, pour descendre dans l’arène politique régionale, avec le désir frustré d’être le seul candidat à rassembler toutes les forces de gauche.

Edmundo Bal Francés (Huelva, 1967), de Ciudadanos (C’s) a été le grand perdant des élections régionales, son parti ayant littéralement disparu de la scène politique. En n’atteignant pas le minimum légal de cinq pour cent des voix, sa formation est passée de 26 sièges (629 940 voix) en 2019 à ne pas obtenir de sièges en n’obtenant que 129 216 voix, soit 3,57 %. Admirateur déclaré du président français Emmanuel Macron, ce prestigieux juriste avocat d’État, né en Andalousie, était un autre des candidats qui sont descendus de la politique nationale à la politique régionale, mais n’a pas réussi à avoir un impact sur l’électorat ou à arrêter l’hémorragie de voix de sa formation, qui faisait partie d’un gouvernement de coalition avec Diaz Ayuso depuis 2019. Les controverses et même les contradictions entre les membres de l’exécutif autonome des deux formations ont été constantes au cours des deux dernières années.

L’organisation d’élections anticipées à Madrid avait été motivée par la décision de Ciudadanos de mettre fin au gouvernement qu’il partageait avec le PP dans la Région de Murcie, décision suite à laquelle Ayuso, craignant un scénario similaire dans la capitale, a pris un décret de dissolution de l’assemblée régionale et a avancé les élections, qui auraient dû être en 2023.

Messages principaux et anecdotes pendant la campagne

La campagne a été marquée par des tensions, des polémiques, dans une confrontation dure entre plusieurs candidats. Lors d’un rassemblement de Vox dans la banlieue populaire de Vallecas, la formation de Rocío Monasterio a subi plusieurs agressions physiques et verbales. Il a été découvert dans la dernière ligne droite de la campagne que le personnel de sécurité de Podemos était impliqué dans ces actions violentes.

D’autre part, les services de sécurité ont localisé plusieurs colis contenant des menaces, des couteaux, des messages violents, des ciseaux et des objets tranchants qui étaient adressés à Pablo Iglesias (UP), à l’ancien président José Luis Rodríguez Zapatero (PSOE), à l’actuel ministre de l’intérieur, Fernando Grande Marlaska (PSOE) et même à Isabel Díaz Ayuso (PP) elle-même.

Un autre des moments forts de la campagne a été la forte confrontation lors d’un débat radiophonique sur Cadena SER, la principale station de radio privée d’Espagne, entre Pablo Iglesias et Rocío Monasterio. Le leader de Podemos a quitté le débat après une violente dispute. Il a été accompagné dans sa décision de quitter le débat par Mónica García et Ángel Gabilondo. Curieusement, ni Ayuso ni aucun représentant du Parti populaire n’avait décidé de participer à ce débat, ce qui a contribué à générer une image plus institutionnelle, plus propre et moins trouble du leader du PP.
Ayuso, qui n’avait pas remporté les élections précédentes et dont la candidature inattendue et la nomination sans primaires de l’appareil du parti était une option très discutée, est devenue en deux ans une tête d’affiche de la droite et une référence pour ses homologues des autres régions. Lors de ces élections, elle a su mobiliser et convaincre un électorat jeune et urbain avec ses messages basés sur la liberté de mouvement, la fin des restrictions, les idées libérales, et un slogan initial controversé « Communisme ou liberté » qui a fini par n’être imprimé sur les affiches que sous le nom de « Liberté ».

Les résultats

Le Parti populaire a remporté 44,73 % des voix lors de ces élections de 2021, contre 22,33 % en 2019, passant de 719 852 voix il y a deux ans à 1 620 213 aujourd’hui, ce qui se traduit par un saut de 30 à 65 sièges, doublant ainsi les voix et les sièges. La victoire d’Ayuso, absorbant les votes du centre et de la droite, a constitué un coup dur pour la gauche madrilène, consacrant par ailleurs la disparition du seul parti, Ciudadanos, qui se revendiquait libéral et/ou du centre. L’union des partis de gauche n’a pas su détrôner le Partido Popular. La candidature d’Ayuso a gagné dans 176 des 179 municipalités qui composent la région. Les socialistes n’ont gagné que dans les villes de Fuentidueña del Tajo et El Atazar. À titre anecdotique, dans la ville d’El Atazar, qui ne compte que 112 électeurs, les dernières élections municipales s’étaient conclues par une égalité arithmétique totale entre le Parti populaire, Ciudadanos et Vox, d’une part, et le Parti socialiste et Podemos d’autre part, conduisant à l’élection du maire par tirage au sort, la gauche remportant finalement la mairie.

La différence entre le Parti populaire et la liste arrivée en deuxième position est de plus d’un million de voix. Le principal parti d’opposition est désormais Más Madrid, qui est passé de 475 672 voix (14,69 %) à 614 660 voix. De son côté, le Parti socialiste historique est passé de 27,31 % des voix (37 sièges) lors des précédentes élections à 16,85 %, passant de 884 218 voix en 2019 à 610 190 en 2021. Unidas Podemos a également subi une défaite ; son chef, Pablo Iglesias, assume sa proximité avec le Français Jean-Luc Mélenchon, le Grec Alexis Tsipras et la Portugaise Caterina Martins, et n’a jamais caché ses sympathies pour le régime vénézuélien d’Hugo Chavez puis de Nicolas Maduro.
Il est intéressant de noter qu’Ayuso n’est pas la seule candidate de droite à améliorer ses positions. L’autre parti conservateur, Vox, a réussi à augmenter ses votes de 287 667 (8,88 %) à 330 660 (9,13 %), passant de 12 à 13 députés et maintenant sa position de quatrième force politique au parlement régional.

Le Parti populaire a réussi à mobiliser l’ensemble de son électorat, mais aussi d’anciens abstentionnistes, d’anciens électeurs socialistes, d’anciens fidèles de Ciudadanos et des néo-électeurs. Au-delà des chiffres, les élections madrilènes de ce printemps se sont traduites par l’abandon de la vie politique de deux des candidats perdants issus de la gauche. Le départ de Gabilondo (PSOE) était prévisible en raison de son âge, mais le plus surprenant a sans aucun doute été celui d’Iglesias (UP), qui a également abandonné le poste de secrétaire général de Podemos qu’il occupait depuis 2014.

La victoire d’Isabel Díaz Ayuso, devenue la nouvelle référente de la droite espagnole, est lourde de conséquences pour la gauche, dont les forces conjuguées n’ont pas su déloger le Parti populaire à Madrid. En outre, sa victoire montre l’opposition des Madrilènes à la politique de Pedro Sánchez et de ses partenaires au gouvernement de La Moncloa.

Les données

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Francisco Cabezuelo, Élections parlementaires dans la Communauté de Madrid, 4 mai 2021, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2021, 70-73.

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