Issue
Issue #2Auteurs
François Hublet21x29,7cm - 167 pages Numéro 2, Mars 2022 24,00€
Élections en Europe : juin 2021 – novembre 2021
Il y a quelques mois encore, cette question semblait relever de l’historiographie. Et pourtant. En ce moment-même, dans les villes et les campagnes ukrainiennes, un État européen en attaque un autre. Des populations civiles payent le lourd tribut d’un conflit qu’elles n’ont jamais souhaité, sur fond de contestation de la légitimité d’un gouvernement démocratiquement élu et au mépris du droit à l’autodétermination.
Ce conflit révèle au grand jour le caractère intégré du système politique européen et global, à tous les niveaux. À l’époque de l’information immédiate et de la guerre des images, l’Europe, et dans une certaine mesure le monde, constitue déjà un espace communicationnel largement unifié. Les discussions politiques locales, régionales et nationales sont invariablement rattrapées — malgré les divisions linguistiques, culturelles ou idéologiques qu’on prétendait naguère indépassables — par la réalité presque tragique de l’existence d’un espace politique commun.
Là où la guerre, plutôt que la « poursuite de la politique par d’autres moyens », est la forme la plus brutale et la plus injuste de la politique, le vote et la délibération en sont les formes civilisées. Étudier les dynamiques électorales européennes, c’est donc rappeler que le moyen d’une cohabitation pacifique existe ; c’est montrer comment cette cohabitation s’organise dans les faits, quels sont ses enjeux et ses lignes de fracture ; c’est étudier les instruments de la paix et de l’évolution des sociétés.
La guerre d’Ukraine nous rappelle aussi que la « démocratie dans un seul pays » est un leurre. L’autoritarisme d’un État, a fortiori interventionniste, est incompatible avec l’autonomie de ses voisins. L’absence de contraintes supranationales effectives rend l’agression possible, et le contrôle de l’État sur les populations limite la capacité de celles-ci à se saisir de leur propre destin. Alors que les organisations internationales semblent désarmées, l’entrée spectaculaire dans l’arène géopolitique mondiale de l’Union européenne, communauté juridique et politique bâtie au lendemain de deux Guerres mondiales, apparaît comme une reconnaissance de cet état de fait.
Pourtant, qu’on ne s’y trompe pas : malgré la réalité des interdépendances entre les différents espaces politiques du continent — Russie comprise —, la conscience de cette réalité est aujourd’hui largement sous-développée. Or, la médiation entre les échelles et les régions, la construction d’un espace public partagé, la mise en réseau des populations et des cultures politiques et la défense de la démocratie contre l’autoritarisme ne sont pas les simples éléments d’une alternative. Ce sont des nécessités pour qui veut échapper aux pièges de la violence internationale et de l’inégalité démocratique, ferment de la catastrophe qui embrase aujourd’hui le continent européen. Le chantier, dans ce domaine, est donc immense ; il jouera un rôle central dans la construction de la paix future.
C’est ainsi, sans doute, qu’il faut comprendre la nécessité de rendre compte du fonctionnement du jeu électoral à l’heure de la guerre européenne. Vous trouverez dans ce volume une couverture d’ampleur inédite des élections régionales françaises de juin 2021, une série d’analyses concernant la « super année électorale » allemande 2021, ainsi qu’une douzaine d’autres analyses des principaux scrutins nationaux , régionaux et locaux du semestre passé. Autant d’analyses qui permettent de mieux appréhender les conflits qui traversent le quotidien des Européennes et des Européens et d’entrevoir les moyens de leur résolution pacifique.
citer l'article
François Hublet, Comment parler d’élections dans une Europe en guerre ?, Groupe d'études géopolitiques, Mar 2022, 3.