Élections régionales en Pays-de-la-Loire, 20-27 juin 2021
Christophe Batardy
Ingénieur d’études du Ministère français de la CultureIssue
Issue #2Auteurs
Christophe Batardy21x29,7cm - 167 pages Numéro 2, Mars 2022 24,00€
Élections en Europe : juin 2021 – novembre 2021
Les dernières élections régionales ont eu lieu les 20 et 27 juin 2021. Elles devaient se tenir au mois de mars mais furent reportées en raison de la crise sanitaire. Comme pour les scrutins précédents, cette élection pour la désignation des conseillers régionaux a lieu le même jour pour toutes les régions (contrairement à ce qui se passe en Allemagne par exemple). Les électeurs et les électrices des départements de la Loire Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Sarthe, de la Vendée, et de la Mayenne sont appelés à cette occasion à élire le même nombre de conseillers régionaux qu’en 2015, soit 93. Comme depuis 2004 ces élections ont lieu dans le cadre d’un scrutin proportionnel de liste à deux tours avec une prime accordée à la liste majoritaire.
Il faut souligner la nouveauté de ce scrutin. Les élections régionales se déroulent en même temps que les élections départementales ce qui n’avait pas été le cas en 2015 (élections départementales en mars et régionales en décembre). Durant la campagne électorale, la place médiatique prise par le scrutin régional éclipse les enjeux du scrutin départemental alors que les compétences des départements en matière sociale (RSA) et éducatives (les collèges) sont essentielles. Le jour de l’élection, dans les lieux de vote, les assesseurs sont contraints d’informer les électrices et les électeurs qu’ils doivent passer dans le bureau de vote d’à côté pour l’élection des conseillers territoriaux après avoir voté pour le scrutin régional. Les résultats des élections départementales sont à peine commentés le soir de l’élection.
Une forte abstention
Ces élections ont lieu dans un contexte social particulier qui est celui de la deuxième année de la crise sanitaire. Le premier tour du scrutin est surtout marqué, comme partout en France, par une très forte abstention de près de 70 %. Le second tour ne connaîtra pas de regain de mobilisation importante avec une abstention qui baisse seulement à 68 %. Aucune des listes présentes au second tour ne profite particulièrement de ce léger regain de la participation (aucune corrélation statistique à l’échelle communale).
L’abstention observée est largement supérieure à celle de 2015 (50 %). Elle est même plus importante encore si elle est comparée avec celle de 2004 — 38 % — année qui avait vu la victoire de la gauche pour la première fois dans la région avec la victoire du socialiste Jacques Auxiette.
Phénomène par ailleurs marquant, alors que l’ouest de la France était depuis plusieurs années plutôt épargné par les fortes abstentions comparativement à d’autres territoires, en 2021, la région des Pays de la Loire connait pour cette élection une abstention supérieure à la moyenne nationale (65 % en moyenne au second tour en France contre 68 % en Pays de la Loire).
Les résultats par liste
Pour ce premier tour, en Pays de la Loire, les électeurs avaient à choisir entre 8 listes. La géographie électorale des résultats à l’échelle communale montre des oppositions assez marquées entre des territoires et (ou) des départements. La mise en perspective, via la cartographie, des résultats dans les aires urbaines ou en dehors a vocation à localiser des résultats mais n’a pas pour objectif d’expliquer les différences en essentialisant le territoire comme variable explicative. C’est en effet, d’une part à l’échelle des bureaux de vote, et d’autre part via une mise en relation avec des variables socio-économiques (sexe, âge, classe sociale, etc.) que l’on pourrait commencer à tenter d’expliquer les résultats.
C’est la liste « Liste de la majorité régionale, union de la droite, du centre et de la société civile » menée par la Présidente de région sortante — Christelle Morançais (LR) — qui arrive en tête avec 34 % des exprimés (10 % des inscrits). Christelle Morançais et ses colistièr.e.s axent leur campagne sur le thème de la sécurité alors même que ce n’est pas une prérogative de la Région. Dans le programme de la liste est annoncée la volonté de s’opposer aux autres candidats qui soutiennent « l’occupation illégale de sites par des zadistes ultra-violent »
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. Si l’écologie est un thème qui est fortement mis en avant il est précisé que cela ne sera pas une « écologie punitive et décroissante »
Les plus hauts scores de la liste sont obtenus à l’est de la Vendée et dans le département de la Sarthe. Les électrices et les électeurs s des communes des aires urbaines votent moins que dans les autres communes en faveur de cette liste, exception faite pour l’aire urbaine de la Roche-sur-Yon.
La liste menée par l’écologiste Mathieu Orphelin (EELV), « L’Ecologie ensemble, solidaire & citoyenne» réunie EELV (Europe Ecologie les Verts) et la France Insoumise (FI). Cette alliance est l’une des seules où elle se produit en France. Parmi les engagements pris par les candidats de la liste l’écologie est un thème central en s’engageant par exemple pour 50 % d’alimentation bio dans les lycées. Si la sécurité est un des engagements pris, celle-ci passe par exemple par une plus grande présence humaine dans les lycées alors que la liste de Christelle Morançais prône plutôt le développement de lycées « sécurisés » via des caméras, et des portails de sécurité.
La liste arrive en seconde position avec 18,7 des exprimés (5,7 % des inscrits). Elle obtient ses meilleurs scores en Loire Atlantique et dans le Maine et Loire, dans les communes de l’aire urbaine de Nantes et d’Angers.
La liste de gauche « Le Printemps des Pays de la Loire », menée par le socialiste Guillaume Garot soutenu par le PS et le PCF arrive en troisième position avec 16 % des exprimés (4,8 % des inscrits). Durant la campagne celui-ci ne met pas en avant le thème de la sécurité. Parmi les douze premières mesures qu’il prendrait s’il était élu figurent en bonne place la question des transports et des décrocheurs scolaires dans les lycées (Bertholom 2021). Guillaume Garot est maire de Laval et député de la première circonscription de Mayenne. C’est dans ce département que les électeurs se prononcent le plus en faveur de cette liste.
La liste d’extrême droite du « Rassemblement National » menée par Hervé Juvin, député européen, arrive en quatrième position avec 3,7 % des inscrits (12,5 % des exprimés). Le candidat annonce soutenir les associations qui s’opposent au développement de l’éolien et se propose, même si cela ne fait pas partie des prérogatives de la Région, d’aider les collectivités dans la lutte contre l’insécurité. Le résultat à l’issue du premier tour est bien plus faible que celui obtenu en 2015 avec 21,3 % des exprimés. La cartographie à l’échelle communale montre que le RN obtient ses meilleurs scores en Sarthe – dans les mêmes communes que la liste du Centre et de la Droite- au Sud -Ouest du Maine-et-Loire et dans les communes du littoral de Vendée. A l’inverse les électeurs des aires urbaines accordent peu leur suffrage à cette liste.
Second tour
C’est la liste menée par Christelle Morançais qui arrive en tête au second tour avec 46 % des voix (exprimés). La Présidente de Région sortante, obtient un score en % des exprimés supérieur à celui obtenu par Bruno Retailleau qui menait alors la liste de droite. Même si la liste n’obtient pas la majorité des exprimés, la prime accordée à la liste arrivée en tête assure à la Droite et au Centre avec 57 sièges, une majorité confortable.
Entre les deux tours la liste menée par le socialiste Guillaume Garot fusionne avec celle de Matthieu Orphelin. Le PS et le PCF se rallient ainsi à EELV et FI. Avec un score de 34 % des exprimés cette liste d’Union de la gauche et des écologistes obtient le score cumulé des deux listes du premier tour. Cette fusion ne parvient pas à provoquer une dynamique électorale en sa faveur. C’est donc un résultat décevant si l’on prend en considération les spectre politique représenté sur la liste.
La liste de François de Rugy « Liste de la majorité présidentielle » soutenue par la République en marche » se maintient au second tour. Le score obtenu au premier tour avec 12 % des exprimés était déjà une déception. Avec seulement 8 % au second tour le résultat sonne comme un échec cuisant. Le député LREM, ne parvient pas à ancrer le parti de la majorité parlementaire dans l’espace électoral régional. L’ancien Ministre de l’Ecologie est relégué au rôle d’opposant. La République en Marche n’est pas parvenue à proposer une voie médiane, une alternative centriste en Pays de la Loire.
A l’échelle communale, l’opposition entre d’une part l’Union du centre et de la Droite et le RN et d’autre part la Gauche et les Ecologistes structure le paysage électoral
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. La cartographie des résultats de la « Liste de la majorité régionale, union de la droite, du centre et de la société civile » et celle pour le RN, montrent des similitudes en terme de force et faiblesse. A contrario la liste de Gauche obtient ses meilleurs scores dans les aires urbaines. Au risque de se répéter, si cette opposition structure la géographie électorale cela vrai à cette à cette échelle d’analyse ? D’autres oppositions auraient pu être mises à jour si l’analyse avait été effectuée à l’échelle des bureaux de vote. Si Nantes apparait comme une commune de gauche, des oppositions importantes pourraient être mises en évidence entre bureaux de vote comme en 2017 à l’occasion de l’élection Présidentielle (Batardy 2018).
Conclusion
La Droite est reconduite à la tête de la Région. L’échec de la République en marche, pour son premier scrutin régional, et celui du Rassemblement national sont un désaveu pour ces deux organisations politiques. Ce scrutin est aussi une déception pour les écologistes qui espéraient gagner la région. La dualité droite vs gauche et écologistes reste l’opposition majeure qui structure le paysage électoral ligérien à l’échelle communale. Mais à gauche de l’échiquier politique, le PS n’est plus hégémonique. Au-delà de ces quelques remarques, il reste à revenir sur l’abstention massive en Pays-de-la-Loire comme dans toutes les autres régions. Ce refus de voter des inscrit.e.s auquel il faudrait ajouter la non inscription sur les listes électorales est le phénomène politique majeur. Le retour aux urnes des citoyens est un défi à relever par l’ensemble de la société sous peine de mettre en péril nos institutions.
Références
Batardy, C. (2018). Analyse du premier tour de l’élection présidentielle de 2017 en Loire-Atlantique. Cahiers Nantais, 1-2, 2018. En ligne.
Bertholom, R. (2021, 15 juin). Régionales. Les douze premières mesures de Guillaume Garot s’il est élu président. Ouest-France.
Notes
- Voir le programme de la liste menée par Christelle Morançais.
- Voir le site de campagne de la liste. Cela se retrouve à travers dans les résultats d’une analyse en composante principale :
1er axe (34 % de la variance) : opposition droite RN vs gauche.
2e axe : (25 % de la variance) : union du centre vs autres listes.
citer l'article
Christophe Batardy, Élections régionales en Pays-de-la-Loire, 20-27 juin 2021, Groupe d'études géopolitiques, Mar 2022, 48-53.