Promesses et Périls de l'Europe
Signe Rehling Larsen
Enseignante-chercheuse en droit, Magdalen College, Université d'Oxford.Issue
Issue #3Auteurs
Signe Rehling LarsenLa Revue européenne du droit, décembre 2021, n°3
Les chemins de la puissance européenne
Depuis le traité de Rome de 1957, l’Union européenne s’est engagée à créer une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens ». Souvent présenté par la presse eurosceptique comme un engagement univoque en faveur d’une plus grande intégration, cet objectif constitutionnel fondamental de l’Union européenne est en réalité équivoque. D’une part, l’engagement implique l’expression claire d’un souhait d’union de la part des parties contractantes, de rassemblement des peuples européens dans une nouvelle entité politique européenne. Mais, d’autre part, il semble qu’il y ait des limites au degré d’unité que l’Union européenne est censée créer : l’union se fait entre les peuples d’Europe. En insistant sur la pluralité des peuples, l’objectif constitutionnel de l’Union européenne insiste sur le fait que, loin de dissoudre les États constitutifs de l’union, il s’agit de les préserver. Cette même idée est reflétée également dans la devise de l’Union européenne : in varietate concordia (ou « unie dans la diversité »). En d’autres termes, l’Union européenne n’est pas destinée à créer une nouvelle unité singulière qui rendrait superflues les communautés politiques précédentes. Comme l’expose Joseph Weiler : « Aussi étroite que soit l’Union, elle doit rester une union entre des peuples distincts, des identités politiques distinctes, des communautés politiques distinctes » 1 .
L’objectif constitutionnel de l’Union européenne est parfois présenté comme l’une des raisons pour lesquelles l’Union européenne se distingue des autres fédérations. Pourtant, cette prétendue différence est exagérée. En effet, l’engagement en faveur de la création d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens est l’expression de ce que le constitutionnaliste anglais de l’époque victorienne Albert Venn Dicey appelait le « sentiment particulier » dont naissent toutes les constitutions fédérales authentiques : le désir de vivre ensemble, sans pour autant être un ; et, en même temps, le désir de rester autonomes, sans être complètement séparés les uns des autres 2 . Il faut bien que les habitants des États qui souhaitent se réunir dans une union fédérale le fassent sur la base d’un désir de s’unir, expliquait Dicey. Autrement, il n’y aurait manifestement aucun fondement pour constituer une union entre eux. Mais en même temps, ajoutait-il, ils ne sauraient désirer l’unité. Si tel était le cas, ce désir serait bien mieux réalisé sous une constitution unitaire plutôt que fédérale. Le sentiment particulier qui donne naissance aux unions fédérales est donc un désir d’union mais pas d’unité complète. « Le sentiment de partager des intérêts communs, ou le sentiment d’unité nationale », écrivait Dicey, « est peut-être trop fort pour permettre cette combinaison d’union et de séparation qui est le fondement du fédéralisme » 3 . Les unions fédérales d’États, comme l’Union européenne, poursuivent donc toujours un double objectif : la création d’une union sans cesse plus étroite (ou « plus parfaite ») et la préservation de l’autonomie et de la diversité des États membres 4 .
La doctrine de droit européen a toujours compris cela comme étant la promesse normative de l’Union européenne. Dans les années 1990 et 2000, l’Union européenne était présentée comme un modèle constitutionnel qui pouvait – et devait – être imité dans le reste du monde. La promesse constitutionnelle de l’Union européenne était de tempérer le nationalisme sans pour autant recréer ses vices à un « niveau supérieur », en évitant la création d’un nouveau « super État » 5 . De cette manière, les dangers réels ou imaginaires de la souveraineté pouvaient être tenus en échec : la souveraineté des États membres était limitée par le droit de l’Union européenne sans transfert complet de souveraineté au niveau européen. L’Union européenne 6 annonçait un monde au-delà de l’État souverain, une Europe d’États « post-souverains », pour reprendre l’expression de Neil MacCormick 7 .
Cela s’est manifesté par une forme distincte, et normativement supérieure, de discipline constitutionnelle : la « tolérance constitutionnelle », selon les termes de Weiler 8 . Selon ce dernier, alors que l’on disait aux peuples d’États fédéraux plus centralisés, comme le Canada, qu’ils étaient contraints d’obéir à l’autorité fédérale, les peuples de France, d’Italie et d’Allemagne étaient invités à obéir à l’autorité européenne : « Lorsque l’acceptation et la subordination sont volontaires et répétées, elles constituent un acte de véritable liberté et d’émancipation du fétichisme constitutionnel : une haute expression de la tolérance constitutionnelle » 9 . L’Union européenne, semblait-il, avait finalement donné tort à Thomas Hobbes : covenants without swords could be more than just words (les pactes sans épées peuvent être plus que de simples mots).
Dans les années 1990, bien évidemment, les plus hautes juridictions de plusieurs États membres ont sérieusement commencé à remettre en question le caractère absolu de la primauté du droit de l’Union européenne ainsi que l’autorité de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui la Cour de justice de l’Union européenne, ou CJUE) pour interpréter la validité et la portée du droit de l’Union européenne 10 . L’Union européenne n’était pas caractérisée par un monisme juridique mais plutôt par une pluralité d’ordres constitutionnels interdépendants et se chevauchant sans hiérarchie claire entre eux 11 . C’est ce qu’illustrent les théories du « pluralisme constitutionnel », qui ont occupé une position dominante dans la recherche sur le droit européen au cours des décennies suivantes, à la fois comme diagnostic empirique et comme promesse normative. Les « dialogues » constitutionnels 12 entre la Cour constitutionnelle allemande et la CJUE dans les arrêts Solange 13 (rendus avant l’ère Maastricht) ont été largement perçus comme contribuant à la protection constitutionnelle des droits fondamentaux au niveau de l’UE, et ont été présentés comme des exemples inspirants de ce qui s’apparente à une démocratie délibérative judiciaire 14 . La conversation entre les avocats et les juges dans les tribunaux européens conduirait à un monde éthiquement supérieur où les droits fondamentaux et l’État de droit bénéficieraient d’une plus grande projection au niveau national comme transnational.
Pourtant, ces dernières années, il est devenu clair que l’objectif constitutionnel européen d’une union sans unité, et l’architecture pluraliste constitutionnelle qui l’incarne, représentaient également un péril pour l’Union européenne. L’acceptation volontaire et la subordination des États membres au droit européen ont été mises à rude épreuve. La contestation de l’autorité de l’UE par les cours suprêmes et constitutionnelles des États membres s’est éloignée de l’incarnation judiciaire idéalisée de la démocratie délibérative pour se transformer en conflit ouvert, voire en crise. Dans un certain nombre d’affaires très médiatisées sur la réponse de la Banque centrale européenne à la crise de la zone euro, la Cour constitutionnelle allemande a ouvertement contesté la légalité des actions de la Banque centrale européenne sur la base des traités de l’UE et de la Constitution allemande, ainsi que l’autorité de la CJUE 15 .
Cette contestation a choqué l’establishment juridique, mais elle a été éclipsée par une récente décision du Tribunal constitutionnel polonais, qui a déclaré inconstitutionnels non seulement un acte de l’UE, mais aussi des dispositions fondamentales des traités eux-mêmes, ainsi que la primauté du droit de l’Union européenne 16 . Le Tribunal constitutionnel polonais vise spécifiquement l’article 1 du traité sur l’Union européenne (TUE), par lequel les États membres créent l’Union européenne, ainsi que l’article 4, paragraphe 3, du TUE sur la coopération sincère, qui contraint les États membres à remplir les obligations découlant des traités. En visant l’article 1 TUE, le Tribunal constitutionnel polonais met en cause les objectifs constitutionnels les plus fondamentaux de l’Union européenne, y compris l’engagement à poursuivre le processus de création d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens 17 .
Ces contestations ouvertement hostiles à l’autorité de l’UE se sont heurtées à une ferme opposition des institutions européennes. Ni la CJUE ni la Banque centrale européenne n’ont fait de concessions à la Cour constitutionnelle allemande 18 . En réponse à l’évolution de la situation en Pologne, la CJUE a imposé une indemnité journalière d’un million d’euros jusqu’à ce que le pays se conforme à ses obligations en vertu du droit de l’Union européenne 19 . La Commission européenne a lancé une procédure d’infraction contre la Pologne afin de protéger les juges polonais de tout contrôle politique ; elle a réaffirmé la primauté du droit de l’UE sur le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles, et souligné le caractère obligatoire de tous les arrêts de la CJUE pour les autorités des États membres, y compris les tribunaux nationaux 20 . Le Parlement européen a également condamné cette contestation de la primauté du droit de l’UE ; il a déclaré que le Tribunal constitutionnel polonais était illégitime et inapte à interpréter la Constitution polonaise, et appelé le Conseil et la Commission à protéger d’urgence le peuple polonais et les citoyens de l’Union européenne 21 .
Au sein du monde universitaire, le consensus se détourne clairement du pluralisme constitutionnel, qui est de plus en plus présenté comme dangereux, pour se tourner vers l’affirmation d’un ordre juridique hiérarchique et moniste, avec la CJUE à son pinacle 22 . En soi, cependant, la dénonciation académique du pluralisme constitutionnel et le soutien au monisme juridique ont peu de chances de conduire à une résolution des difficultés constitutionnelles actuelles ou de leurs causes sous-jacentes. Le pluralisme constitutionnel 23 , après tout, n’est pas seulement un « rêve normatif » mais aussi une analyse empirique de l’ordre constitutionnel de l’Union européenne 24 . Ce que l’on peut reprocher à juste titre aux pluralistes constitutionnels, c’est de ne pas s’être suffisamment penchés sur les fondements de la « tolérance constitutionnelle », qui étaient sans doute déjà en train de s’effilocher lorsque le concept a été inventé 25 . Ce problème n’est aucunement propre à l’Union européenne. Il s’agit plutôt de l’un des problèmes constitutionnels les plus fondamentaux du fédéralisme. C’est particulièrement le cas dans les unions fédérales d’États relativement jeunes, où l’autorité fédérale tend à être contestée 26 . La tolérance constitutionnelle n’est pas un cadeau inconditionnel du fédéralisme.
Toutes les fédérations, y compris l’Union européenne, naissent avec une tension ou une contradiction interne, qui découle de leurs deux finalités contradictoires 27 . D’une part, les États membres rejettent l’option consistant à se regrouper sous une nouvelle constitution unitaire qui dissoudrait ses parties constitutives. En se rassemblant dans une union fédérale, les États membres visent au contraire à perpétuer leur propre existence politique et leur autonomie. C’est pourquoi une fédération est toujours de nature conservatrice, tournée vers le passé et soucieuse de préserver la diversité de ses États membres. D’autre part, une union fédérale naît de ce que les États membres rejettent le statu quo et décident de constituer entre eux une nouvelle union sans cesse plus étroite (ou « toujours plus parfaite »). Les fédérations, y compris l’Union européenne, sont donc toujours de nature créatives ; elles sont orientées vers l’avenir et s’engagent à protéger l’unité des États membres. Ainsi, une fédération est façonnée par deux forces – une centrifuge et une centripète – qui menacent toujours de la faire éclater 28 .
L’engagement d’être « unis dans la diversité » est donc à la fois la promesse et le péril de l’Union européenne. Quelque peu paradoxalement, c’est la capacité des fédérations en général, et de l’Union européenne en particulier, à refléter la diversité qui constitue sa plus grande faiblesse constitutionnelle 29 . L’engagement en faveur d’une autonomie et d’une diversité constitutionnelles authentiques permet l’émergence et la politisation de conflits au sein de l’ordre constitutionnel, que ce dernier n’est pas équipé pour résoudre de manière simple sans mettre en danger l’un de ses objectifs fondamentaux : soit l’engagement en faveur de l’unité, soit l’engagement en faveur de la diversité. Cette faiblesse devient manifeste si un (ou plusieurs) des États membres modifie de jure ou de facto sa constitution d’une manière adverse voire ouvertement hostile à la constitution de l’Union dans son ensemble. Une telle modification constitutionnelle peut-elle être tolérée ? La réponse à cette question est ambiguë. D’un côté, les États membres de l’Union européenne restent constitutionnellement autonomes, et pour cette raison, ont le droit de décider de leur propre avenir constitutionnel. De l’autre, l’Union ne peut permettre aux États membres d’exercer cette autonomie constitutionnelle d’une manière qui présenterait un danger pour l’unité et l’autonomie de l’ordre constitutionnel de l’Union dans son ensemble.
L’affaire polonaise actuelle en offre une bonne illustration. La structure constitutionnelle de l’Union européenne permet au gouvernement polonais, d’une part, de faire valoir que l’organisation de la justice est une affaire constitutionnelle interne, qui relève de la compétence exclusive des États membres 30 . Il souligne que cela est reflété même dans l’article 4, paragraphe 2, TUE, qui oblige l’Union à respecter les « l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale ». D’autre part, selon la CJUE, les réformes constitutionnelles nationales qui portent atteinte à l’État de droit et à l’indépendance du pouvoir judiciaire constituent une menace directe pour la primauté, l’autonomie, l’unité et l’efficacité du droit de l’Union. Pour cette raison, la juridiction polonaise de renvoi est tenue, en vertu du droit de l’UE, de laisser inappliqués les amendements nationaux qui représentent une telle menace, « qu’ils soient d’origine législative ou constitutionnelle ». De cette manière 31 , les réformes constitutionnelles dans les États membres sont entrées dans le champ d’application du droit de l’Union européenne. C’est en réponse aux arrêts de la CJUE que le Tribunal constitutionnel polonais a jugé que les dispositions fondamentales des traités de l’UE, ainsi que la doctrine de la primauté du droit de l’Union européenne, étaient incompatibles avec la Constitution polonaise.
Les conflits constitutionnels ouverts comme celui auquel nous assistons actuellement sont délétères pour les unions fédérales en général, et pour l’Union européenne en particulier, car ils sapent l’équilibre constitutionnel sur lequel reposent toutes les véritables constitutions fédérales. Pour anticiper et gérer de telles crises, les constitutions fédérales ont tendance à s’efforcer de circonscrire et de régir l’identité, la diversité et l’autonomie constitutionnelles de leurs États membres. Pour qu’une fédération reste stable, les États membres doivent être relativement homogènes sur le plan constitutionnel. Si l’ « intérêt commun » ou le « sentiment national commun » peuvent être trop forts pour que le fédéralisme fonctionne, comme l’a fait remarquer Dicey, il reste qu’en matière de principes constitutionnels fondamentaux, les États membres doivent tout de même être substantiellement similaires. En ce qui concerne l’Union européenne, Jan Werner-Müller a clairement exprimé ce point de vue en affirmant que l’Union européenne « a toujours été synonyme de pluralisme au sein de paramètres politiques communs » 32 . En d’autres termes, la diversité qui peut être tolérée au sein de l’Union européenne – et des fédérations en général – est fortement limitée.
Les fédérations ont donc tendance à s’unir autour d’un projet constitutionnel commun. Dans le cas des États-Unis, les États étaient unis autour du projet de républicanisme révolutionnaire ; dans le cas des fédérations allemandes du XIXe siècle, les Länder étaient unis autour d’un projet contre-révolutionnaire, qui visait à réaffirmer le pouvoir monarchique en Europe à la suite de la Révolution française et des guerres napoléoniennes. Le projet constitutionnel commun autour duquel les États membres de l’UE sont censés s’unir est le « constitutionnalisme de l’ordre des valeurs » et la « démocratie encadrée » 33 . Ce projet constitutionnel « post-fasciste », qui a façonné la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, est né de l’expérience de l’entre-deux-guerres et de la Seconde Guerre mondiale et a représenté une nouvelle « étape » dans le développement historique du constitutionnalisme. Son objectif était de défendre et de protéger l’ordre constitutionnel libéral contre les menaces du retour de « l’extrémisme politique » de droite (fascisme) comme de gauche (communisme) 34 . A un niveau plus fondamental, ce qui sous-tend ce projet constitutionnel est la peur du peuple et du pouvoir politique 35 . Son objectif n’est pas tant de stabiliser l’exercice du pouvoir politique, que de le contraindre en permanence, voire de le réprimer. Il a donc renforcé le pouvoir des institutions indépendantes, en particulier celui des cours constitutionnelles, mais aussi celui des autorités de la concurrence et des banques centrales 36 .
Dans ce projet constitutionnel, la constitution est envisagée comme une gradation, un ordre de valeurs, avec la dignité humaine à son sommet 37 . Dans les traités de l’UE, cela est exprimé à l’article 2 du TUE :
L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes.
L’article 2 du TUE part du principe que les États membres de l’Union européenne sont relativement homogènes sur le plan constitutionnel. L’hypothèse sous-jacente est que tous les États membres partagent la même conception de la constitution en tant qu’ordre de valeurs, et que leurs valeurs constitutionnelles sont identiques ou au moins compatibles avec les valeurs constitutionnelles de l’Union européenne. Comme l’a fait valoir la CJUE dans l’affaire Associação Sindical Dos Juízes Portugueses, il s’agit là du fondement même de la confiance et de la reconnaissance mutuelles entre les États membres, et en particulier entre les juridictions nationales 38 . Si les identités constitutionnelles des États membres sont incompatibles avec l’article 2 TUE, il y a un conflit constitutionnel ouvert dans l’Union européenne, ce qui représente une menace fondamentale pour la persistance de la tolérance constitutionnelle.
L’Union européenne, comme c’est le cas pour d’autres fédérations, ne peut permettre aux États membres de conduire leurs affaires constitutionnelles d’une manière qui menace ou porte atteinte à l’ordre constitutionnel et à l’unité de l’Union. Il est donc nécessaire pour toute fédération, y compris l’Union européenne, de restreindre de jure l’autonomie constitutionnelle de ses États membres ou, du moins, de veiller à ce qu’elle ne soit pas exercée de facto de manière illimitée. En même temps, cependant, cette limitation ne peut être comprise comme une intrusion dans l’autonomie constitutionnelle des États membres. Cela porterait atteinte à l’engagement de l’Union envers la diversité et l’autonomie de ses États membres. L’autonomie constitutionnelle des États membres place donc l’Union européenne devant une énigme : comment l’Union peut-elle parvenir à un équilibre entre engagement pour l’unité et engagement pour la diversité quand l’autonomie et l’identité constitutionnelles de ses États membres sont en jeu ? Comment l’Union peut-elle limiter l’autonomie constitutionnelle de ses États membres sans que cela soit perçu comme une intrusion illégitime dans les affaires constitutionnelles internes des États membres ?
Une bonne façon de résoudre cette quadrature du cercle est de s’assurer que l’Union est comprise comme un moyen de réaliser les projets constitutionnels des États membres. De cette façon, la limitation nécessaire de l’autonomie constitutionnelle des États membres peut être comprise comme un moyen de réaliser leurs propres projets constitutionnels, et donc pas comme une intrusion injustifiée dans leurs propres affaires constitutionnelles. Le brillant argument avancé par les fédéralistes en faveur de la ratification de la Constitution des États-Unis de 1787 était que seule une « union plus parfaite » permettrait aux États de réaliser le républicanisme et l’esprit de la Révolution américaine 39 . Selon eux, la souveraineté et un « système européen » d’États souverains mineraient le projet républicain. Pour cette raison, l’Union sauverait les États d’eux-mêmes en leur interdisant d’exercer un pouvoir souverain 40 . L’Union, selon les fédéralistes, était un moyen de réaliser la forme républicaine de gouvernement au sein des États et, par conséquent, la limitation nécessaire de l’autonomie constitutionnelle était un moyen de réaliser pleinement la constitution. Les États pouvaient accomplir leur destin républicain par le biais de l’Union 41 .
Dans l’Union européenne, le projet constitutionnel post-fasciste de « démocratie encadrée » a joué un rôle similaire. L’intégration européenne a été comprise comme un moyen de réaliser le projet constitutionnel de l’après-guerre au niveau national par la création d’un nouvel ordre européen interétatique « post-souverain » qui pourrait surmonter les dangers et les instabilités de l’État-nation. L’intégration européenne annonçait un « renouveau spirituel » pour une nouvelle génération d’Européens qui transcenderait les horreurs de l’État-nation. Cela apparaît particulièrement clairement dans les discours du premier chancelier de l’Allemagne de l’Ouest, Konrad Adenauer : 42
L’ère des États nationaux a pris fin. Chacun doit sentir qu’un changement s’est produit, qu’une époque a disparu et qu’une nouvelle ère s’ouvre, dans laquelle les hommes regarderont au-delà des frontières de leur propre pays et travailleront en coopération fraternelle avec les autres nations pour les véritables objectifs de l’humanité. Quiconque n’en prend pas conscience est une cause perdue. Cette tâche et la construction d’une Europe dédiée à ce but constituent une grande mission pour la jeunesse allemande. Et lorsque cette Europe, cette nouvelle Europe, sera construite, nos jeunes trouveront à nouveau la possibilité de mener une vie active et pacifique. En Europe, nous devons nous défaire de l’habitude de penser en termes d’États nationaux (…). Une ère de paix et de coopération n’apparaîtra que lorsque les idées nationalistes seront bannies de la politique. Ici, en Europe, nous avons fait un premier pas dans cette direction en élaborant des plans pour l’unité européenne.
En créant un nouvel ordre interétatique européen qui dépasse le monde de l’État-nation, le projet d’intégration européenne pourrait « verrouiller » les valeurs démocratiques libérales et les droits fondamentaux 43 , ainsi qu’une économie de marché compétitive, et ainsi protéger les États membres des « dangers » d’un choix démocratique sans contraintes. L’ancrage au niveau de l’UE, de préférence en plus de l’ancrage dans les constitutions des États membres, pourrait permettre l’actualisation de la démocratie encadrée et du constitutionnalisme de l’ordre des valeurs tant au niveau national qu’au niveau européen. La limitation de l’autonomie constitutionnelle des États membres par le droit européen n’était pas perçue comme un problème tant qu’elle contribuait au projet constitutionnel global du constitutionnalisme de l’ordre des valeurs. Dans les affaires Solange, la Cour constitutionnelle allemande a donc estimé qu’il était constitutionnellement admissible que le droit de l’Union européenne l’emporte sur le droit national, pour autant que les droits fondamentaux et la dignité humaine soient protégés par le droit de l’Union européenne d’une manière équivalente à la protection offerte par la Loi fondamentale allemande 44 .
Si le projet constitutionnel de démocratie encadrée a exercé une forte influence dans bon nombre des principaux États membres, notamment l’Allemagne et l’Italie, ainsi que dans les États membres méditerranéens qui ont rejoint l’Union européenne dans les années 1980 après l’effondrement de l’autoritarisme – la Grèce, le Portugal et l’Espagne -, son influence dans les autres États membres est moins évidente. Comme je l’ai démontré ailleurs, les États membres de l’Union européenne se caractérisent par des « variétés de constitutionnalisme » 45 . Cela s’explique par les diverses expériences historiques des États membres au cours du XXème siècle, ainsi que par les leçons constitutionnelles radicalement différentes tirées de l’effondrement de l’entre-deux-guerres, de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre froide. En d’autres termes, le constitutionnalisme européen n’est pas uniforme et les États membres ne sont pas constitutionnellement homogènes. Pour dire les choses simplement : bien que tous les États membres se décrivent comme des démocraties constitutionnelles, la démocratie n’y a pas une signification constitutionnelle uniforme.
Les États membres de l’Union européenne sont façonnés par au moins trois « variétés de constitutionnalisme » – le « constitutionnalisme post-fasciste », le « constitutionnalisme évolutif » et le « constitutionnalisme post-communiste » – chacune ayant une conception constitutionnelle différente de la démocratie 46 . Alors qu’il est largement reconnu que le Royaume-Uni – et j’ajouterais les États membres scandinaves – est caractérisé par un « constitutionnalisme évolutif » dans lequel la démocratie est toujours comprise en termes procéduraux, reflétant l’équilibre de pouvoirs (c’est-à-dire la volonté de Crown-in-Parliament), la doctrine constitutionnelle a été moins attentive à ce qui distingue de nombreux États membres post-communistes des États membres « post-fascistes » comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Les États membres post-fascistes ont tendance à considérer la montée de l’autoritarisme ou du fascisme comme étant un phénomène endogène : le fascisme est le produit de l’effondrement interne de l’ordre constitutionnel. Les États membres post-communistes ont tendance à considérer, au contraire, leur expérience de l’autoritarisme ou du totalitarisme comme étant un phénomène exogène : le totalitarisme leur a été imposé par un empire étranger. Pour le dire en termes simples : les communistes ont toujours été « eux » et jamais « nous ». Contrairement aux États membres post-fascistes, les régimes post-communistes ne sont pas, pour cette raison, fondés sur une peur sous-jacente de leurs propres peuples.
Le projet constitutionnel que les États membres post-communistes aspiraient à actualiser en adhérant à l’Union européenne diffère donc de celui des États membres postfascistes. Alors que les États membres post-fascistes ont activement cherché à surmonter les dangers de la souveraineté et du nationalisme par l’adhésion à l’UE au moyen d’une « démocratie militante transnationale » 47 , les États membres post-communistes ont adhéré à l’Union européenne dans l’espoir de garantir leur statut d’États-nations souverains et de réaliser un projet constitutionnel centré sur la volonté souveraine de la nation. En d’autres termes, ils aspiraient à réaliser le monde que le constitutionnalisme post-fasciste aspirait à surmonter : une Europe d’États-nations souverains. Pour les États post-communistes, la souveraineté et le nationalisme n’étaient pas perçus comme des menaces existentielles pour la démocratie, mais au contraire comme des vecteurs de celle-ci. Pour les États post-communistes 48 , le « retour à l’Europe » signifiait la libération nationale et le retour de la démocratie nationale souveraine. En raison de leur expérience d’États satellites de l’Union soviétique 49 , souvent soutenus par des constitutions de façade, les États post-communistes étaient désireux d’éviter une nouvelle forme d’impérialisme par des moyens légaux. La nation, et la démocratie nationale, devaient être protégées de toute influence extérieure. En règle générale, ils ne se sont donc pas considérés comme « ouverts » au droit international ou européen 50 .
Dès le départ, le projet constitutionnel que de nombreux États membres post-communistes cherchaient à réaliser par leur adhésion à l’Union européenne était donc caractérisé par une contradiction fondamentale. L’adhésion à l’Union européenne était un moyen de réaliser la démocratie souveraine au niveau national. Pourtant, dans le même temps, l’adhésion à l’Union européenne entraînait une limitation de la souveraineté nationale dans la mesure où elle exigeait des nouveaux États membres qu’ils soient gouvernés comme des démocraties encadrées. Le droit de l’Union européenne a contraint les États membres post-communistes à être gouvernés conformément au constitutionnalisme post-souverain en limitant l’exercice du pouvoir politique. Dans les États membres post-communistes, l’adhésion à l’Union européenne a donc toujours été considérée avec suspicion, comme un nouvel empire potentiel, une nouvelle menace pour la démocratie 51 . On peut y voir une raison importante de notre situation constitutionnelle actuelle.
Dans l’Union européenne, la démocratie est synonyme de démocratie encadrée. Pourtant, ce n’est pas le cas pour tous les États membres de l’Union européenne. Pour le dire de manière lapidaire, tous les ordres constitutionnels ne tiennent pas la démocratie pour une valeur constitutionnelle qui peut être mise en balance avec d’autres valeurs par une Cour constitutionnelle. Pour cette seule raison, il y a des limites à l’équilibre constitutionnel qui peut être atteint par l’emploi du constitutionnalisme de l’ordre des valeurs par les juristes et les juges européens. À un niveau plus fondamental, cependant, il est peu probable que les crises constitutionnelles profondes puissent être résolues par les tribunaux. Comme le soulignait Clinton Rossiter : « Si une difficulté peut être résolue par les juges, il ne s’agit probablement pas d’une crise » 52 .
Notes
- Joseph HH Weiler, ‘Federalism Without Constitutionalism: Europe’s Sonderweg’ in Kalypse Nicolaïdis et Robert Howse (dir.), Legitimacy and Levels of Governance in the United States and the European Union (Oxford University Press 2001) 67 (traduction libre).
- Albert V Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution (Liberty Fund 1982) 75. Pour approfondir la discussion sur la théorie constitutionnelle de la fédération, voir Olivier Beaud, Théorie de la fédération (Presses universitaires de France 2007) ; Christoph Schönberger, Europas föderales Bürgerrecht in vergleichender Sicht (Mohr Siebeck 2005) ; Signe Rehling Larsen, The Constitutional Theory of the Federation and the European Union (Oxford University Press 2021).
- Dicey (n 2) 76 (traduction libre).
- Le but du fédéralisme, écrit Dicey (ibid. 76), est de « d’incarner, dans la mesure du possible, ces deux sentiments » (traduction libre).
- Joseph HH Weiler, ‘Europe: The Case Against the Case for Statehood’ (1998) 4 European Law Journal 43 ; Jürgen Habermas, Political Essays (Polity en association avec Blackwell Publishers 2001). Voir également Jürgen Habermas,The Crisis of the European Union – A Response (Polity Press 2012).
- Pour reprendre les termes mémorables de Neil MacCormick (‘Beyond the Sovereign State’ (1993) 56 The Modern Law Review 1, 16.), la souveraineté était « comme la virginité, qui peut, dans certaines circonstances du moins, être perdue à la satisfaction de tout le monde, sans que quelqu’un d’autre ne l’acquière » (traduction libre).
- MacCormick, ‘Beyond the Sovereign State’ (n 6); Neil MacCormick, Law, State, and Nation in the European Commonwealth (Oxford University Press 1999).
- Weiler (n 1) 68 et suiv.
- ibid 68 (traduction libre).
- L ‘arrêt de principe est l’arrêt Maastricht de la Cour constitutionnelle allemande, Brunner contre le traité sur l’Union européenne (affaire 2 BvR 2134/92 et 2959/92 JZ 1993, 1100) [1994] 1 CMLR 57. La Cour constitutionnelle danoise a toutefois rendu un jugement similaire. Pour une discussion de ce point, voir Hjalte Rasmussen, ‘Denmark’s « Maastricht-Ratification » Case : The Constitutional Dimension’ (1997) 32 Irish Jurist (1966-) 77 ; Hjalte Rasmussen, ‘Denmark’s Maastricht Ratification Case : Some Serious Questions about Constitutionality’ (1998) 21 Journal of European Integration 1.
- Neil MacCormick, ‘TheMaastricht-Urteil : Sovereignty Now’ (1995) 1 European Law Journal 259.
- Matej Avbelj and Jan Komárek, (Hart Publishing Limited 2012). Pour un aperçu, voir Matej Avbelj et Jan Komárek, Constitutional Pluralism in the European Union and Beyond (Hart Publishing Limited 2012).
- Affaire 11/70, Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, Recueil 1970, p. 1125 ; Re Wünsche Handelsgesellschaft (22 octobre 1986) BVerfGE 73, 339.
- Pour une discussion conceptuelle des cours constitutionnelles dans le cadre de la démocratie délibérative, voir Conrado Hübner Mendes, Constitutional Courts and Deliberative Democracy (Oxford University Press 2013).
- C-62/14 Gauweiler e.a. [2015] ECLI:EU:C:2015:400 ; C-493/17 Weiss e.a. [2018] ECLI:EU:C:2018:1000 ; BVerfG, arrêt du Second Sénat du 21 juin 2016- 2 BvR 2728/ 13 ; BVerfG, arrêt du Second Sénat du 5 mai 2020- 2 BvR 859/ 15. Il existe plusieurs autres exemples récents de contestations de la primauté du droit de l’UE qui ont suscité des inquiétudes à Bruxelles. Par exemple, dans les arguments soumis au Conseil d’Étatdans l’affaire French Data Network, le gouvernement français a demandé que le Conseil d’Étatignore l’arrêt de la CJUE La Quadrature du Net (voir, c-511/18 La Quadrature du Net et autres [2020] ECLI:EU:C:2020 :791) sur le fondement d’un prétendu excès de pouvoir ; si le Conseil d’Étata rejeté l’argument, il a néanmoins affirmé clairement la primauté de la Constitution française sur le droit de l’Union européenne et s’est réservé le droit d’écarter tout règlement ou directive qui priverait de garanties effectives l’un des droits constitutionnellement protégés (voir, CE French Data Network et al. 21 avril 2021, nos 393099, 394922, 397844, 397851, 424717 et 424718). Un autre exemple est celui de la décision du 8 juin 2021 de la Cour constitutionnelle roumaine, qui reconnaît que les tribunaux nationaux sont compétents pour ignorer toute disposition de la législation interne qui serait contraire au droit de l’UE, en vertu de l’article 148 de la Constitution roumaine, mais qui déclare dans le même temps que la Constitution roumaine conserve sa primauté, en concluant que « un tribunal national n’a pas le pouvoir d’analyser la conformité d’une disposition de droit interne, déclarée constitutionnelle en vertu de l’article 148 de la Constitution, avec les dispositions du droit européen » (traduction libre) (voir, décision no. 309 de la Cour constitutionnelle roumaine du 8 juin 2021).
- Tribunal constitutionnel polonais, décision du 7 octobre 2021, n° K 3/21.
- Il convient de noter que la Pologne n’est pas le premier État membre à contester l’objectif constitutionnel d’une « union sans cesse plus étroite ». Dans l’accord de réforme de l’UE conclu pour maintenir le Royaume-Uni dans l’UE, mais rendu caduc par le Brexit, David Cameron a réussi à obtenir une clause de non-participation à l’ « union sans cesse plus étroite », voir le Conseil européen, Conclusions de la réunion du Conseil européen, Bruxelles, 18-19 février 2016, EUCO 1/16, CO EUR 1, CONCL 1 http://docs.dpaq.de/10395-0216-euco-conclusions.pdf Maintenant que le Brexit est devenu réalité, nous ne saurons jamais ce que cela aurait signifié dans la pratique et si cela aurait, d’une manière ou d’une autre, fait une différence quant à la position constitutionnelle du Royaume-Uni dans l’UE.
- La Banque centrale européenne a insisté sur le fait qu’elle est « exclusivement soumise à la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne et responsable devant le Parlement européen », voir le discours de la BCE, « Dans l’esprit de la coopération européenne », remarques introductives d’Yves Mersch, membre du directoire de la BCE et vice-président du conseil de surveillance de la BCE, lors du webinaire mondial de Salzbourg (webinaire mondial de Salzbourg, 2 juillet 2020) <https:// www.ecb.europa.eu/ press/ key/ date/ 2020/ html/ ecb.sp200702~87ce377373.en.html>
- Cour de justice de l’Union européenne, Communiqué de presse n° 192/21 Luxembourg, Ordonnance du 27 octobre 2021 du vice-président de la Cour dans l’affaire C-204/21 R Commission contre Pologne » <https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2021-10/cp210192en.pdf>.
- Commission européenne, » European Commission Reaffirms the Primacy of EU Law » (Commission européenne – Commission européenne, 7 octobre 2021) <https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/statement_21_5142> consulté le 25 octobre 2021. [RÉF. COMPLÈTE DE L’INTERVIEW REYNDERS]
- Parlement européen, ‘Press Release: Poland: Constitutional Tribunal Is Illegitimate, Unfit to Interpret Constitution’ (21 octobre 2021)
<https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20211015IPR15016/poland-constitutional-tribunal-is-illegitimate-unfit-to-interpret-constitution> consulté le 25 octobre 2021.
- Voir, par exemple, R Daniel Kelemenet et Laurent Pech, ‘The Uses and Abuses of Constitutional Pluralism : Undermining the Rule of Law in the Name of Constitutional Identity in Hungary and Poland’ (2019) 21 Cambridge Yearbook of European Legal Studies 59 ; Federico Fabbrini, ‘After the OMT Case : The Supremacy of EU Law as the Guarantee of the Equality of the Member States The CJEU’s OMT Decision’ (2015) 16 German Law Journal 1003.
- Comme l’élite politique de la première République américaine le reconnaissait, « aucun dispositif constitutionnel ou légaliste ne pourrait sauver la république, à moins que les forces réelles sous-jacentes ne soient maintenues en équilibre », voir John Fischer, ‘Prerequisites of Balance’ dans Arthur W MacMahon (dir), Federalism : Mature and Emergent (Doubleday & Company 1955) 63.
- L’analyse de Neil MacCormick, par exemple, était avant tout empirique. Il a examiné et rejeté le monisme juridique dans l’Union européenne en se référant au « réalisme sociologique », voir MacCormick, ‘The Maastricht-Urteil’ (n. 11) 264.
- Michael Wilkinson, ‘Beyond the Post-Sovereign State? The Past, Present, and Future of Constitutional Pluralism’ (2019) 21 Cambridge Yearbook of European Legal Studies 6, 17.
- Leslie Goldstein, The European Union in Comparative Context (Johns Hopkins University Press 2001).
- Martin Diamond, ‘The Ends of Federalism’ (1973) 3Publius 129.
- Beaud (n 2) 279 et suiv. ; Larsen,The Constitutional Theory of the Federation and the European Union (n 2) 105 et suiv.
- Alain-G Gagnon, ‘The Political Uses of Federalism’ in Michael Burgess et Alain-G Gagnon (dir.), Competing Traditions and Future Directions (Harvest Wheatsheaf 1993).
- C-487/19 W. Ż. () et des affaires publiques de la Cour suprême – nomination) [2021] ECLI:EU:C:2021:798 ; C-824/18 A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) [2021] ECLI:EU:C:2021:153 ; C-585/18 A.K. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) [2019] ECLI:EU:C:2019:982.
- C-824/18 A.B. et autres (n. 30), paragraphe 150.
- Jan-Werner Müller, ‘Protecting the Rule of Law (and Democracy !) In the EU: The Idea of a Copenhagen Commission’ in Carlos Closa et Dimitry Kochenov (dir.), Reinforcing Rule of Law Oversight in the European Union (Cambridge University Press 2016) 221, souligné dans l’original (traduction libre).
- Jan-Werner Müller, Political Ideas in Twentieth-Century Europe (Yale University Press 2011); Martin Loughlin, ‘The Silences of Constitutions’ (2018) 16 International Journal of Constitutional Law 922.
- Signe Rehling Larsen, ‘The European Union as a « militant democracy »?’. (iCourts Working Papers series 2021) <https://papers.ssrn.com/abstract=3761791> consulté le 22 janvier 2021.
- Christoph Möllers, »’We Are (Afraid of) the People »: Constituent Power in German Constitutionalism’ in Martin Loughlin and Neil Walker (dir.), Constituent Power and Constitutional Form (Oxford University Press 2008) ; Michael A Wilkinson, Authoritarian Liberalism and the Transformation of Modern Europe (Oxford University Press 2021).
- Hjalte Lokdam, ‘Bankingon Sovereignty: The Political Theory of Central Bank Independence and the European Central Bank’ (PhD, London School of Economics and Political Science 2020).
- Alexander Somek, The Cosmopolitan Constitution (Oxford University Press 2014).
- C-64/ 16 Associação Sindical Dos Juízes Portugueses [2018] ECLI:EU:C:2018:117, paragraphe 30.
- Cathy D Matson et Peter S Onuf, Political and Economic Thought in Revolutionary America (University Press of Kansas 1990) 138.
- ibid.
- ibid 141.
- Konrad Adenauer, World Indivisible – With Liberty and Justice for All (George Allen & Unwin Ltd 1956) (traduction libre).
- Andrew Moravcsik, ‘TheOrigins of Human Rights Regimes : Democratic Delegation in Postwar Europe’ (2000) 54 International Organization 217.
- C-11/70 Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel (1970) ; Re Wünsche Handelsgesellschaft (22 octobre 1986) BVerfGE 73, 339
- Signe Rehling Larsen, ‘Varieties of Constitutionalism in the European Union’ (2021) 84 The Modern Law Review 477. Voir également Bruce Ackerman, ‘Three Paths to Constitutionalism – and the Crisis of the European Union’ (2015) 45 British Journal of Political Science 705.
- Larsen, ‘Varieties of Constitutionalism in the European Union’ (n 45). Il convient de noter que ces trois idéaux-types ne peuvent expliquer les développements constitutionnels de tous lesÉtats membres de l’UE. La France, par exemple, ne peut être comprise sur la base d’aucun de ces idéaux-types.
- Ulrich Wagrandl, ‘Transnational Militant Democracy’ (2018) 7 Global Constitutionalism 143.
- Wojciech Sadurski, Constitutionalism and the Enlargement of Europe (Oxford University Press 2012) 67 et suiv.
- Timothy Snyder, ‘Memory of Sovereignty and Sovereignty over Memory : Poland, Lithuania and Ukraine, 1939-1999’ in Jan-Werner Müller (dir.), Memory and Power in Post-War Europe (Cambridge University Press 2002).
- De nombreux pays d’Europe centrale et orientale, sinon la plupart, se sont dotés de constitutions mettant fortement l’accent sur la souveraineté « interne » et « externe » de la nation après la chute de l’Union soviétique, voir Anneli Albi, ‘Postmodern Versus Retrospective Sovereignty: Two Different Discourses in the EU and Candidate Countries?’ in Neil Walker (dir.), Sovereignty in Transition (Hart Publishing 2003) ; Cesary Mik, ‘State Sovereignty and European Integration: Public International Law, EU Law and Constitutional Law in a Polish Context’ in Neil Walker (dir.), Sovereignty in Transition (Hart Publishing 2003).
- Jan Zielonka, The Nature of the Enlarged European Union (Oxford University Press 2006).
- Clinton Rossiter, Crisis Government in the Modern Democracies (Princeton University Press 1948) 9 (traduction libre).
citer l'article
Signe Rehling Larsen, Promesses et Périls de l’Europe, Groupe d'études géopolitiques, Déc 2021,