Géopolitique, Réseau, Énergie, Environnement, Nature
L’écologie politique aux caractéristiques chinoises
Issue #1
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Issue #1

Auteurs

Andrée Clément

21x29,7cm - 167 pages Numéro #1, Septembre 2021

La puissance écologique de la Chine : analyses, critiques, perspectives

En Chine, le miracle d’une croissance à deux chiffres multi-décennale s’est transformé en dystopie environnementale et sanitaire. La dévastation écologique surplombe et innerve la crise des transitions 1 , tant sur le plan sanitaire et social que symbolique. Elle est surplombante, car l’épais nuage du smog 2 forme une chape de plomb recouvrant les agglomérations. C’est un brouillard épais qui obscurcit l’avenir et asphyxie la population. La question écologique est surplombante ensuite en Chine, car les catastrophes naturelles et les dérèglements environnementaux font l’objet d’une interprétation politique particulière, tirée d’une tradition séculaire. Ces aléas ou perturbations naturels — inondations, sécheresses, pandémies, tremblements de terre — sont déchiffrés par une partie de la population et de ses dirigeants chinois comme annonciateurs d’un retrait possible du « mandat du ciel ». Ces catastrophes peuvent être interprétées comme le signe avant-coureur que la dynastie régnante a rompu l’harmonie ou s’avère incapable de la maintenir. Auquel cas, les dirigeants risquent de se voir retirer leur droit de gouverner de manière imminente. Cette dévastation écologique innerve, enfin, la crise des transitions, car les répercussions des dommages environnementaux sont presque illimitées et affectent toutes les activités humaines.

Une gronde écologique s’exprime au sein de la population chinoise. « Le Grand Collapsus » 3 alimente la panique des dirigeants qui redoutent le retrait du mandat du ciel. Néanmoins, le Parti communiste chinois (PCC) identifie dans la lame de fond du verdissement des esprits et des mœurs des opportunités géostratégiques et politiques. Rien ne garantit que le totalitarisme chinois ait épuisé le stock de ses possibles métamorphoses, le verdissement en est une. Le « totalitarisme écologique » désigne un messianisme politique dont l’ambition est de verdir et de transformer intégralement l’homme et la société grâce à un contrôle total de toute organisation sociale.

Le siècle vert succède ainsi au siècle rouge 4 . La consécration de la question écologique — sur fond d’accélération des dérèglements climatiques et d’effondrement de la biodiversité — confère au XXIe siècle sa couleur verte. Cependant, il est impossible de comprendre ce siècle vert en faisant abstraction de Pékin, qui, certes, affectionne le vert, mais n’entend pas renoncer au « rouge vif » 5 dans lequel se drape le Parti communiste chinois 6 .

La couleur rouge du XXIème siècle ne tient cependant pas uniquement à la Chine. Gouverner dans l’anthropocène exige de susciter du consentement aux mesures draconiennes requises par la limitation du réchauffement climatique à des niveaux préservant l’habitabilité de la planète. Administrer des situations de pénurie volontaire (dans le cas de la mitigation au changement climatique) ou subie (dans le cas de l’adaptation à ses conséquences) fait émerger des enjeux redistributifs majeurs. La question écologique réactive la question sociale et réhabilite des formes d’imposition en nature.

À ce nuancier de couleurs vertes et rouges s’ajoute le jaune, associé à l’héritage indélébile de la Chine impériale et à l’un des lieux de mémoire phare du Maoïsme, « la Terre Jaune » 7 , où s’acheva la Longue Marche. Pour témoigner de sa ferveur révolutionnaire, le Président chinois Xi Jinping revendique d’être un fils de « la Terre Jaune » où il fut envoyé comme jeune instruit lors de la Révolution culturelle. Muni de son concept de « civilisation écologique » qu’il a fait inscrire dans la constitution de la République populaire de Chine, Xi Jinping opère l’amalgame « socialiste aux caractéristiques chinoises » du rouge, du vert et du jaune.

Définir l’écologie politique aux caractéristiques chinoises

Le « saccage de la nature » est l’un des symptômes les plus éclatants de l’insoutenabilité d’un modèle politique et économique ultra-dirigiste, extractif et productiviste. « Ultra-dirigiste d’abord » — c’est-à-dire fonctionnant selon un mode de décision du sommet vers la base, de haut en bas, du centre vers les périphéries, où les prérogatives de conception et de décision sont concentrées dans les mains d’un nombre réduit de personnes, en l’occurrence le Comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois —, « extractif », ensuite, car prélevant sans retenue ni modération les ressources naturelles, et enfin « productiviste », car fondé sur la poursuite débridée de la croissance économique et une démarche systématique d’industrialisation, d’uniformisation, de quête des volumes et des économies d’échelle. Toutefois, le ralentissement structurel de la croissance économique rend obsolète le contrat social en vertu duquel le PCC garantissait la prospérité du pays en contrepartie de son hégémonie et de l’absence de pluralisme politique.

Dans ce contexte historique et politique chinois, le Président Xi Jinping invite à « un mode de vie vert et sobre en carbone de modération et de frugalité » et « l’opposition à l’extravagance et à la consommation injustifiable » 8 . Il entend à ce titre « développer des familles, des écoles et des communautés écologiques ». Ce « grand bond dans le vert » nourrit le fantasme d’un contrôle panoptique des affaires humaines par un pilote central. L’alibi écologique pourrait justifier une extension de la mainmise du Parti, annihilant les interstices de liberté par un contrôle de tous par tous intrusif et technologique.

L’invitation à un « bond dans le vert » peut être défini par le biais de deux concepts. Le premier est celui de « judo politique ». À l’instar de la discipline sportive, il suppose une souplesse, en l’occurrence une plasticité et une adaptabilité du pouvoir. Cette notion décrit la capacité d’un régime à s’extraire d’une situation inconfortable en la retournant à son avantage. Tandis que les injonctions initiales à verdir le modèle de développement chinois émanaient de la population 9 , le pouvoir central chinois ne pratique-t-il pas un « judo politique » en retournant contre les gouvernés et les provinces la pression à résoudre la crise écologique ? Pékin pourrait tirer profit de ce nouveau paradigme énergétique, économique et culturel. C’est une occasion unique de bâtir un nouveau discours, de renforcer son leadership mondial et d’affirmer son soft power (accréditant la thèse de son « ascension pacifique » voire salvatrice pour l’humanité). Un autre récit consistant à désigner comme boucs émissaires des minorités ou des puissances étrangères et à promouvoir une mentalité guerrière est aussi possible.

Le Président Xi Jinping promet de « rendre le ciel chinois bleu à nouveau ». Il a parlé de « guerre contre la pollution » dans des contextes médiatisés, notamment le 19ème Congrès du Parti en octobre 2017 10 . La réduction de la pollution est une des trois « batailles difficiles » prioritaires pour la Chine dans les années à venir (les deux autres sont l’élimination de la pauvreté et la réduction des risques financiers). Le Premier ministre Li Keqiang a déclaré la guerre à la pollution atmosphérique 11 . En septembre 2013, il a déclaré que la Chine utiliserait des « poings de fer » pour lutter contre la pollution. Le régime communiste opère une synthèse de la question écologique et de la stabilité politique à travers son concept de « sécurité écologique ».

Le Président Xi Jinping invite « à recevoir de plein gré et consciencieusement la surveillance du peuple » 12 , notamment en matière de protection environnementale. Dans le cas chinois, la crise écologique, plutôt que de fragiliser un régime acculé ou enjoint à agir, permettrait à ses dirigeants de refonder la légitimité du Parti, de perfectionner son autoritarisme et d’étendre son emprise. Une écologie non cosmétique touche nécessairement au quotidien et à l’intime. Elle peut alors justifier une extension presque illimitée du domaine du contrôle politique dans la sphère privée : alimentation, habillement, déplacements, loisirs, etc. Pourtant, « Il existe une limite à l’ingérence légitime du collectif » a écrit le philosophe John Stuart Mill 13 . Cette limite à l’ingérence légitime du collectif, déjà ténue, a été fragilisée par la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ou contre le smog, qui ont plus en commun que le port du masque, et font l’objet de mesures similaires.

Verdir un régime autoritaire, c’est le rendre plus redoutable. Si comme l’explique François Godement, « l’idée d’une démocratisation inéluctable de la Chine est la plus grande illusion de la fin du XXème siècle » 14 , il faut désamorcer une autre illusion en ce début de XXIème siècle : le verdissement de l’économie et de la société chinoise n’aboutira pas spontanément à la démocratisation du pays et l’avènement de la « 5ème modernisation » 15 . La question écologique rétroagit sur les institutions et bouleverse les conditions mêmes du politique 16 . Les voies et moyens dont use le PCC lorsqu’il est aux prises avec la crise écologique ont une incidence sur la nature même du régime. Il semble cependant impropre de parler d’altération ou de réforme du régime, car le verdissement de l’économie et de la société conforte son « centralisme démocratique » et le rend davantage intrusif. Il existe dans la question écologique des éléments intrinsèques qui favorisent ou épousent les vues et les pratiques autoritaires du PCC. Elle repose en effet sur des éléments physiques dans un registre du dérèglement. Elle revêt un caractère éminemment tangible (enjeux géologiques ou chimiques), se mesure et s’exprime en flux et en stocks (quantifiable en tonnes de CO2eq par personne, par voyage, produit manufacturé). Elle se laisse capturer par les chiffres au risque de devenir aveugle. Tout ou presque a des conséquences en carbone, et doit être mesuré, recensé, analysé. Des flux sont ainsi rapportés à des stocks et vice versa. Elle est en outre intrinsèquement liée à l’énergie, elle affecte la santé des individus (bouleverse les conditions d’existence, voire de survie) et touche à tous les aspects de la vie humaine, notamment les plus intimes… Elle reste comprise de manière limitée par les sciences : vecteur d’incertitude et d’angoisse et se heurte aux limites cognitives des individus lambdas. Elle est largement imprévisible (avec des rétroactions, des effets de seuils, ou des risques d’accélération) et présente un potentiel d’angoisse et de panique. Ces éléments intrinsèques sont décelables dans l’autoritarisme écologique 17 .

Compte tenu du rôle de la Chine dans la mondialisation, cette métamorphose ne se borne pas au PCC mais affecte aussi les formes énergétiques, climatiques et politiques mondiales. En « devenant verte », la Chine pourrait empêcher un écocide, dépasser économiquement et en influence les États-Unis, mais aussi transformer profondément la mondialisation et les mises en pratique de l’écologie.

La « panique écologique », une inquiétude sincère ou opportuniste ?

Le second concept auquel nous proposons de recourir est celui de « panique écologique ». Ce concept s’inspire des travaux de l’historien américain spécialiste de l’histoire de l’Europe centrale et de l’Est et de l’Holocauste, Timothy Snyder 18 . La panique sert en quelque sorte « d’huile » ou « fluidifiant » au judo politique. Elle permet d’éviter de lire le tournant ou la conversion écologique des dirigeants du PCC uniquement sous l’angle de l’opportunisme politique. Introduire la notion de panique politique permet d’écarter l’idée manichéenne d’une manipulation des masses — alors réduites à la malléabilité d’une cire à cacheter — par les cadres communistes chinois 19 . Ce concept évite l’écueil consistant à exagérer l’intentionnalité des dirigeants. Au contraire, il suppose que ces derniers peuvent être, au même titre que la population, « saisis » ou « pris » de panique. La mobilisation de l’imparable alibi de la crise écologique, s’il se traduit par un renforcement du contrôle du Parti, peut s’avérer tout à fait sincère.

Xi Jinping paraît authentiquement préoccupé par l’écologie et la crise environnementale qui frappe la Chine. Des articles rapportent que la première chose que le leader suprême fait le matin est de s’enquérir des niveaux de pollutions 20 . Un recul critique est indispensable pour appréhender une telle information. Xi Jinping veut certainement que la population sache qu’au réveil, sa préoccupation première est de s’informer des niveaux de pollution. Il est malaisé d’évaluer la sincérité d’une conviction chez un leader politique, mais des indices convergent pour accréditer le caractère authentique de la préoccupation environnementale chez le leader suprême communiste. Xi considère que « les activités humaines doivent respecter la nature, s’y adapter et la protéger, auquel cas l’être humain subira ses représailles ; ceci est une loi irrépressible » 21 . La vision écologique du dirigeant communiste est sous-tendue par une histoire politique des questions écologiques. Il est imprégné et ponctue ses interventions de références aux épisodes historiques d’effondrement politique ou de déclin économique causés par la destruction de la nature par l’homme. Xi Jinping considère qu’« Avec l’histoire pour miroir, on peut comprendre l’essor et la chute d’un État » 22 , citant la dégradation de l’environnement, en particulier la désertification, qui a conduit au déclin de l’Egypte antique et de Babylone. Il cite également des exemples chinois, le royaume autrefois glorieux et luxuriant de Loulan englouti par la désertification, ou encore les corridors du Hexi et le plateau de Loess dont la chute fut précipitée par la déforestation causée par l’agriculture engendrant un déclin économique. Il indique que le déplacement des pôles économiques vers l’est et le sud depuis le milieu de la dynastie Tang (618-907) a largement résulté de changements environnementaux en Chine occidentale. Pour Xi Jinping, les questions écologiques ont un pouvoir (de)structurant considérable, « les changements apportés à l’environnement ont un impact direct sur l’essor et la chute des civilisations ».

La crise écologique constitue d’autant plus une aubaine pour renforcer la mainmise du Parti que ses cadres dirigeants ressentent de bonne foi l’urgence d’agir promptement et décisivement. Plus ils y croient fermement et s’en convainquent, plus la question écologique devient politiquement corrosive pour les libertés et la paix entre la Chine et son voisinage.

Le grand bond dans le vert ?

C’est la combinaison de ces deux concepts de « judo politique » et de « panique écologique » qui accrédite l’hypothèse d’un mécanisme infernal similaire au Grand bond en avant pouvant déboucher sinon sur la famine, du moins sur le meurtre involontaire de masse et sur le délitement des institutions 23 . Cet engrenage pourrait être fatal pour l’environnement — car le bilan en analyse du cycle de vie des avancées vertes chinoises est souvent ambivalent, la Chine déplace les problèmes écologiques plus qu’elle ne le résout 24 — mais aussi pour les libertés publiques. La panique suspend le discernement, ce qui, dans les régimes cumulant concentration du pouvoir, culte de la personnalité et terreur, peut avoir des effets dévastateurs. La panique est surtout mouvement. Chaque échec ou démenti de l’expérience alimente plus encore la dynamique infernale et appelle un resserrement du contrôle. La conception performative de la vérité du PCC — le martèlement et l’apprentissage des slogans et discours la façonnent — et sa relation aux statistiques et à la planification, peuvent enfermer les cadres locaux en charge d’appliquer des baisses de budgets carbone dans le piège de falsification de la réalité que connurent les paysans lors du Grand bond en avant. L’appel de Xi Jinping à avancer « résolument vers un chauffage d’hiver propre dans le nord de la Chine » 25 afin de faire cesser les épisodes d’« airpocalypse » à Pékin s’acheva en hiver glacial pour les habitants ruraux du nord de la Chine 26 . Leurs chaudières au charbon furent détruites par les cadres locaux du Parti soucieux d’appliquer avec zèle les consignes venues d’en haut et moins préoccupés de l’existence de solutions alternatives abordables de chauffage pour les foyers modestes.

Toute critique est mort-née si le Parti sert les générations suivantes qui ont rendez-vous avec l’histoire 27 (accomplissement du nouveau rêve chinois et objectif des deux centenaires 28 ). Pour le Président Xi Jinping, « s’avancer vers une nouvelle ère de la civilisation écologique et construire une belle Chine font partie importante de la réalisation du rêve chinois du grand renouveau de la nation chinoise » 29 . La question écologique est ainsi au cœur du grand récit de renaissance nationale portée par le leader suprême. Les cadres du Parti communiste chinois pourraient ainsi soustraire leurs affirmations et leurs décisions au contrôle du présent, en arguant ne devoir être comptables que vis-à-vis de l’avenir et de la réalisation du rêve chinois tel que conceptualisé par le leader suprême. Leur spiritualisme écologique leur servira de bouclier. La civilisation écologique pourrait immuniser plus encore le PCC contre l’expérience et l’argumentation. Le moindre démenti de l’expérience directe sera analysé comme un défaut de mise en œuvre, justifiant de renforcer la supervision et les organes de contrôle, poussant encore plus loin l’ambition de contrôle total des conditions de vie. Le renforcement du système technologique et la traçabilité des individus seront par conséquent présentés comme nécessaires. Cette légitimation totale par la future civilisation écologique remplace la visée communiste.

La convergence d’un faisceau d’éléments accrédite la possibilité d’une écologie autoritaire, voire totalitaire. Au fondement du succès du concept de civilisation écologique, nous avons des niveaux extrêmes de pollution et d’épuisement de la biodiversité qui créent les conditions d’un écocide et provoquent une gronde écologique de la population, en particulier au sein des classes moyennes avides de ciel bleu. Le régime se trouve de « bonnes raisons » de blâmer les responsables locaux (opportunité de mise au pas des provinces et de canalisation du mécontentement populaire), ou de dénoncer l’Occident pour l’influence pernicieuse de son modèle productiviste (mise en cause de la pollution spirituelle et politique occidentale). S’ajoute la tradition politique chinoise voyant dans la survenance de catastrophes naturelles un possible retrait du mandat du ciel. Cette pensée traditionnelle indélébile provoque une adhésion survivaliste du noyau dirigeant communiste à l’urgence écologique. La question écologique recèle en outre des opportunités économiques importantes, notamment de s’imposer dans de nouvelles filières technologiques. Pékin œuvre en faveur d’une percée des entreprises chinoises dans les segments « bas-carbone » de l’économie de demain comme l’électromobilité. Les bénéfices escomptés en termes de soft power d’un leadership climatique sont également importants, dans l’espoir de compenser un déficit de réputation et le vide laissé par les États-Unis sous la Présidence de Donald Trump.

Le concept de civilisation écologique traduit par ailleurs un sentiment de supériorité raciale ou civilisationnelle (millénarisme chinois et désir des Hans de civiliser écologiquement, c’est-à-dire de siniser sous couvert d’écologie, les minorités ethniques). Hiav-Yen Dam et Sébastien Scotto di Vettimo reviennent aux racines de l’expression de civilisation écologique (« shengtai wenming ») utilisée en 2007 par le Président Hu Jintao. Ils expliquent que le terme wenming peut être traduit par « civilisation », « civilisé » ou encore « moderne ». Selon eux, le terme est « porteur d’une idéologie normative visant à modifier le comportement, l’attitude morale et le mode de vie des citoyens chinois » 30 . Le concept s’articule à merveille au nationalisme revanchard de Xi (projet de « renaissance de la nation » et effacement des humiliations infligées par les traités inégaux). La revendication de justice climatique pourrait justifier un « malthusianisme pour autrui », en se prévalant du concept de responsabilités communes mais différenciées. L’écologie est aussi un terrain propice au déploiement des technologies intrusives (applications mobiles sur smartphones, capteurs, notations sociales ou caméras de reconnaissance faciale) permettant un contrôle ubiquitaire du « communist green way of life » 31 . Enfin, le régime arbitraire de responsabilité à vie des fonctionnaires pour crimes environnementaux pourrait créer une terreur verte. Tout, ou presque donc, converge pour soutenir la possibilité de totalitarisme vert. S’ajoute à ce faisceau d’éléments le culte de la personnalité entourant le Président Xi Jinping qui s’appuie sur ses faits d’armes écologiques (ses bilans et positions vertes précoces dans sa carrière comme cadre local), sur une propagande et une iconographie de la pelle où le Président participe à des activités de reforestation, ou encore la formulation de concepts fondateurs (« l’histoire de la ville d’Anji » et la « théorie des deux montagnes ») 32 .

Le Président Xi Jinping fixe des « lignes rouges pour la protection de l’environnement », il veut mettre sur pied un corps de protection de l’environnement puissant et encourage les brigades citoyennes de surveillance des rivières ou de reboisement. Il exhorte à « développer des familles, des écoles et des communautés écologiques » 33 . En cas d’atteinte à l’environnement, il invite à n’être ni mou, ni à ne faire aucune exception. Dans une veine répressive qui lui est propre, il appelle les cadres dirigeants du Parti à ne « jamais laisser nos institutions et nos réglementations devenir des tigres édentés » 34 . Malgré le centralisme démocratique communiste, l’écologie politique chinoise n’est pas une écologie sans le peuple, au contraire car « personne ne peut rester à l’écart et choisir de critiquer en se tenant à distance plutôt que de participer » 35 . Alice Ekman explique que « le Parti attend ainsi des individus qu’ils soient positivement et significativement engagés au service de la collectivité, du Parti et de la nation, au-delà de leurs préférences, aspirations et libertés individuelles » 36 . Xi est explicite sur le sujet : « l’édification de la civilisation écologique est étroitement liée à chaque individu, qui doit en être un partisan et un promoteur » 37 , il faut instaurer des bonnes mœurs de la participation commune de toute la société. L’enthousiasme est encouragé par l’organisation de concours, d’événements voire de campagnes nationales. Citons par exemple la campagne « une belle Chine », que Xi Jinping décrit parfois en utilisant le terme mouvement (« yundong » en chinois), un mot employé durant la période maoïste à propos de la Longue marche ou du mouvement des Cent Fleurs.

Le public est donc directement acteur de la « surveillance de tous par tous » dans une version de l’écologie qui se résume alors à des flux et à des stocks, s’incarne en citations de Xi Jinping apprises par cœur, et peut se compter en nombre de points. Le PCC est en quête « d’une cohérence unissant les rendements économique, social et écologique » 38 . Or, la production de cette cohérence unifiant les rendements semble ne pouvoir incomber qu’au Parti communiste. Confirmant l’hypothèse formulée de « judo politique » du PCC, Xi Jinping affirme que pour résoudre la crise environnementale « nous devons pleinement exercer la force politique de la direction du Parti et du système socialiste chinois qui peut fournir les ressources nécessaires pour assumer des tâches immenses » 39 . Le Secrétaire général du PCC proclame que dans « la lutte acharnée et incessante pour l’environnement, il est essentiel de renforcer le leadership du PCC ».

Critères de définition d’une « bonne » écologie

Si l’enrichissement matériel de la Chine a été considérable, il est important de ne pas enfermer la question écologique dans un débat sur l’efficacité. « Quand elle appuie sur un bouton, la Chine avance. Elle met tous les moyens en œuvre pour y arriver. Son autoritarisme permet de mobiliser massivement la société » 40 affirme une ancienne expatriée à Pékin, impliquée dans le développement durable en Chine. Le tableau n’est pas si simple. Et quand bien même, la politique n’a pas pour finalité l’efficacité. En outre, cette dernière doit s’appréhender à long terme. Il semble plutôt que la question écologique suppose des transformations profondes, pérennes et librement consenties. Un pilotage intégral et unilatéral de la décarbonation est inapte à résoudre la crise écologique. Les grands élans réformateurs à dimension manichéenne et expiatoire engendrent souvent des déséquilibres. Ignorer l’intelligence collective et les vertus de la décentralisation démocratique, c’est risquer d’importants écueils. Les politiques de verdissement top-down et autoritaires sont culpabilisantes pour les plus démunis et dé-responsabilisantes pour les cadres chargés de leur mise en œuvre. Elles ouvrent la voie à des fraudes et des passe-droits. Elles présentent davantage de risques d’être iniques et mal acceptées.

Si les percées technologiques sont essentielles au verdissement des économies, la transition vers un développement soutenable est un processus plus profond. Il ne suffit pas de faire émerger des technologies « vertes » ou « propres » et d’édicter des réglementations plus strictes. Les impasses d’une écologie strictement scientifique sont connues 41 . Une écologie qui émancipe l’homme doit être conçue comme une autolimitation de nature politique. La vertu ou l’apport principal de l’écologie, c’est d’interroger les finalités du progrès et de réhabiliter la notion de limites. Cornelius Castoriadis propose une définition de l’écologie à distance de tout romantisme ou de toute mystification de la nature. Il écrit : « l’écologie n’est pas l’« amour de la nature » : c’est la nécessité d’autolimitation (c’est-à-dire de vraie liberté) de l’être humain relativement à la planète sur laquelle, par hasard, il existe, et qu’il est en train de détruire ». L’autodétermination peut ouvrir la voie à l’autolimitation, c’est l’hypothèse libérale de refonte écologique de la société. En ce sens, l’écologie ne consiste pas nécessairement en l’extension du contrôle et des contraintes. Elle peut aussi signifier la diffusion à travers la société et l’appropriation par le corps social de l’idée de retenue. L’autolimitation signifie renoncer et hiérarchiser certaines possibilités, s’abstenir consciemment. Elle n’est pas nécessairement une mutilation des modes de vie. Si la domestication de la violence sociale est au cœur du « processus de civilisation », la prochaine étape dans ce processus consiste à contenir la violence exercée par les humains à l’encontre de la nature. Afin d’éviter les conflits de répartition, la violence entre humains a précédemment été redéployée sur l’environnement dans un processus accumulatif. Le productivisme est une manière d’atténuer les conflits de rareté. Or, l’écologie peut avoir pour rôle de rappeler aux hommes « que tous ensemble nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, nous devons nous autolimiter » 42 . Castoriadis propose une articulation de l’écologie et de sa pensée philosophique sur l’autonomie : « L’autonomie – la vraie liberté – est l’autolimitation nécessaire non seulement dans les règles de conduite intrasociale, mais dans les règles que nous adoptons dans notre conduite à l’égard de l’environnement » 43 . Il s’agirait donc d’une autolimitation dans les règles que nous adoptons, il faut entendre par ce nous des règles non hétéronomes, c’est-à-dire non transmises ou révélées par la religion, la tradition ou encore un parti unique ou un leader suprême. « Organiser certaines formes de non-ingérence, c’est bien évidemment gouverner, mais c’est gouverner autrement qu’en dirigeant » 44 explique Gil Delannoi. La transition écologique nécessite le soutien et la participation de citoyens, à la fois dans la délibération et la conception des mesures, dans leur application, la vigilance ou surveillance de leur mise en œuvre. En l’occurrence, la participation d’un milliard d’individus à des délibérations peut s’avérer compliquée. Le régime communiste confine le public chinois dans les dernières étapes — surveillance et mise en œuvre — et l’écarte des premières. La question n’est pas nouvelle. Face à ces enjeux d’échelle adéquate de la prise de décision et de praticité de la démocratie participative, la piste traditionnelle en faveur de la démocratie territoriale semble renforcée par les bénéfices environnementaux intrinsèques relatifs au « localisme » et à la diminution des importations. Mécaniquement, davantage d’autosuffisance resserre les possibilités de consommation et réduit incidemment les émissions de gaz à effet de serre induites qui leur sont associées.

Les limites planétaires n’ont pas d’existence propre (ce qui ne retire rien à l’existence de points de non-retour en matière de biodiversité ou de boucles de rétroaction), leur définition requiert le truchement des êtres humains, c’est-à-dire le jugement et la délibération, selon les régimes politiques, d’un plus ou moins grand nombre de personnes.

Ces limites ou manières d’organiser la société de manière écologiquement responsable ne sont pas décelables ou identifiables par l’observation scientifique. Elles sont définies à partir des seuils de tolérance à la dégradation de l’environnement communément agréées, parfois tacitement par l’inaction collective, qu’éclaire la science, mais qu’en aucun cas elle ne peut fixer.

Se soucier des biens communs mondiaux, en particulier du climat, requiert d’étudier la Chine. Elle polarise les problèmes et les espoirs écologiques mondiaux en raison de son poids démographique et carbone. De surcroît, elle entend prendre, selon la formule de Xi Jinping, « le volant de l’action climatique dans la coopération internationale ». La portée de cette formule prononcée en 2017 n’a peut-être pas été correctement appréciée. Au moins faudrait-il savoir quelles sont les destinations possibles d’un « voyage écologique » dont le trajet est déterminé par le PCC, et dont l’Occident serait réduit à n’être que le passager. Pour Xi Jinping, l’édification d’une civilisation écologique doit se dérouler sans heurt afin que le socialisme à la chinoise remporte une bataille décisive dans la compétition idéologique face à l’Occident. Si l’écologie aux caractéristiques chinoises s’avère ou est perçue comme efficace dans la lutte contre le changement climatique, le moule autoritaire dans lequel elle est forgée pourrait bénéficier d’un surcroît de prestige et de légitimité. Face à l’ampleur des dérèglements à venir et l’inexorable sentiment d’impuissance découlant de l’inertie des phénomènes climatiques, les opinions publiques pourraient être tentées, non pas d’abandonner ou de bouder le modèle politique libéral, mais de multiplier les emprunts à l’autoritarisme chinois.

Notes

  1.  Le régime communiste est confronté à plusieurs transitions, notamment le rééquilibrage de son modèle de croissance économique (appelé la « nouvelle normalité ») vers la consommation intérieure et moins vers les exportations (volonté d’atterrissage en douceur, soft landing), de sa montée en gamme (afin d’éviter la trappe à revenus intermédiaires), dans un contexte de vieillissement démographique, de montée des tensions géopolitiques dans son voisinage, de guerre commerciale ouverte avec les États-Unis et de contestation voire de rejets de son initiative des « Nouvelles routes de la soie ».
  2. C’est-à-dire la brume brunâtre épaisse, provenant d’un mélange de polluants atmosphériques. Le smog correspond à une formation photochimique d’ozone. C’est une dégradation de la qualité de l’air, principalement via la formation de brouillard de basse altitude nommé donc smog. Les phénomènes extrêmes de smog sont observés en Chine depuis le début des années 2010.
  3. Expression de « Grand Collapsus » succédant au « Grand soir » employée par Pascal Bruckner, dans un contexte non spécifiquement relatif à la Chine. P. Bruckner, « L’écologie entre panique et sang-froid », Le Débat, 2020.
  4. L’expression « siècle rouge » est parfois utilisée pour désigner le XXe siècle. C’est notamment le titre de d’un ouvrage de J-C. Buisson paru en 2019 et sous-titré « Les mondes communistes 1919-1989 ». J-C. Buisson, Le siècle rouge, Perrin, 2019. L’expression « siècle vert » est quant à elle plus récente, mais gagne en popularité, particulièrement après la publication par le philosophe R. Debray d’un essai intitulé Le Siècle vert : Un changement de civilisation, Gallimard, « Tracts. Grand format », 2019.
  5. A. Ekman, Rouge vif : l’idéal communiste chinois, Éditions de l’Observatoire, 2020.
  6. « L’Orient est rouge » est un chant partisan qui fut le quasi-hymne de la République populaire de Chine durant la révolution culturelle.
  7. La Terre jaune est à la fois un lieu où la Longue Marche de Mao s’acheva en 1935, mais aussi un terme qui, pour les Chinois, désigne une région symbole de dur labeur et de noble sacrifice. F. Lemaître, F. Bougon, « Xi Jinping, fils de la ‘terre jaune’ », Le Monde, 2019.
  8. Jinping, X., « Pushing China’s Development of an Ecological Civilization to a New Stage », Qiushi, vol. 11, n° 39, 2019. Citation originale en anglaise de Xi Jinping: « Green ways of living relate to the basic needs of ordinary people, like food, clothing, shelter, and transportation. We must advocate a green and low-carbon lifestyle of moderation and frugality and oppose extravagance and unjustifiable consumption. We must carry out extensive campaigns to build conservation-minded public offices, engage in activities to promote green modes of transportation, and develop eco-friendly families, schools, and communities ».
  9. Notamment à travers des manifestations nombreuses d’opposition à l’installation de projets polluants. Ce mécontentement social éclate parfois en violence. Ce fut par exemple le cas lors des manifestations contre l’installation d’une usine de paraxylène à Kunming en mai 2013. Au sujet des soulèvement des populations locales contre des projets polluants, voir par exemple M-H. Schwoob, « L’éveil vert de la société chinoise ? », Écologie & politique, vol. 47, n° 2, 2013. Le mécontentement s’exprime également sur Internet. Un exemple souvent cité est celui du succès et des réactions politiques à un documentaire sur le smog. Intitulé « China’s Haze : Under the Dome », c’est une enquête publiée en février 2015 et réalisée par la journaliste C. Jing. Elle a été visionnée 155 millions de fois en 24 heures (300 millions de vues au total) et saluée dans un premier temps par le Ministère de l’environnement chinois, avant d’être censurée.
  10. République Populaire de Chine, « Remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance et faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère », Rapport de progrès de Xi Jinping au 19e congrès national du PCC, 2017.
  11. Reuters Staff, « China to “declare war” on Pollution, Premier says », Reuters, 2014.
  12. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 2, Éd. en Langues étrangères, 2018. Discours intitulé « Poursuivre et bien appliquer l’âme de la pensée de Mao Zedong », 2013.
  13. J. S. Mills, De la liberté, Gallimard, Folio, 1990.
  14. P. Saint-Paul, entretien avec F. Godement, « La Chine de Xi a pris un tournant autoritaire », Le Figaro, 2019.
  15. Cette expression désigne le nom attribué à une affiche collée sur un mur, signée de la main de W. Jingsheng, le 5 décembre 1978. C’était un appel en faveur des libertés individuelles et de l’instauration d’une véritable démocratie . L’expression signifie aujourd’hui la modernisation démocratique des institutions, notamment un pluralisme politique réel et la liberté d’opinion et d’expression.
  16. La question écologique bouleverse la nature du pouvoir, des institutions politiques et surtout la relation entre gouvernants et gouvernés. La démocratie, au sens de régime ou de société politique et non pas seulement de système institutionnel, est par exemple perturbée. Évoluent ainsi les règles et normes communes dont se dotent les sociétés afin d’orienter et de structurer les comportements et les interactions humaines, notamment par l’établissement de limites. Les organisations – parlements, administrations, régulateurs, entreprises privées, associations, etc. – doivent désormais opérer ou composer avec la contrainte écologique, en particulier avec l’attitude à l’égard de la vie de leurs citoyens ou administrés. Ils procèdent de différentes façons, dans des registres symboliques ou plus directement de politiques publiques, au moyen, par exemple, de contrôles directs ou d’incitations pour refaçonner les comportements humains afin d’en réduire l’empreinte carbone.
  17. Dont les traits distinctifs sont par exemple : avant-garde éclairée seule à même de résoudre le problème (un Politburo écologique ou un comité d’experts) ; instrumentalisation de la science pour asseoir son pouvoir et ses décisions (refuge et irresponsabilité derrière l’implacabilité des chiffres) ; rejet de la responsabilité des échecs et des catastrophes sur les générations passées, l’autre, ou les opposants politiques ; explication mono-causale de tous les événements : irresponsabilité politique totale face aux accidents et catastrophes ; fixation de la hiérarchie des valeurs, des comportements, identification de déviants ou de révisionnistes ; mesures de réduction des émissions de GES imposées unilatéralement et sans délibération (en passant sous silence les questions sociales et redistributives, notamment le partage de ressources rares en cas de pénuries subies ou administrées) ; état d’urgence permanent : suspension des règles encadrant l’action de l’État ; confusion entre les aspects civils et militaires (militarisation des esprits et de la lutte contre le changement climatique), notamment dans l’organisation des secours (omniprésence de l’armée célébrée pour son assistance aux victimes) ; surveillance des efforts écologiques individuels et disparition de la notion de sphère privée et de l’intimité.
  18. T. Snyder, Terre noire : l’Holocauste, et pourquoi il peut se répéter, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2016.
  19. L. Willy Wo-Lap, The Fight for China’s Future : Civil Society vs Chinese Communist Party, Routledge, 2019.
  20. AFP, « China’s Xi Says he Checks Pollution First Thing Every Day » Daily Mail, 2014.
  21. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 2, op. cit. Discours intitulé « Promouvoir la mise en place de mode de vie et de développement écologiques » (26 mai 2017) à partir des Points essentiels du discours à la 41e séance d’étude du Bureau politique du XVIIIème Comité central du Parti.
  22. Citation originale en anglais : « With history as a mirror, one can understand the rise and fall of a state. The reason why I have repeatedly emphasized the importance of taking environmental issues seriously and handling them properly is that China’s environmental capacity is limited, our ecosystems are vulnerable, and we have still not achieved a fundamental reversal of environmental conditions that cause heavy pollution, significant damage, and high risk ». X. Jinping, « Pushing China’s Development of an Ecological Civilization to a New Stage », op.cit.
  23. Le Grand bond en avant fut la première tentative de Mao Zedong de s’éloigner du modèle soviétique. Ce programme économique, social et politique mis en œuvre de 1958 à 1960 se révéla être un terrible fiasco pour l’ensemble de la population qui subit de 1958 à 1962 la « grande famine chinoise ».
  24. Des fuites de carbone et de polluants sont causées par l’internationalisation des entreprises chinoises et l’initiative des Nouvelles routes de la soie. Une partie de la stratégie de réduction des capacités industrielles excédentaires repose en effet sur « l’internationalisation » de ses industries brunes (en fait leur délocalisation). Autre exemple, depuis que la Chine a restreint l’exploitation commerciale de ses forêts, elle s’est tournée vers la Russie ou encore l’Indonésie et a importé d’énormes quantités de bois pour satisfaire la demande de ses entreprises de construction et de ses fabricants de meubles, y accélérant la déforestation.
  25. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 1, Éd. en Langues étrangères, 2014.
  26. Sur les relations entre habitants des territoires ruraux et cadres du Parti autour de la question écologique, voir par exemple l’enquête suivante sur l’activisme rural. M. Hansen, Z. Liu, « Air Pollution and Grassroots Echoes of “Ecological Civilization” in Rural China », The China Quarterly, 2018.
  27. En invoquant les générations futures, ou des échéances telles que 2035, Xi Jinping pourrait soustraire plus encore son action à toute critique. Le PCC est au service du peuple, cette affirmation est présentée comme irréfutable. Gouverner au nom des générations futures permet de faire accepter tous les contrôles, les sacrifices ou les violences possibles. N’accepter de rendre compte qu’aux générations futures, c’est abolir le politique.
  28. L’objectif des « deux centenaires » est au cœur de l’agenda et du discours idéologique du PCC. Il s’agit de « parachever l’édification intégrale de la société de moyenne aisance » pour le centenaire de la fondation du PCC en 2021 et de hisser la Chine au premier rang mondial à l’horizon 2049, date du centenaire de la République populaire de Chine.
  29. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 1, op.cit. Discours intitulé « Laissons aux générations futures un ciel bleu, une terre verte et une eau limpide », 18 juillet 2013.
  30. H-Y. Dam, S. Scotto di Vettimo, « Chapitre 8. Entre réconciliation avec la nature et ‘civilisation écologique’. Comment penser l’Anthropocène en Chine ? », in R. Beau et C. Larrère (dir.), Penser l’Anthropocène, Presses de Sciences Po, Collection académique, 2018.
  31. [ndlr] À ce sujet, voir l’article de S. Monjon et E. René intitulé « Les nouveaux outils de la gouvernance environnementale en Chine », page 136 et celui de F. Cugurullo intitulé « ‘One AI to rule them all’. En Chine l’unification de la gouvernance urbaine par l’intelligence artificielle », page 132.
  32. Cette cité auparavant très industrielle et fortement polluée est présentée aujourd’hui par les médias officiels chinois comme une sorte de paradis terrestre. Xi Jinping y aurait pour la première fois formulé sa « Théorie des deux montagnes » et prononcé la phrase désormais célèbre « les eaux limpides et les montagnes verdoyantes sont les véritables trésors ».
  33. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 1, op.cit.
  34. Ibid.
  35. Ibid.
  36. A. Ekman, Rouge vif : l’idéal communiste chinois, op.cit.
  37. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 2, op. cit. Discours intitulé « Promouvoir la mise en place de mode de vie et de développement écologiques », 26 mai 2017, à partir des Points essentiels du discours à la 41ème séance d’étude du Bureau politique du XVIIIème Comité central du Parti.
  38. X. Jinping, La gouvernance de la Chine, tome 1, op. cit. Discours intitulé « Vers une nouvelle ère de la civilisation écologique socialiste », 24 mai 2013.
  39. X. Jinping, Pushing China’s Development of an Ecological Civilization to a New Stage, op. cit.
  40. G. D’Allens, « La Chine, une inquiétude pour le climat mondial », Reporterre, 2019.
  41. Citons par exemple les espoirs disproportionnés et intéressés placés dans les technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone. Plus globalement, la foi dans le progrès technique et les gains d’efficacité énergétique sont souvent neutralisés car ils sont réalloués vers d’autres activités, ou permettent un surcroît de consommation (« effet rebond »).
  42. C. Castoriadis, « La force révolutionnaire de l’écologie », Revue publiée par le Bureau des élèves de l’Institut d’études politiques de Paris, 1992, ré-imprimé dans La société à la dérive, Paris, Seuil, 2005.
  43. Ibid.
  44. G. Delannoi, « La liberté est-elle négative ? », Commentaire, vol. 3, n° 115 2006.
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Andrée Clément, L’écologie politique aux caractéristiques chinoises, Groupe d'études géopolitiques, Sep 2021, 121-127.

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