Revue Européenne du Droit
Recadrer et muscler la coopération transatlantique en matière de réglementation
Issue #3
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Auteurs

Peter Chase

La Revue européenne du droit, décembre 2021, n°3

Après quatre années de relations commerciales transatlantiques agitées sous la présidence Trump, l’administration Biden prend des mesures importantes, mais prudentes, pour resserrer les liens économiques entre les États-Unis et l’Union européenne. 

Ces mesures, y compris la création du Conseil du commerce et de la technologie (en anglais, TTC pour Trade and Technology Council), donnent une nouvelle orientation à la coopération transatlantique en matière de réglementation, d’une manière qui, heureusement, n’a pas (encore) suscité des tumultes comparables au « poulet au chlore » qui a gâché les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI). 

Aussi bienvenues et importantes que soient ces mesures, elles sont toutefois trop timides. Elles reflètent une mauvaise compréhension du débat sur le PTCI et laissent passer une occasion cruciale d’être à la fois plus ambitieux sur le commerce transatlantique et plus efficace pour protéger les consommateurs, les travailleurs, les épargnants et les investisseurs européens et américains, ainsi que notre environnement. 

Derrière cette occasion manquée se cache la crainte d’une opposition populaire à une coopération réglementaire transatlantique plus approfondie. Mais cette opposition peut être levée, si les politiciens et les décideurs européens et américains écoutent leurs citoyens et recadrent le débat. L’article commence par rappeler comment l’Europe et les États-Unis en sont arrivés là, propose ensuite un moyen plus efficace de sortir de l’impasse, puis se concentre sur la raison d’être d’une véritable coopération réglementaire transatlantique souhaitable et sur la façon dont elle peut être promue. Quelques recommandations plus générales suivent en conclusion.

Comment en est-on arrivé là ? 

Les relations économiques entre les États-Unis et l’Union européenne sont uniques, parce qu’elles sont basées sur des investissements plutôt que sur le commerce. Le fait que les entreprises américaines aient investi plus de 2 500 milliards de dollars en Europe, et les entreprises européennes 2 000 milliards de dollars aux États-Unis, montre l’importance de l’investissement que chaque partie détient dans l’autre. Même la relation entre les États-Unis et le Canada n’est pas comparable, car ce dernier a une économie beaucoup plus petite : les entreprises américaines ont investi 442,1 milliards de dollars au Canada, tandis que quelque 490,8 milliards de dollars ont circulé dans l’autre sens. Les relations des États-Unis ou de l’UE avec la Chine ou le Japon ne sont pas comparables non plus, comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau 1 – Investissements directs étrangers, position historique, milliards de dollars, euros

PaysÉtats-UnisUnion européenneCanadaChineJapon
Investissements directs à l’étranger des États-Unis en 2020 $2,515.2$442.1$123.9$131.6
Investissements directs à l’étranger de l’UE en 2019€2,161.5 €399.3€198.7€108.2

Cette relation basée sur l’investissement génère à son tour 1 000 milliards de dollars par an d’échanges bilatéraux de biens et de services entre les États-Unis et l’Europe, dont une grande partie est intra-groupe : par exemple, des moteurs et autres composants partagés entre Ford Espagne et Ford Detroit, la propriété intellectuelle et le savoir-faire partagés entre J&J et Janssen.

Derrière ces investissements se trouvent des personnes – les citoyens américains qui travaillent pour des entreprises « européennes » dans chacun des 50 États, et les Européens qui dirigent ou travaillent souvent pour des entreprises « américaines » en Europe. De plus, une part importante des investissements réalisés par les entreprises européennes et américaines outre-Atlantique est dédiée à la recherche et au développement collaboratifs, réunissant les meilleurs esprits d’Europe et des États Unis pour améliorer nos vies et nos sociétés. 

La profondeur des capitaux propres investis de part et d’autre de l’Atlantique est directement liée à la coopération réglementaire transatlantique : les décisions réglementaires prises d’un côté de l’Atlantique affectent l’autre.

Lorsque les États-Unis étaient la première puissance économique (il y a bien longtemps), les décisions prises à Washington affectaient les entreprises européennes qui devaient exporter vers le marché américain. Par exemple, pendant plusieurs décennies, l’Administration fédérale de l’aviation (Federal Aviation Administration) mettait des années à certifier la navigabilité des nouveaux modèles d’Airbus. À mesure que l’Union européenne a approfondi le marché unique et que son PIB a atteint, voire dépassé, celui des États-Unis, la situation s’est équilibrée. Et a même semblé s’inverser lorsque les entreprises américaines ont protesté contre la réglementation européenne sur les produits chimiques (REACH) et la réglementation sur la protection de la vie privée (RGPD), ce qui a conduit certains à parler d’un « effet Bruxelles » 1 .

L’accent mis sur la dynamique bilatérale a toutefois commencé à changer lorsque la Chine est entrée en scène et a commencé à rivaliser avec les prouesses économiques des États-Unis et de l’Union européenne. C’est l’une des raisons pour lesquelles la chancelière allemande Merkel a appelé à la conclusion d’un accord de libre-échange transatlantique dès 2007 (ce qui a donné naissance au Conseil économique transatlantique) 2 , et c’est aussi la raison pour laquelle les présidents Obama, Barroso et van Rompuy ont lancé les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement en juin 2013. Les trois présidents pensaient que, parce que les États-Unis et l’UE avaient des investissements aussi significatifs l’un dans l’autre, le PTCI devait rendre les entreprises et les travailleurs européens et américains plus compétitifs au niveau mondial en réduisant les coûts du commerce et des investissements bilatéraux, en élaborant de nouvelles règles pour les relations économiques internationales et en facilitant la coopération réglementaire, visant à construire un « marché transatlantique sans barrières ». 

Cet effort ambitieux s’est toutefois rapidement heurté à des difficultés. D’abord, en raison de faux pas dans les négociations, lorsque les États-Unis ont fait une offre tarifaire initiale délibérément conservatrice, conduisant l’UE à se montrer récalcitrante dans son offre sur les services. Deuxièmement, en raison du tumulte provoqué par les révélations d’Edward Snowden sur l’accès de la National Security Agency aux données personnelles détenues par les entreprises américaines. Troisièmement, et surtout, en raison de l’inquiétude croissante des Européens quant à la possibilité que les États-Unis utilisent le PTCI pour affaiblir les protections réglementaires de l’UE, que ce soit en imposant directement des changements dans les règles régissant des domaines tels que les OGM ou encore le « poulet au chlore », ou indirectement par le biais du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (en anglais ISDS, pour Investor-state dispute settlement). 

Les pourparlers étaient essentiellement au point mort lorsque Donald Trump est devenu Président en janvier 2017. Il a immédiatement commencé à s’insurger contre l’excédent commercial de 150 milliards de dollars de l’UE et n’était pas prêt à exempter l’Europe des droits de douane punitifs qu’il a imposés sur les importations d’acier et d’aluminium sous le prétexte de la protection de la sécurité nationale, malgré la collaboration militaire entre les deux au sein de l’OTAN. Bien au contraire, il a fait monter la pression, menaçant fréquemment d’utiliser à nouveau la justification de la protection de la « sécurité nationale » pour taxer les 60 milliards de dollars d’exportations européennes d’automobiles et de pièces détachées. Dès lors, personne n’a été surpris que le Président américain ait immédiatement pris des mesures pour prélever des droits de douane sur 11 milliards de dollars d’importations européennes lorsque l’OMC a finalement jugé illégales les subventions européennes à Airbus en octobre 2019. Et bien sûr, Trump a encore déconcerté l’Europe en menant une guerre commerciale contre la Chine et en sapant le système de règlement des différends de l’OMC. 

L’approche pugilistique de Trump en matière de commerce est motivée par la conviction que les Présidents américains depuis la Seconde Guerre mondiale ont choisi d’abaisser les protections contre les importations pour obtenir un avantage géopolitique « putatif » contre des pays étrangers. Sans surprise, les cibles des politiques commerciales de Trump, dont l’UE, ont toutes immédiatement riposté.

L’essai d’un nouveau départ 

M. Biden est devenu Président en janvier 2021, faisant presque figure d’incarnation de la politique étrangère américaine de l’après-Guerre – après tout, pendant un demi-siècle de service public, il a longtemps siégé (et présidé) à la commission des relations étrangères du Sénat, tout en ayant été le vice-président de M. Obama. Il a surtout promis de renouveler les alliances traditionnelles des États Unis, notamment avec l’Europe. Et beaucoup sur la rive orientale de l’Atlantique ont poussé un soupir de soulagement.

Mais, alors qu’il aurait pu utiliser son pouvoir exécutif pour inverser les politiques commerciales de son prédécesseur, M. Biden était conscient que plus de 70 millions de citoyens américains avaient voté pour M. Trump en partie parce qu’ils partageaient son point de vue selon lequel la politique étrangère américaine avait trop souvent joué en défaveur des américains « normaux ». Biden et beaucoup de membres de son équipe ont également fait l’expérience directe des manifestations européennes contre le PTCI, et craignent que les Européens ne s’opposent à tout effort pour relancer ces discussions ; une crainte partagée par les dirigeants politiques européens.

M. Biden et son équipe ont donc agi avec beaucoup de prudence, y compris avec l’Europe, où l’administration a convenu avec l’UE, en mars, de suspendre les droits de douane sur les Airbus et les Boeing pendant cinq ans 3 et de travailler en commun sur la définition des règles régissant les subventions aux grands avions civils 4 . L’administration Biden a également créé le Conseil du commerce et de la technologie lors du sommet États-Unis-UE en juin 5 , et, plus récemment, a converti les droits de douane sur l’acier et l’aluminium européens en contingents tarifaires substantiels 6 , sans pour autant renoncer à les justifier sur le fondement de la protection de la sécurité nationale, ni annuler les droits de douane punitifs sur les importations dépassant ces contingents. En retour, l’Union européenne a supprimé les droits de douane qu’elle avait imposés en réponse aux mesures de M. Trump, a retiré la plainte qu’elle avait déposée auprès de l’OMC contre les mesures justifiées sur le fondement de la protection de la sécurité nationale, et a intensifié sa collaboration avec Washington sur des problèmes qu’ils identifient tous les deux comme trouvant leur origine en Chine. Et les vents plus chauds en provenance de Washington ont également permis aux deux parties de gérer d’autres désaccords – émanant principalement de l’Europe – sur des sujets tels que la protection des données et les taxes sur les services numériques 7 .

Le Conseil « Commerce et technologie » (le CCT) est perçu comme étant le principal forum de promotion de cette réconciliation commerciale transatlantique. Les Vice-Présidents Exécutifs de la Commission pour l’économie et le commerce et pour la concurrence et les politiques numériques, Valdis Dombrovskis et Margrethe Vestager, ont rencontré leurs homologues américains (le Secrétaire d’État Antony Blinken, la Secrétaire au Commerce Gina Raimondo et la représentante américaine au commerce Katherine Tai) à Pittsburgh en septembre et ont publié une longue déclaration 8 promettant beaucoup d’avancées dans dix domaines, sept liés à la technologie (notamment les normes d’intelligence artificielle, les technologies propres, les chaînes d’approvisionnement, la 5G et la gouvernance des données) et trois plus axés sur le commerce, notamment les moyens de lutter contre les subventions chinoises et d’améliorer le fonctionnement de l’OMC.

Il s’agit manifestement d’efforts très importants, et les annexes accompagnant la déclaration du CCT sur la sélection des investissements, les contrôles à l’exportation, les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle et les défis du commerce mondial témoignent d’une grande convergence d’approches, notamment en ce qui concerne la Chine. 

Le manque d’ambition

Ceci étant dit, tout comme les efforts de l’administration Biden sur l’affaire Airbus-Boeing et les droits de douane sur l’acier et l’aluminium ont repoussé les problèmes au lieu de les résoudre, les efforts du CCT ne vont pas au cœur des divergences économiques transatlantiques. En effet, le CCT n’abordera même pas les questions transatlantiques les plus problématiques, notamment le renouvellement du schéma Privacy Shield, dont l’objectif est de faciliter les transferts de données dont dépend l’économie transatlantique, mais qui a été déclaré invalide par la CJUE en juillet 2020, ou les profondes divergences sur les questions liées à la sécurité alimentaire. Cela s’explique en partie par le fait que les dirigeants politiques des deux parties hésitent à énoncer une vision claire de l’intégration économique transatlantique, de peur que leurs travailleurs (aux États-Unis) ou leurs ONG (en Europe) ne se révoltent à nouveau, comme ils l’ont fait à propos du PTCI.

Cela signifie malheureusement que le CCT et la plupart d’autres forums de discussion entre les États-Unis et l’Union européenne sont fondés principalement sur une motivation négative – contre la Chine – plutôt que sur une vision positive de la construction de l’économie transatlantique 9

D’un côté, c’est compréhensible : la principale leçon de l’échec du PTCI est que, dans le contexte transatlantique, les questions commerciales et réglementaires doivent être séparées. C’est ce que fait le CCT.

Mais en ne réaffirmant pas la valeur pour tous nos citoyens d’un marché transatlantique sans barrières , et en n’annonçant pas d’efforts pour relancer les négociations d’un accord de libre-échange (sans la partie relative à la coopération réglementaire), les deux parties ont manqué une occasion importante de promouvoir leur compétitivité et d’arguer en faveur d’une véritable coopération réglementaire transatlantique.

Recadrer la coopération en matière de réglementation

Encore une fois, la coopération réglementaire ne devrait pas être incluse dans les négociations renouvelées des accords de libre-échange, qui devraient plutôt se concentrer sur l’élimination des droits de douane et le renforcement des règles du commerce international. La raison en est simple : la réaction du public contre le PTCI, en particulier en Europe, a montré à quel point il peut être dangereux d’associer négociations commerciales et coopération réglementaire. Il suffit qu’il apparaisse que la poursuite des intérêts commerciaux pourrait miner le niveau de protection des consommateurs, des travailleurs, des investisseurs et de l’environnement pour que les négociations deviennent incendiaires.

La coopération réglementaire transatlantique est confrontée à deux contraintes bien réelles qui empêcheraient tout accord commercial transatlantique de réduire les protections réglementaires. Ces contraintes n’ont jamais été correctement expliquées au public ; les responsables se sont contentés de déclarer qu’ils n’avaient pas l’intention d’utiliser le PTCI à cet effet. Et de telles promesses, à elles seules, n’avaient aucune crédibilité. 

La première de ces contraintes, tellement ancrée dans le droit international et la pratique que personne n’a jamais pris la peine de la discuter lors des débats sur le PTCI, est que tout bien et service vendu dans un pays doit répondre aux exigences légales de ce pays, et que tout investissement étranger dans un pays est soumis à ses lois. Point. Si ce n’est pas le cas, les biens ou services importés sont illégaux et peuvent être confisqués, tandis que l’investisseur étranger fautif sera traîné devant un tribunal. À ce titre, ni les États-Unis ni l’UE n’auraient pu convenir dans le cadre du PTCI que les produits ou services ne répondant pas aux normes réglementaires locales pouvaient être importés. 

Le second principe est moins universel, car il dépend du système politique. Dans certains pays, les lois peuvent être déterminées par décret autocratique. Mais dans une démocratie, les lois et les règlements qui régissent les biens et les services mis sur le marché et le comportement des entreprises sur ce marché reflètent les valeurs des personnes qui élisent les politiciens qui rédigent ces lois. Pour les États-Unis et l’Europe, la démocratie est plus qu’une simple « valeur partagée » ; c’est une importante courroie de transmission qui exprime les « préférences collectives » de nos citoyens. Les hommes politiques, tant en Europe qu’aux États-Unis, refuseraient d’adopter un accord commercial ou une loi ultérieure qui violerait ces préférences exprimées démocratiquement, ou ils en paieraient le prix lors des prochaines élections. 

De même, dans une démocratie, les autorités de régulation qui mettent en œuvre les lois sont responsables face aux politiciens élus. Elles ne peuvent pas changer la loi elles-mêmes, et si les électeurs sont lésés parce qu’elles ne la mettent pas en œuvre, elles peuvent subir de plein fouet toute la colère des élus. En effet, les autorités de régulation politiquement responsables peuvent se trouver dans une situation très délicate si les consommateurs, les épargnants ou les investisseurs sont lésés, même si aucune loi contraire n’existe ou n’est enfreinte. 

Les autorités de régulation, comme les politiciens qui les supervisent, sont donc naturellement orientées vers le marché intérieur et se méfient des engagements internationaux. Il est certain qu’aux États-Unis, les autorités de régulation s’efforcent de garder une certaine distance avec les négociateurs commerciaux et, en effet, le Congrès a fait en sorte que de nombreuses autorités de régulation clés soient responsables uniquement devant lui plutôt que devant le Président et le pouvoir exécutif 10

Reflétant cette réalité, le cadre normatif international régissant le commerce et l’investissement, qui a été rédigé par les principales démocraties, reconnaissent la primauté des préférences collectives nationales. Mais elles reconnaissent également que certaines limites doivent être fixées autour de ces « préférences » afin de garantir que les pays se traitent les uns les autres de manière équitable et conformément aux règles établies, et pas seulement en fonction de leur pouvoir respectif. Ces limites sont simples : les processus réglementaires doivent être transparents ; les intérêts étrangers ne doivent pas faire l’objet d’une discrimination pour la simple raison qu’ils sont étrangers ; et la réglementation doit être fondée sur des preuves scientifiques, de sorte que toutes les parties puissent apprécier les préjudices potentiels qui sont écartés.

Certains craignent que l’exigence d’une approche scientifique n’aille à l’encontre du principe de précaution 11 , selon lequel un gouvernement peut agir pour protéger l’environnement, les consommateurs ou d’autres intérêts même si les preuves sont incomplètes ou spéculatives et les coûts de la réglementation élevés. Cette préoccupation apparaît souvent dans le débat sur les OGM, où la politique américaine est perçue comme étant particulièrement permissive. Mais cette perception passe à côté de deux choses : L’UE autorise de nombreux OGM (principalement pour l’importation et l’utilisation) après une évaluation scientifique approfondie 12 . Et les États-Unis sont de grands praticiens du principe de précaution 13 , ce qui explique qu’ils mettent généralement beaucoup plus de temps à approuver les médicaments utilisés régulièrement en Europe, qu’ils refusent d’accepter les « déclarations de conformité des fournisseurs » pour ce que l’UE considère comme des appareils électriques « à faible risque » et qu’ils ont une politique de visa aussi restrictive.

En revanche, l’obligation imposée par le droit commercial international d’utiliser une approche scientifique pour justifier la réglementation contribue à garantir que les décisions gouvernementales réglementant les produits et services importés ne sont pas arbitraires ou capricieuses. Ce principe est fermement défendu par de nombreuses décisions régissant le marché unique de l’UE ainsi que par des décisions judiciaires américaines.

Les autorités de régulation, les responsables politiques et le public n’apprécient pas toujours d’être soumis aux exigences de transparence, de non-discrimination et de preuve ; toutes les « préférences collectives » ne survivraient pas à un tel examen. Mais ils n’apprécient pas non plus d’être soumis à un comportement arbitraire et capricieux de la part des autres. Ces principes sont donc inscrits dans le droit commercial international, et nous acceptons généralement ces limites parce qu’elles s’appliquent à tous de la même manière.

La coopération réglementaire transatlantique en pratique

Respectant ces limites et malgré leur orientation nationale, les autorités de régulation coopèrent au niveau international. Cela est particulièrement vrai entre l’Europe et les États-Unis, où des niveaux de développement similaires et nos systèmes démocratiques signifient depuis longtemps que nous sommes souvent confrontés à des problèmes sociétaux similaires 14 . Au départ, cette coopération s’est faite en grande partie avec les grands États membres et par l’intermédiaire de l’OCDE ; elle n’a commencé avec l’UE qu’après que le processus du marché unique ait donné plus de pouvoir réglementaire à Bruxelles. En effet, la coopération officielle entre les États-Unis et l’UE en matière de réglementation n’a commencé qu’en 1997 avec la première déclaration commune sur les principes de bonne réglementation 15 . Elle s’est rapidement développée au début des années 2000 et a gagné en visibilité avec la création du Forum de coopération réglementaire de haut niveau (en anglais HLRCF, pour High-Level Regulatory Cooperation Forum) en 2005, qui a été à son tour intégré sous la coupole du Conseil économique transatlantique (CET) 16 en 2007. Les autorités de régulation américaines étaient initialement méfiantes ; elles n’appréciaient guerre que le représentant américain au commerce et la DG Commerce « facilitent » les efforts initiaux, car elles n’acceptaient pas que des considérations étrangères aient quelque chose à voir avec leur travail. C’est l’une des raisons de la création du HLRCF, qui était coprésidé par l’Office of Information and Regulatory Affairs (OIRA) des États-Unis et le Secrétariat général de la Commission. Le CET s’est également tenu à l’écart du commerce puisqu’il était présidé par le conseiller adjoint du Président pour les affaires économiques internationales et le commissaire chargé du marché intérieur.

Le véritable travail, bien sûr, a été effectué par les autorités de régulation américaines et européennes elles-mêmes. Les discussions ont souvent été fastidieuses et frustrantes, en partie à cause d’une différence structurelle majeure entre les deux parties : les autorités de régulation américaines sont également responsables de l’application effective des règles (et des conséquences de leur échec), tandis que l’UE s’en remet généralement aux gouvernements des États membres. 

Pourtant, les deux parties ont pu enregistrer de nombreux succès notables, notamment au plus haut niveau de la coopération réglementaire – la reconnaissance mutuelle des décisions de l’autre partie sur la sécurité d’un produit ou d’un service, ce qui permet à ce produit/service de pénétrer de manière égale les deux marchés. Les États-Unis et l’UE ont procédé de la sorte dans un certain nombre de domaines, y compris (ironiquement) dans ceux où ils ont eu des différends commerciaux majeurs : certification de la navigabilité des gros avions, pratiques prudentielles pour les normes comptables et pour les dérivés financiers, commerçants et voyageurs de confiance, étiquetage des aliments « biologiques », production de substances actives pharmaceutiques. La Commission européenne a même reconnu à deux reprises l’équivalence des pratiques américaines en matière de protection des données, bien que la Cour européenne de justice ait, imprudemment 17 , invalidé les décisions d’adéquation qui sous-tendaient les accords Safe Harbor et Privacy Shield

Dans chaque cas, les facteurs à l’origine de ces accords n’avaient pas grand-chose à voir avec le désir de promouvoir le commerce en tant que tel. Ils étaient plutôt motivés par les besoins pratiques des autorités de régulation elles-mêmes. Les autorités de régulation américaines et européennes sont mises à rude épreuve : les lois et les protections réglementaires deviennent de plus en plus strictes et doivent être appliquées à des volumes toujours plus importants de biens et de services nationaux et importés, alors même que les budgets des agences sont réduits. Les autorités de régulation savent qu’elles doivent devenir plus efficaces pour remplir leur mandat de protection des citoyens, des systèmes financiers et de l’environnement. Et pour ce faire, elles ont besoin de partenaires en qui elles peuvent avoir confiance : des homologues qui exigent et font respecter des niveaux de protection similaires 18 .

Chaque accord de coopération réglementaire entre les États-Unis et l’Union européenne repose entièrement sur la confiance entre les autorités de régulation compétentes. Cette confiance peut s’évaporer en un instant, comme cela s’est produit après la crise financière de 2008 – aucune autorité de régulation politiquement responsable ne prendra à la légère le risque d’être traîné devant des législateurs démocratiquement élus parce qu’il ou elle a aveuglément sous-traité sa responsabilité à l’autorité de régulation d’un autre pays. Mais lorsque cette confiance est forte, elle peut même résister aux erreurs, comme ce fut le cas pour la certification du Boeing 737 Max par la FAA. 

La coopération réglementaire transatlantique n’est donc pas et ne peut pas être destinée à « diminuer les obstacles au commerce ». Elle peut avoir cet effet, mais ce n’est pas son but. La coopération réglementaire transatlantique vise plutôt à accroitre l’efficacité et l’efficience des autorités de régulation nationales. Il s’agit de renforcer les protections réglementaires, et non de les affaiblir.    

Muscler la coopération transatlantique en matière de réglementation

La coopération en matière de réglementation est en partie visible dans l’agenda du CCT : équivalence possible en matière d’approbation des applications « à haut risque » de l’IA/apprentissage automatique ; élaboration de méthodes communes pour le calcul des émissions de gaz à effet de serre intégrées dans les produits/processus de fabrication ; adoption d’approches similaires pour la réglementation des plateformes de médias sociaux ; identification et contrôle des fuites de technologies à double usage liées à la sécurité nationale. Ces efforts ont précédé le CCT, mais celui-ci leur donne une importance et un élan qui ne devraient pas tarder à produire des résultats. Et il le fait judicieusement d’une manière qui est (maintenant) séparée des préoccupations traditionnelles en matière de commerce et d’accès au marché… bien que celles-ci puissent à nouveau se poser, notamment dans le domaine du numérique. Même sans cette distraction, les discussions seront longues et souvent difficiles, car il s’agit de domaines relativement nouveaux dans lesquels les deux parties peuvent même manquer de lois, de réglementations et d’autorités chargées de leur application effective – ce qui ne favorise pas la confiance mutuelle. 

Mais le programme du TTC, aussi bon soit-il, est insuffisant. D’autant plus que les autorités de régulation des deux côtés ont du retard à rattraper, ayant été anormalement restreintes par la dynamique des négociations du PTCI, une situation aggravée lorsque la confiance s’est effondrée pendant les années de la présidence Trump. 

Heureusement, les activités dans certains domaines de coopération se sont poursuivies, et d’autres reprennent, bien que souvent à un niveau faible et technique. L’exemple le plus frappant est peut-être celui des vaccinations Covid, lorsque la pandémie a obligé la FDA et l’Agence européenne des médicaments à partager des données, des résultats et même des approbations à un niveau sans précédent – un niveau qui n’aurait pas pu être atteint si les deux agences n’avaient pas eu derrière elles deux décennies de coopération de plus en plus importante. 

C’est de ce genre d’efforts dont le public des deux côtés de l’Atlantique a besoin, dans bien d’autres domaines. Cela ne signifie pas que ces activités doivent relever du CCT ; bien au contraire. Plutôt, l’Union européenne et les États-Unis devraient, dans un premier pas, dépoussiérer le forum de coopération réglementaire de haut niveau sous l’égide de la Maison Blanche (OIRA et NSC) et du Secrétariat général de la Commission. Il faudrait commencer par dresser un rapide inventaire des efforts de coopération réglementaire transatlantique existants, en relevant notamment les raisons des échecs précédents. Il faudrait demander à toutes les agences de dresser une liste des domaines où une collaboration future est envisageable et en discuter, puis inviter les parties prenantes à faire part de leurs commentaires à ce sujet. Ce processus pourrait aider à déterminer les domaines prioritaires de collaboration, qui pourraient à leur tour gagner en prééminence et être stimulés par un processus de surveillance de haut niveau. Un peu comme le CET, mais amélioré. 

L’amélioration viendrait en partie d’un recadrage des objectifs : une coopération réglementaire visant non pas à réduire les « barrières commerciales », mais à promouvoir l’efficience et l’efficacité des autorités de régulation. 

Cela étant, chacune des activités individuelles de coopération réglementaire pourrait supprimer les « obstacles » au commerce et à la compétitivité transatlantiques – lorsque les autorités de régulation elles-mêmes ont appris par le dialogue que les niveaux de protection qu’elles recherchent sont équivalents, et lorsqu’elles ont confiance dans le fait que l’autre partie peut et veut mettre en œuvre son cadre législatif. 

Ces deux concepts – l’équivalence et l’application effective – sont essentiels. L’Union européenne est plus habituée à l’équivalence ; c’est le fondement du marché unique. De l’autre côté de l’Atlantique, cela peut être plus difficile, notamment parce que les lois américaines sont très différentes des lois européennes. Pourtant, comme nous l’avons démontré ci-dessus, les autorités de régulation américaines et européennes savent reconnaître l’équivalence quand elles la voient. L’un des meilleurs exemples est le suivant : à la suite du complot d’août 2006 visant à introduire des explosifs à bord des vols Londres-États-Unis 19 , les autorités américaines ont d’abord interdit les liquides dans tous les avions, avant de se résigner à autoriser les bouteilles d’une contenance de 3 onces 20 , un petit format courant aux États-Unis. Cependant, l’Europe n’utilise normalement pas de bouteilles de 88,7 millilitres et s’en est plainte ; très rapidement, les États-Unis ont accepté que, pour les besoins de cette règle, 100 ml était équivalent à 3 onces. Ce qui n’est pas le cas, mais 100 ml répondraient également à l’objectif réglementaire (très prudent) des États-Unis, car ils étaient également trop petits pour un dispositif explosif efficace.

L’application effective, comme indiqué ci-dessus, est également essentielle, et elle est plus problématique en Europe. L’UE souhaite que tous les États membres soient traités de la même manière. Mais en réalité, les capacités d’application effective du cadre normatif varient. Au sein de l’UE, cette variation est problématique, mais la Commission et les autorités des États membres travaillent constamment avec leurs homologues pour résoudre les problèmes qui se posent. Pour les autorités de régulation américaines, cependant, cette situation est difficile à accepter ; elles ne connaissent peut-être pas chacune des autorités de régulation des États membres de l’UE et ne peuvent pas immédiatement leur accorder la confiance nécessaire. L’exigence pour l’UE de bénéficier d’une égalité de traitement pourrait ralentir tout accord réglementaire transatlantique. Mais, de manière pragmatique, les deux parties sont souvent parvenues à un compromis en vertu duquel un accord entre les États-Unis et l’Union européenne ne s’applique initialement qu’aux États membres qui représentent une « masse critique » d’exportateurs de l’UE vers les États-Unis, les autres étant ajoutés au fur et à mesure que la confiance mutuelle augmente. Une autre approche a été utilisée dans l’accord de reconnaissance mutuelle États-Unis-Union européenne de 2016 sur les bonnes pratiques de fabrication des principes actifs pharmaceutiques; ici, la Commission européenne a démontré à la FDA, pendant plus d’un an, qu’elle disposait d’un processus permettant d’assurer une surveillance efficace de la fabrication des produits pharmaceutiques dans tous les États membres. Comme la Commission n’avait pas effectué de telles inspections pendant plusieurs années avant que la FDA ait soulevé des questions à ce sujet, ce processus a considérablement renforcé les protections réglementaires au sein de l’UE.

Conclusion

Malgré la réalité d’une économie transatlantique profondément intégrée, basée sur des investissements de plusieurs milliers de milliards de dollars, les États-Unis et l’Union européenne semblent trop souvent trébucher sur leurs propres pieds lorsqu’ils traitent de questions commerciales bilatérales. Mais ils ne doivent pas se laisser arrêter par l’expérience traumatisante des négociations du PTCI ; dans le monde actuel, beaucoup plus compétitif, les travailleurs européens et américains ne peuvent pas se permettre d’avoir des politiciens et des responsables politiques qui craignent de prendre des mesures ambitieuses.

Les partenaires transatlantiques doivent au contraire tirer une leçon différente du PTCI. Ils doivent réaffirmer leur ambition de développer un marché transatlantique sans barrières, mais en recadrant ses objectifs. De nombreuses mesures peuvent être prises dès aujourd’hui dans le cadre d’un accord de libre-échange ambitieux entre l’Union européenne et les États-Unis pour réduire les coûts des chaînes d’approvisionnement intra-groupe transatlantiques intégrées, indépendamment des processus sous l’égide du CCT, et indépendamment de la coopération réglementaire évoquée plus haut. 

Dans le même temps, il faut encourager les autorités de régulation de l’Union européenne et des États-Unis à collaborer, dans leur propre intérêt ainsi que dans celui de leurs citoyens, plutôt que dans le contexte d’un accord de libre-échange. Elles peuvent le faire et le feront, même dans le domaine délicat de la réglementation de la sécurité des aliments non-OGM, où de nombreux « obstacles » reflètent davantage des pesanteurs bureaucratiques que de réelles préoccupations en matière de sécurité alimentaire. En effet, des progrès constructifs peuvent également être réalisés dans le domaine le plus sensible de la « modification génétique », en particulier si les États-Unis peuvent commencer par reconnaître que le processus d’évaluation rigoureux de l’UE est légitime et que l’exportation de semences est moins importante que l’approbation de l’importation et de l’utilisation de produits de base. 

La coopération réglementaire transatlantique s’est atrophiée. Cela devrait changer. L’Union européenne et l’administration Biden ont l’occasion de la redynamiser… si elles ont la sagesse d’en recadrer également les objectifs. 

Notes

  1. Anu Bradford, The Brussels Effect: How the European Union Rules the World (Oxford University Press 2020).
  2. https://www.gmfus.org/news/rebuilding-strategy-transatlantic-economic-relationship
  3. Joint Statement of the European Union and the United States on the Large Civil Aircraft WTO Disputes (05/03/2021), voirhttps://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2021/march/tradoc_159458.pdf
  4. USTR Announces Joint U.S.-E.U. Cooperative Framework for Large Civil Aircraft, voir https://ustr.gov/about-us/policy-offices/press-office/press-releases/2021/june/ustr-announces-joint-us-eu-cooperative-framework-large-civil-aircraft
  5. L’Union européenne (UE) et les États-Unis lancent le Conseil du commerce et des technologies pour diriger une transformation numérique mondiale fondée sur des valeurs, voir https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_2990
  6. Joint US-EU Statement on Trade in Steel And Aluminum, voir https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/10/31/joint-us-eu-statement-on-trade-in-steel-and-aluminum/
  7. USTR Announces, and Immediately Suspends, Tariffs in Section 301 Digital Services Taxes Investigations, voir https://ustr.gov/about-us/policy-offices/press-office/press-releases/2021/june/ustr-announces-and-immediately-suspends-tariffs-section-301-digital-services-taxes-investigations
  8. EU-US Trade and Technology Council Inaugural Joint Statement, voir https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/STATEMENT_21_4951
  9. Peter Chase, Enhancing the Transatlantic Trade and Investment Relationship, voir https://www.wilsoncenter.org/article/enhancing-transatlantic-trade-and-investment-relationship, 3 février 2021
  10. Toutes les « commissions » réglementaires sont indépendantes du pouvoir exécutif – la Securities and Exchange Commission (SEC), la Federal Trade Commission (FTC), la Commission fédérale du commerce (CFC), etc.
  11. Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, voir https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A52000DC0001
  12. https://webgate.ec.europa.eu/dyna/gm_register/index_en.cfm
  13. https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2016/578022/EXPO_STU(2016)578022_EN.pdf
  14. Bien sûr, il ne s’agit pas seulement d’une question transatlantique – l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) facilite depuis longtemps les dialogues et la coopération en matière de réglementation entre ses membres, et ces derniers se sont considérablement diversifiés depuis que le Japon est devenu le premier membre non transatlantique en 1964. Les membres hors Europe et Amérique du Nord comprennent le Chili (2010), la Colombie (2020), le Costa Rica (2021), Israël (2010), le Japon (1964), la Corée (1996) et le Mexique (1994).
  15. Pour les détails de cette histoire, voir Chase et Pelkmans, This Time It’s Different : Turbocharging Transatlantic Regulatory Cooperation in PTCI, Centre for European Policy Studies, juin 2015, voir https://www.ceps.eu/ceps-publications/time-its-different-turbo-charging-regulatory-cooperation-ttip/. L’annexe fournit une liste exhaustive des efforts de coopération réglementaire entre les États-Unis et l’UE jusqu’au début des négociations du PTCI.
  16. https://2009-2017.state.gov/p/eur/rls/or/130772.htm
  17. P. Chase, Navigating the Transatlantic Data Conundrum,  21 septembre 2021 : https://cepa.org/navigating-the-transatlantic-data-conundrum/
  18. Ce raisonnement est bien formulé dans le décret du président Obama de mai 2012 sur la promotion de la coopération internationale en matière de réglementation, voir https://obamawhitehouse.archives.gov/the-press-office/2012/05/01/executive-order-promoting-international-regulatory-cooperation.
  19. Projet d’attentats sur les lignes aériennes transatlantiques de 2006, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_d%27attentats_sur_les_lignes_aériennes_transatlantiques_de_2006
  20. Joe Sharkey, Turns Out There’s a Reason for Those 3-Ounce Bottles, NY Times, 11 Septembre 2007, voir https://www.nytimes.com/2007/09/11/business/11road.html.
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Peter Chase, Recadrer et muscler la coopération transatlantique en matière de réglementation, Groupe d'études géopolitiques, Déc 2021,

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