Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élections parlementaires en Bade-Wurtemberg, 14 mars 2021
Issue #1
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Issue #1

Auteurs

Oliver Drewes

21x29,7cm - 107 pages Issue #1, Septembre 2021 24,00€

Élections en Europe : décembre 2020 – mai 2021

Introduction et contexte

L’année 2021 comporte plusieurs élections importantes au calendrier en Allemagne. Ainsi, non seulement les élections fédérales auront lieu en septembre, mais cinq élections régionales seront également organisées. La Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg ont donné le coup d’envoi en mars dernier. Les résultats de ces deux États de l’Ouest seront scrutés de manière particulièrement détaillée en cette « super-année électorale » : en effet, dans la perspective de ces élections fédérales, les élections au niveau des Länder sont généralement considérées comme un indicateur des tendances politiques générales. C’est pourquoi les résultats des élections au niveau des Länder dans le Bade-Wurtemberg sont également examinés ci-après sous l’angle de leur signification pour les élections fédérales.

Afin de mieux comprendre le résultat de ce scrutin, il convient d’accorder une attention particulière à deux circonstances : d’une part l’importance de la troisième candidature du ministre-président sortant Winfried Kretschmann (Bündnis90/Die Grünen, Verts/ALE) et, d’autre part, les caractéristiques du système électoral du Bade-Wurtemberg.
Kretschmann est ministre-président depuis 2011. Il a d’abord dirigé une coalition verte-rouge avec les sociaux-démocrates (2011 à 2016), puis la première coalition verte-noire avec l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU, PPE) au niveau régional (2016 à 2021). La popularité durablement élevée de Kretschmann a joué un rôle important dans la capacité du gouvernement sortant vert-noir à se maintenir au pouvoir, une focalisation sur les candidats atténuant quelque peu l’importance de la compétition entre les partis. Dans le même temps, la pandémie de Covid-19 a avantagé les partis détenant des postes exécutifs, car l’attention politique dans les moments de crise se porte davantage sur les partis au pouvoir que sur les formations d’opposition.

Tant la confiance envers Kretschmann en tant que ministre-président (entre 67 % et 84 % depuis 2016) que la satisfaction générale élevée à l’égard du travail du gouvernement du Land (entre 60 % et 70 %) sont remarquablement élevées par rapport aux autres Länder d’Allemagne (Infratest dimap, 2021a). Cette popularité et cette satisfaction ont rendu la tâche des concurrents de Kretschmann pendant la campagne électorale très difficile; aucun d’entre eux ne représentait une véritable menace pour le ministre-président sortant. Dans une comparaison directe, 65% des personnes interrogées auraient voté directement pour Kretschmann comme ministre-président peu avant l’élection, contre seulement 17% pour Susanne Eisenmann (CDU) (ibid.). Selon une comparaison des qualités des deux principaux candidats, Kretschmann était perçu comme nettement plus sympathique et crédible, et une plus grande expertise lui était attribuée (Forschungsgruppe Wahlen, 2021a). Étant donné cet écart important, la CDU a commis une erreur stratégique en menant une campagne électorale axée sur la personnalité de sa candidate plutôt que sur le fond (Brettschneider, 2021). En outre, la campagne électorale a été difficile pour la CDU, obligée de mener campagne contre son propre partenaire de coalition : dans son rôle de partenaire junior d’une coalition, il lui était difficile d’attaquer la performance d’un gouvernement dont elle était coresponsable. L’importance des acteurs politiques du Bade-Wurtemberg et de leurs décisions est corroborée par le fait que 63% des personnes interrogées ont déclaré qu’ils avaient voté pour la politique du Land plus que pour la politique fédérale (Forschungsgruppe Wahlen, 2021b). Dans ce contexte, la progression des Verts (INSA, 2021) observée au même moment à l’échelle nationale ne doit donc pas être interprétée comme un facteur déterminant pour ces élections régionales — il en va de même pour la CDU.

Outre la grande popularité de Kretschmann, le système électoral du Bade-Wurtemberg présente une particularité qu’il convient de souligner : contrairement au mode d’élection habituel avec un premier et un deuxième vote, qui permet d’élire d’abord des candidats directs dans chaque circonscription puis des candidats issus des listes électorales des partis, dans le Bade-Wurtemberg, une seule voix est exprimée 1 , qui mène à l’élection d’une personne désignée par un parti (ou d’une personne sans parti). Il n’existe pas de listes communes à l’échelle de l’État, ce qui signifie que l’élection à une voix est à la fois une élection proportionnelle et personnelle, où chaque candidat doit se présenter dans une circonscription. Cela rend plus difficile une analyse différenciée du succès des programmes d’une part et des personnalités des différents partis d’autre part, et déplace le centre de l’analyse vers les performances des partis et de leurs principaux représentants.

Résultats et changements dans les résultats des élections

Les résultats des élections de 2021 n’ont montré que des changements mineurs pour la plupart des partis par rapport à l’élection de 2016. Si les Verts ont progressé de 2,3 points et le Parti démocratique libre (FDP, RE) de 2,2 points — ces deux partis étant considérés comme les grands gagnants de l’élection —, la CDU a subi des pertes à hauteur de 2,9 points, le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD, S&D) de 1,7 points et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, ID) de 5,4 points (voir « les données » à la fin de cet article). Pour l’AfD, qui s’effondre à 9,7%, ce résultat constitue une défaite majeure qui voit le parti perdre un tiers des électeurs qui l’avaient porté au Landtag pour la première fois en 2016. Alors que la CDU a admis sa défaite, l’AfD a eu plus de difficultés à faire de même, mettant en avant les circonstances difficiles de la campagne électorale. Le Parti de Gauche (Die Linke, GUE/NGL) a progressé légèrement de 0,7 points pour atteindre un total de 3,6 %, mais a manqué une nouvelle fois l’entrée au parlement de l’État. Les Électeurs libres (Freie Wähler, RE) ont également réussi à gagner 2,9 %, mais, avec 3 %, ils n’ont pas non plus réussi à franchir la barre des cinq pour cent nécessaire à entrer au parlement du Land. En amont de l’élection, la Klimaliste Baden-Württemberg avait suscité l’attention, en faisant campagne pour une politique climatique plus complète et plus intensive que celle que les Verts s’efforcent de mettre en œuvre. Quoique la Klimaliste n’ait obtenu que 0,9 % des voix, ces votes ont été gagnés principalement aux dépens des Verts, dont la capacité à obtenir des mandats a ainsi été diminuée, bien que dans une faible mesure.

Par rapport à l’élection de 2016, le taux de participation a chuté de 70,4 % à 63,8 %, ce qui équivaut à 4 894 500 votes (Statistisches Landesamt Baden-Württemberg, 2021). La baisse du taux de participation a un impact particulièrement négatif sur l’AfD, car environ 16,6 % (ce qui équivaut à environ 135 000 votes) de ses électeurs de 2016 ne se sont pas présentés aux urnes cette année, alors que, dans le même temps, le parti réussissait à peine à gagner de nouveaux électeurs (Intratest-dimap, 2021b). De même, la CDU a vu 165 000 de ses anciens électeurs s’abstenir et 145 000 se reporter sur les Verts, qui ont à leur tour amélioré leur résultat en gagnant des voix principalement de la CDU, des non-votants (105 000), du SPD (115 000) et des nouveaux électeurs (90 000) (ibid.).

Une analyse des données électorales mettant l’accent sur les écarts à la moyenne observés dans les différentes communes permet de mieux comprendre les déterminants géographiques de la dynamique positive des partis de centre-gauche. Une grande partie des déviations (56%) par rapport au résultat moyen peut être attribuée à une augmentation des votes pour les Verts et le SPD principalement dans les zones urbaines, s’accompagnant d’une diminution des votes pour la CDU et l’AfD dans ces zones (figure a). En revanche, 20 % des déviations peuvent être expliquées par une augmentation des votes pour l’AfD, le SPD et le FDP et une diminution des votes pour les Verts et la CDU, en particulier dans les zones rurales du Nord du Land (figure b).

Tendances sur le fond

L’évaluation des tendances programmatiques lors des dernières élections nationales et régionales doit tenir compte du contexte de la pandémie de Covid-19. La situation de crise, qui a entraîné des restrictions considérables de la vie publique et, dans certains cas, des droits fondamentaux, et qui a suscité des inquiétudes existentielles chez de nombreuses personnes, a éclipsé le reste des thématiques. Certes, la campagne électorale n’a pas tourné exclusivement autour des questions sanitaires. Néanmoins, la situation de crise a fait que l’attention politique s’est focalisée sur la lutte contre la pandémie, mettant en valuer l’action du gouvernement du Land et, plus précisément, du ministre-président Kretschmann. En même temps, les partis d’opposition ont eu du mal à mener la campagne électorale, la situation de crise détournant d’eux l’attention médiatique ; ils n’ont guère pu mener une campagne électorale classique avec des événements en présentiel, des dialogues avec les citoyens, etc. La forte visibilité obtenue par le gouvernement du Land en période de crise et le nombre relativement faible d’occasions de mener une campagne électorale classique atténuent quelque peu la portée de l’analyse des tendances de fond.

Lorsqu’on évalue les questions perçues comme étant les plus importantes en dehors de la pandémie, il est remarquable que la question de l’environnement et du climat se soit vue attribuer une priorité aussi élevée (19%) que celle de l’économie (22%) (Infratest-dimap 2021c). Ainsi, la dynamique de crise de la pandémie n’empêche pas la prise de conscience des enjeux à plus long terme du changement climatique. La troisième question la plus importante mentionnée était la justice sociale (16%), suivie par l’éducation et les écoles (15%) (ibid.). La capacité du gouvernement de Kretschmann à susciter une large approbation de son traitement de ces questions tient probablement à son style de gouvernement largement non idéologique et pragmatique ainsi qu’à sa proximité avec la population, plutôt inhabituelle pour les politiciens verts.

Une indication que la CDU pourrait bientôt regagner de la force peut se lire dans les compétences reconnues par les citoyens aux différents partis. Bien que d’autres facteurs que la seule attribution de compétences déterminent les chances de succès d’une formation politique, la reconnaissance de compétences dans certains domaines (et dans le plus grand nombre possible de ces domaines) est une condition nécessaire du succès électoral; il convient donc de s’y intéresser de plus près. Dans le Bade-Wurtemberg, par exemple, la CDU est considérée comme ayant un niveau de compétence similaire à celui des Verts dans les domaines politiques importants que sont l’éducation, l’économie, les transports et la politique face au Covid, voire un niveau légèrement supérieur dans le cas de la politique économique (figure c, Forschungsgruppe Wahlen, 2021b). Le seul domaine dans lequel les Verts sont considérés comme ayant un niveau de compétence sensiblement plus élevé est la politique environnementale et climatique, ce qui montre que la CDU a la possibilité de regagner de la confiance et du soutien dans une majorité de domaines politiques — du moins tant que ces domaines politiques continuent à ne pas être éclipsés par l’ombre de la politique environnementale et climatique, à laquelle la société accorde une grande priorité.

c • Compétences attribuées aux partis en Bade-Wurtemberg

Tendances géographiques

Lorsqu’on compare les résultats des élections dans les différentes circonscriptions, plusieurs constats s’imposent. Le fait que l’AfD trouve moins de soutien dans les zones urbaines que dans les régions rurales est évident dans cette élection régionale, tout comme le fait que les villes universitaires sont celles où le soutien pour le parti est le plus faible. Ce constat n’est pas surprenant, mais il n’est pas propre à l’AfD : lorsqu’on compare la situation de la formation de droite radicale à celle de la CDU, elle aussi plus faible dans les zones urbaines que dans les zones rurales, on remarque que la différence de succès entre les zones rurales et urbaines est encore plus importante pour les conservateurs que pour l’AfD (figures d-e). Alors que la CDU et l’AfD sont les seuls partis dont le taux d’approbation est plus fort dans les zones rurales que dans les zones urbaines, la tendance inverse est évidente pour les Verts et le SPD (figures f-g). Le Parti de Gauche présente également une pente positive, mais à un niveau si bas qu’il manque encore l’entrée au Landtag. Le FDP, en revanche, est élu avec une fréquence pratiquement inchangée dans les zones rurales et urbaines.

Pour les Verts, on observe une augmentation du soutien dans les zones urbaines (en particulier les villes universitaires), mais l’écart est assez large (figure f) et lorsqu’on examine les résultats au sein des circonscriptions, il apparaît clairement que les Verts ont obtenu des taux d’approbation particulièrement élevés dans toutes les circonscriptions urbaines, mais aussi, dans une large mesure, dans les zones rurales du sud-ouest du Bade-Wurtemberg, régions frontalières de la France et de la Suisse (figure h). Si cette élection régionale confirme que les Verts sont plus forts dans les régions urbaines, elle montre également que les Verts peuvent certainement conquérir également certaines régions rurales — une indication qu’il importe de garder en mémoire dans la perspective de la prochaine élection fédérale.

La CDU, qui avait gouverné le Land depuis 1953 avant que les Verts n’en prennent le contrôle il y a dix ans et parviennent à s’y maintenir, reste leur principal concurrent ; elle peut se prévaloir à la fois de son succès dans de nombreuses circonscriptions importantes qu’elle a remportées, mais aussi de résultats stables dans les circonscriptions de l’est et du nord-est limitrophes de la Bavière (figure i). Les Verts ont remporté 58 et la CDU 12 des 70 circonscriptions électorales. Le fait que le SPD ait pu gagner tout au plus des municipalités individuelles, mais pas de circonscriptions, est le plus souvent expliqué par le fait qu’il lui manque l’ancrage traditionnel d’un milieu ouvrier syndiqué (Debus, 2017:20). Cettte analyse en terme de conditions socio-structurelles défavorables à un succès à long terme du SPD renvoie, au plan théorique, à une approche microsociologique de l’évaluation du résultat des élections.

Formation de coalitions

S’agissant de l’évaluation des possibilités de coalition, des spéculations étaient apparues à l’approche des élections concernant la possibilité d’une coalition menée par les Verts avec le SPD, parti politiquement et idéologiquement plus proche des Verts que de la CDU et pour lequel une coopération progressiste ne semblait théoriquement pas inintéressante. L’élection n’a cependant donné à une hypothétique coalition des Verts et du SPD qu’exactement 50% des sièges, un seul siège manquant venant contrecarrer cette possibilité de coalition (voir « les données »). Ainsi, les seules options disponibles étaient le maintien de la coalition vert-noir ou une alliance inédite dite « de feux de signalisation » entre les Verts, le SPD et le FDP. Dans la période précédant l’élection, Winfried Kretschmann n’a pas précisé avec qui il préférerait s’associer pour former une coalition gouvernementale. Le FDP ainsi que le SPD se sont déclarés à l’avance ouverts pour une coalition « de feux de signalisation ». Après un débat interne controversé, les Verts ont finalement décidé de n’envisager que des alliances avec un seul partenaire de coalition, et non deux. Ce choix peut également être dû au fait que la coalition vert-noir a pu gouverner ensemble de manière largement stable et sans heurts. Ainsi, lors d’un sondage préélectoral, 44 % des personnes interrogées estimaient que le maintien de la coalition actuelle serait une bonne chose, tandis que 33 % s’y opposaient. En revanche, une coalition « de feu de signalisation » était jugée négativement par 51 % des personnes interrogées, et positivement par 28 % seulement (Forschungsgruppe Wahlen, 2021b).Si l’on examine la nouvelle coalition vert-noir d’un point de vue théorique, quatre facteurs issus de la théorie des coalitions peuvent expliquer la formation du gouvernement actuel :

  • La maximisation du pouvoir politique sur la base du résultat électoral (en voix et en sièges) 2 ;
  • Le positionnement factuel-politique 3 ;
  • Les facteurs institutionnels et contextuels 4 ;
  • Les déclarations négatives ou positives des partis au sujet des coalitions 5 .

Le premier facteur entre en jeu dans l’explication du maintien de la coalition sortante, car la formation d’un gouvernement à partir de deux partis au lieu de trois permet de maximiser l’occupation des postes politiques. Le deuxième facteur correspond au désir des partis de limiter l’ampleur des compromis nécessaires entre les partenaires. À cet égard, la coalition des Verts avec la CDU n’est pas directement évidente, mais les clivages potentiels avaient déjà été identifiés lors du le travail gouvernemental mené par la coalition sortante, de sorte que ce facteur a joué un rôle négatif moindre qu’attendu dans le reconduction du gouvernement. En témoigne par exemple une déclaration des Verts selon laquelle il serait plus facile d’obtenir une plus grande protection du climat avec la CDU que dans le cadre d’une coalition « de feux de signalisation ». Le contexte d’une expérience gouvernementale partagée et son fonctionnement bien rodé correspondent au troisième facteur qui explique cette formation de coalition. Un facteur contextuel supplémentaire à ce stade est que les Verts sont sortis vainqueurs des élections et la CDU perdante, ce qui a renforcé la hiérarchie existante entre les Verts, parti dirigeant la coalition, et la CDU, son partenaire junior. Dans une coalition « de feux de signalisation », cette position forte des Verts en tant que leader de la coalition en coopération avec le SPD et le FDP aurait été nettement moins forte, car le FDP, second vainqueur des élections, aurait pu faire valoir ses exigences de manière plus affirmée, ce qui aurait souligné le plus grand fossé idéologique entre les partis. Enfin, la campagne électorale entre les Verts et la CDU, qui n’a pas été particulièrement vive, correspond au quatrième facteur, qui indiquait déjà qu’une poursuite de la coalition était non seulement possible mais aussi probable.

Influence de l’élection sur la politique fédérale et la campagne électorale fédérale de 2021

Les événements politiques dans les Länder présentent un intérêt double dans le cadre de l’analyse de la politique fédérale. D’une part, les élections au niveau des États fournissent dans une certaine mesure un aperçu de l’atmosphère politique générale au niveau fédéral (Eith, 2008:118), mettant en valeur les tendances électorales dominantes ; d’autre part, le niveau régional peut servir de champ d’expérimentation pour certaines options de coalition jusque-là inédites au niveau fédéral. Ce dernier point est particulièrement pertinent, car le gouvernement vert-noir en Bade-Wurtemberg et le gouvernement noir-vert en Hesse fournissent des données empiriques dans la perspective d’une éventuelle coalition entre les Verts et la CDU au sein du gouvernement fédéral. Même si d’autres modèles de coalition sont possibles, les expériences du Bade-Wurtemberg et de la Hesse joueront un rôle important pour les Verts et la CDU.

La bonne performance des Verts dans le Bade-Wurtemberg, troisième plus grand état d’Allemagne (à la fois en termes de superficie et de population), place le parti en bonne position au début de cette « super-année électorale ». S’il est peu probable que le parti puisse égaler les résultats du Bade-Wurtemberg au niveau fédéral, le résultat témoigne néanmoins de sa capacité à s’imposer, et devrait donc lui donner un certain élan dans la campagne des élections fédérales. Une différence essentielle entre l’électorat des Verts dans le Bade-Wurtemberg et leur électorat à l’échelle nationale est que la distribution par âge de l’électorat des Verts dans le Bade-Wurtemberg est assez équilibrée, alors qu’au niveau fédéral, ce sont surtout les jeunes qui votent pour les Verts (Forschungsgruppe Wahlen, 2021b:2 ; Infratest dimap, 2019). La base de soutien dont profitent les Verts du Bade-Wurtemberg de la part des électeurs plus âgés n’est pas généralisable au niveau fédéral. Une autre différence importante est que les deux principaux candidats, Winfried Kretschmann et Annalena Baerbock (qui est également candidate à la chancellerie), n’ont pas le même pouvoir d’attraction sur l’électorat. Alors que Kretschmann faisait la publicité de la continuité (« Vous me connaissez »), Baerbock s’axe sur la transformation et le changement politique. Candidate beaucoup plus jeune, elle représente également une politique plus dynamique que celle de Kretschmann. Annalena Baerbock pourrait toutefois profiter de cette différence si elle combine ses revendications politiques transformatrices avec une référence à la stabilité d’un gouvernement d’État vert et à la prospérité économique du Bade-Wurtemberg (Statistisches Landesamt Baden-Würrtemberg, 2020), désamorçant ainsi le scepticisme conservateur structurel de certains électeurs à son égard.

Si le résultat des élections donne de l’élan aux Verts, il représente également le premier obstacle dans la campagne électorale fédérale de la CDU, qui, avec des performances relativement faibles, commence l’année sur une note négative. Cependant, le résultat de la CDU doit également être contextualisé, du fait notamment du mécontentement concernant la gestion de la crise par le gouvernement fédéral dans la pandémie de Covid-19, très présent au moment de l’élection. De même, les scandales de corruption touchant certains membres de la CDU au Bundestag, critiqués pour des affaires au moins moralement répréhensibles autour d’équipements médicaux, de revenus annexes douteux et d’accords avec l’Azerbaïdjan, auront quelque peu nui à la CDU dans le Bade-Wurtemberg à la fin de la campagne électorale.

Pour l’AfD, les pertes importantes subies au début de cette « super année électorale » dans l’une de ses rares régions fortes de l’ouest de l’Allemagne est symptomatique de sa situation actuelle. Non seulement l’AfD du Bade-Wurtemberg avait attiré l’attention depuis 2016 avec des conflits internes sur les orientations de fond, mais cette guerre intestine est également de plus en plus visible au sein du parti fédéral. Au cours de sa première législature au parlement du Land de Bade-Wurtemberg, la faction de l’AfD a dû faire face à des démissions, des scandales liés à des affaires de dons et des expulsions, ce qui pourrait bien expliquer ses mauvais résultats et, en même temps, indiquer une potentielle source de difficultés lors de la campagne électorale fédérale qui vient de commencer. Malgré ces difficultés et son incapacité à marquer des points sur le plan politique lors de cette élection, l’AfD semble avoir développé un noyau dur d’électeurs qui reste largement stable quel que soit le contexte (Politico, 2021). Si l’AfD s’est stabilisée au Bade-Wurtemberg à un niveau moyen, elle peut compter sur un électorat nettement plus important dans les Länder de l’Est, ce qui lui donne un poids considérable lorsqu’il s’agit de former une coalition gouvernementale (sans elle).

Pour le FDP et le Parti de gauche, l’élection en Bade-Wurtemberg n’a guère d’implications fédérales majeures. Il était peu probable que la gauche y remporte des sièges, et le FDP, dont la présence au niveau des Länder est généralement plus discrète, n’a pas modifié sa position par rapport à 2017.

Bibliographie

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Les données

Notes

  1. Voir Constitution du Land de Bade-Wurtemberg, art. 28 § 1.
  2. Un exemple typique est fourni par van Deemen (1989).
  3. Voir Schalepse (1996), p. 261 sqq.
  4. Voir Martin, Stevenson (2021).
  5. Voir Debus (2009).
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Oliver Drewes, Élections parlementaires en Bade-Wurtemberg, 14 mars 2021, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2021, 40-46.

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