Bulletin des Élections de l’Union Européenne
Élections locales en Italie (Rome et Milan), octobre 2021
Issue #2
Scroll

Issue

Issue #2

Auteurs

Sofia Marini

21x29,7cm - 167 pages Numéro 2, Mars 2022 24,00€

Élections en Europe : juin 2021 – novembre 2021

La rédaction de BLUE vous propose un suivi des élections locales dans les 15 villes européennes de plus d’un million d’habitants. Les 3-4 et 17-18 octobre 2021, Milan et Rome, ainsi qu’une majorité de communes italiennes, renouvelaient leurs conseils municipaux.

Un premier tour marqué par le succès de la gauche et l’effondrement des Cinq-Étoiles

Au premier tour de scrutin, les 3 et 4 octobre 2021, le succès du centre-gauche (~S&D) a été plus important que prévu : la coalition l’a emporté au premier tour non seulement à Bologne, où la victoire de Matteo Lepore (avec 61,9 %) était attendue, mais aussi à Naples (où l’ancien ministre Gaetano Manfredi a gagné avec 62,9 %) et même à Milan, une ville historiquement gouvernée par la droite, où le maire sortant Giuseppe Sala a été reconduit avec 57,7 %. À Rome et à Turin, où les candidats de centre-gauche n’ont pas conquis la mairie dès le premier tour, ils sont cependant partis favoris pour le second.
À l’inverse, la performance du centre-droit (PPE, ECR, ID) a été médiocre, les candidats de la coalition n’arrivant en tête qu’à Rome et à Trieste, où ils n’ont pas réussi à emporter l’élection au premier tour. Enrico Michetti (30,2 %) et Roberto Dipiazza (47 %) ont donc affronté le centre-gauche (Roberto Gualtieri et Francesco Russo, respectivement 27 % et 31,7 %) au second tour organisé deux semaines plus tard. À Turin, le candidat de centre-droit Paolo Damilano a obtenu moins de voix (38,9 %) que Stefano Lo Russo, candidat du centre-gauche (43,8 %), contre lequel il parait pourtant favori dans les sondages.
Le Mouvement 5 étoiles (M5S, NI) a obtenu des résultats décevants partout, à l’exception partielle de Bologne et de Naples où il s’était présenté en coalition avec le centre-gauche – même dans ces deux cas, cependant, la contribution des listes du M5S n’a pas été décisive. La donnée la plus significative est leur défaite à Rome et à Turin — villes où ils avaient réussi en 2016 à faire élire Virginia Raggi et Chiara Appendino —, où ils ne se qualifient même pas pour le second tour.
Au sein des coalitions, les partis qui sortent les plus affaiblis de ce premier tour de scrutin sont le Mouvement 5 étoiles (M5S, NI) et la Ligue (Lega, ID), tandis que dans la coalition de centre-droit, Frères d’Italie (FdI, ECR) obtient de bons scores. Au centre-gauche, la principale force, le Parti Démocratique (PD, S&D), est sortie renforcée de ce week-end électoral. Comme tous ces partis, à l’exception des Frères d’Italie, font partie de la majorité, l’impact que ces résultats auront sur le maintien du gouvernement Draghi est encore incertain.

Rome : la maire sortante éliminée dès le premier tour

À Rome, où aucun des candidats n’a obtenu plus de 50 % des voix, un second tour a été organisé entre les deux candidats arrivés en tête les 17 et 18 octobre. Cinq points peuvent être notés concernant les résultats du premier tour dans la capitale.
Le candidat du centre-droit, l’avocat Enrico Michetti, a obtenu le plus de voix (30,2 % des votes). Malgré un résultat prometteur à l’issue d’une campagne où il s’était montré relativement discret, Michetti se trouvait, au soir du premier tour, en position d’outsider par rapport à son adversaire de second tour.
Après un après-midi de sondages incertains, il a en effet été confirmé que Michetti serait confronté au second tour au candidat du centre-gauche, l’ancien ministre de l’économie Roberto Gualtieri, qui a obtenu 27,3 % des voix. Il était attendu que celui-ci puisse au second tour recueillir les voix des électeurs des autres forces politiques de gauche — y compris celles des électeur du M5S, qui avaient formé une liste séparée.
La maire sortante Virginia Raggi (M5S) a réalisé une performance plutôt décevante. Elle n’a obtenu que 19,1 % des voix, alors que certains sondages initiaux laissaient penser qu’elle aurait pu remporter le second tour. Le résultat est particulièrement remarquable si on le compare à la nette victoire de Raggi lors des élections locales de 2016, où elle avait obtenu 35,3 % des voix au premier tour et 67,2 % au second.
Virginia Raggi a été dépassée par l’eurodéputé Carlo Calenda, le candidat de l’Action (S&D), qui a pris la troisième place avec 19,8 % des voix. La décision de Calenda de ne pas participer aux primaires de centre-gauche mais de se présenter en tant que candidat individuel a probablement enlevé beaucoup de voix à Gualtieri, qui pouvait cependant espérer les regagner au second tour.
Un autre fait surprenant concerne le taux de participation, qui s’est établi à un niveau extrêmement faible, à 48,8 % – une baisse de plus de 8 points par rapport à l’élection précédente, en juin 2016, où il avait atteint 57 %. Malgré les différences significatives entre les différentes circonscriptions, ces chiffres sont conformes à la baisse générale du taux de participation observée dans toutes les élections municipales.

Milan : victoire inattendue du maire sortant au premier tour

La compétition électorale dans la ville de Milan s’est arrêtée au soir du premier tour. Le maire sortant Giuseppe Sala, candidat du centre-gauche, y a recueilli 57,7 % des voix. Un résultat au-delà des attentes, alors que son rival de centre-droit, Luca Bernardo, n’a obtenu 31,9 % des voix.
Le résultat du M5S, dont la candidate Laila Pavone n’a recueilli que 2,7 %, est particulièrement négatif. Ce résultat est encore plus faible que celui de Gianluigi Paragone, ancien membre du parlement du Mouvement, qui, avec 2,99 % des voix, a manqué de peu le seuil des 3% qui lui aurait garanti l’élection au conseil municipal.
En ce qui concerne le vote dans les 9 districts de Milan, l’analyse de Boldrini et Collini (2021) pour le CISE (Centre italien d’études électorales)1 révèle « une homogénéité territoriale substantielle des candidats de centre-gauche et de centre-droit », avec un déséquilibre légèrement plus important dans le cas du M5S. Le candidat gagnant Sala a obtenu un pourcentage de soutien légèrement plus élevé dans les districts centraux (avec plus de 60 % dans les 1er et 3e municipes) mais dans la circonscription où il a le moins bien réussi, il a tout de même obtenu 54,9 %. En 2016, il n’avait gagné que dans 4 circonscriptions. 
La victoire du centre-gauche au premier tour à Milan, considérée comme un bastion historique de la droite, est un événement sans précédent. Surtout si l’on considère qu’en 2016, Sala avait emporté le scrutin avec 41,7 % des voix, face au candidat de centre-droit Stefano Parisi qui avait obtenu 40,7 %. 
Un autre record a été établi — celui de l’abstentionnisme : avec un taux de participation de 47,7 %, il s’agit du plus faible niveau enregistré dans la capitale lombarde. Le taux d’abstention le plus élevé a été enregistré dans le centre historique de la ville, où seulement 44,6 % des inscrits du municipe se sont rendus aux urnes.

Au second tour, la force du centre-gauche confirmée

Le second tour des élections locales a eu lieu le 17 et le 18 octobre 2021 dans les municipalités concernées. Au cumul des deux tours, le centre-gauche l’a emporté dans 58 des 119 municipalités de plus de 15 000 habitants.
Le centre-gauche, qui avait obtenu des résultats bien au-delà des attentes au premier tour – l’emportant notamment à Bologne (Matto Lepore, 61,9 %), Milan (Giuseppe Sala, 57,7 %) et Naples (Gaetano Manfredi, 62,9 %) – a confirmé sa performance lors de ce second tour. Dans les grandes villes, les candidats de centre-gauche ont obtenu des pourcentages similaires à ceux de Milan, Bologne et Naples deux semaines plus tôt : 59,2 % pour Stefano Lo Russo à Turin et 60,2 % à Rome pour Roberto Gualtieri.
Le centre-droit, en revanche, est sorti nettement affaibli de ce scrutin, hormis dans la ville de Trieste où le maire sortant Roberto Dipiazza, avec 52,3 %, n’a battu que de justesse le candidat de centre-gauche Francesco Russo (48,7 %). Les enquêtes des semaines précédant l’élection, ainsi que l’assaut contre le siège du syndicat CGIL à Rome le samedi 9 octobre, qui ont mis en lumière les liens de la Ligue et de Frères d’Italie avec des groupes néo-fascistes, ont pu contribuer à la contre-performance de la coalition.
Le parti le plus renforcé par ces résultats est le Parti démocratique, qui a présenté des candidats dans toutes les villes où le centre-gauche a gagné. Il est intéressant de noter que les seuls candidats de centre-droit qui ont gagné sont issus du parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia (PPE), le plus modéré de la coalition. Au contraire, à Rome et à Milan, les candidats proposés par Giorgia Meloni (FdI) et Matteo Salvini (Lega), pourtant à la tête de partis plus populaires et plus forts dans les sondages, ont obtenu de mauvais résultats. Le M5S, déjà en difficulté au premier tour là où il ne s’était pas présenté en coalition avec le centre-gauche, n’a pas pesé dans ce scrutin.

Conclusion

Un autre élément notable de ces élections municipales concerne le taux de participation, qui a diminué partout : le plus élevé (51,16 %) a été enregistré à Bologne, toutefois bien inférieur aux 59,7 % atteints en 2016, le plus bas à Trieste (46 % contre 53,5 %). Le chiffre national agrégé fait état d’une participation de 54,7 %, bien plus faible donc que les 61,6 % atteints en 2016. Les premières analyses suggèrent que ce sont principalement les électeurs de centre-droit qui se sont abstenus ; cependant, il faudra attendre des données plus détaillées sur les flux électoraux pour en être certain.
Le taux de participation, déjà particulièrement bas au premier tour (54,7 %), a été inférieur à 50 % au second, ce qui inquiète de nombreux analystes. Benevento a été la capitale provinciale où le taux de participation a été le plus élevé (59,6 %), tandis que le taux d’abstention le plus élevé a été enregistré à Rome, où seulement 40,7 % des électeurs inscrits ont voté.
Un dernier élément marquant de ce scrutin est l’écrasante inégalité entre les genres : non seulement aucune femme n’a été élue au poste de maire ou de présidente de région, mais aucune candidate n’a atteint le second tour dans les grandes villes. Cela n’a pas même été le cas à Rome et à Turin, où la dernière administration était pourtant dirigée par les maires Virginia Raggi et Chiara Appendino (M5S). Il semble qu’à ce niveau, quelle que soit l’affiliation politique, le chemin à parcourir soit encore incroyablement long.

Références

Boldrini, M. & Collini, M. (2021). La distribuzione del voto nelle circoscrizioni: Roma, Milano e Torino a confronto. En ligne.

+--
voir le planfermer
citer l'article +--

citer l'article

APA

Sofia Marini, Élections locales en Italie (Rome et Milan), octobre 2021, Groupe d'études géopolitiques, Mar 2022, 162-166.

à lire dans ce numéro +--

à lire dans cette issue

voir toute la revuearrow
notes et sources +