Revue Européenne du Droit
Constitution française et droit de l’Union européenne. Approche par la complexité des rapports de puissance juridique
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Auteurs

Guy Canivet

La Revue européenne du droit, décembre 2021, n°3

« La Pathologie de l’idée est dans l’idéalisme, où l’idée occulte la réalité qu’elle a pour mission de traduire et se prend pour seule réelle. La maladie de la théorie est dans le doctrinisme et le dogmatisme, qui referment la théorie sur elle-même et la pétrifient. La pathologie de la raison est la rationalisation qui enforme le réel dans un système d’idées cohérent mais partiel et unilatéral, et qui ne sait ni qu’une partie du réel est irrationalisable, ni que la rationalité a pour mission de dialoguer avec l’irrationalisable »       

Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, Le Seuil, 2005

Introduction

Amplement commentée, la crise entre l’Union européenne (ci-après « l’Union ») et la Pologne 1 , à propos d’une conception radicale de la souveraineté juridique des États membres conduisant à la mise en cause de l’effet de primauté du droit européen sur les constitutions nationales, invite à préciser la position de la France sur la même question. Chacun des États membres a en effet une doctrine particulière sur les rapports de systèmes entre les ordres juridiques internes et celui de l’Union, ce qui, dans certaines situations, peut engendre des crises inhérentes à la structure institutionnelle de cette dernière 2 , au gré des postures de puissance juridique adoptées par certaines cours nationales et de la fluctuation des influences politiques en leur sein.

Il est notoire que la doctrine de la CJUE est la prééminence du droit de l’Union sur le droit national, y compris constitutionnel, des États membres. Elle a été fixée dès l’origine par les arrêts van Gend & Loos du 5 février 1963 3 et surtout Costa contre E.N.E.L. de l’année suivante 4 dont la motivation centrale est si rationnelle dans son analyse institutionnelle, assurée dans sa pédagogie et cohérente dans sa solution qu’elle mérite d’être intégralement citée :

Attendu qu’à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la C.E.E. a institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres lors de l’entrée en vigueur du traité et qui s’impose à leurs juridictions ;

qu’en effet, en instituant une communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’ une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États a la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et crée ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ;

Attendu que cette intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, et plus généralement les termes et l’esprit du traité, ont pour corollaire l’impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité , une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ;

Que la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d’un État à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traite visée à l’article 5 (2), ni provoquer une discrimination interdite par l’article 7 ;

Que les obligations contractées dans le traité instituant la Communauté ne seraient pas inconditionnelles mais seulement éventuelles, si elles pouvaient être mises en cause par les actes législatifs futurs des signataires ;

Que, lorsque le droit d’agir unilatéralement est reconnu aux États, c’est en vertu d’une clause spéciale précise (articles 15, 93-3, 223 à 225 par exemple) ;

Que, d’autre part, les demandes de dérogation des États sont soumises à des procédures d’autorisation (articles 8-4, 17-4, 25, 26, 73, 93-2, 3e alinéa, et 226 par exemple) qui seraient sans objet s’ils avaient la possibilité de se soustraire à leurs obligations au moyen d’une simple loi ;

Attendu que la prééminence du droit communautaire est confirmée par l’article 189 aux termes duquel les règlements ont valeur  » obligatoire  » et sont  » directement applicables dans tout état membre  » ;

Que cette disposition, qui n’est assortie d’aucune réserve, serait sans portée si un État pouvait unilatéralement en annihiler les effets par un acte législatif opposable aux textes communautaires ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’issu d’une source autonome, le droit ne du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la communauté elle-même ;

Que le transfert opère par les états, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraine donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté ;

Précisée et renforcée par des arrêts qui ont suivi 5 , cette jurisprudence, depuis lors constamment rappelée, s’est maintenue, avec certaines nuances 6 , suivant l’évolution des traités 7 , en soumettant à des conditions strictes et étroitement contrôlées 8 l’invocation par les États membres, d’une part, d’un niveau de protection des droits fondamentaux par la Constitution nationale supérieur à celui de l’Union tels qu’ils résultent en particulier de la Charte des droits fondamentaux (CDF) 9 , d’autre part, de la protection de l’identité nationale des États membres inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles 10 . Pour faire respecter ces prescriptions par les États membres, l’Union dispose de la procédure de manquement et de ses accessoires de sanctions 11 , jugés applicables même lorsque la méconnaissance provient d’une juridiction nationale 12 . A ce dogme de prééminence plusieurs hautes juridictions des États membres ont opposé une résistance plus ou moins raisonnée et nuancée 13 mais aucune, jusqu’alors, ne s’est placée en rupture délibérée avec les fondements de l’Union, comme le fait de manière théâtrale le jugement rendu le 7 octobre 2021 par le Tribunal constitutionnel polonais 14 .

Quoique moins disruptive, la doctrine du Conseil constitutionnel français (le Conseil) se situe néanmoins dans un rapport dialectique imparfait entre Constitution et droit de l’Union (I), tandis que, dans l’espace de compétence qui lui est reconnu, le Conseil d’État (CE) s’est engagé dans un dialogue sophistiqué avec la CJUE (II). 

I – De la dialectique imparfaite

D’abord hésitante quant à son rôle dans les rapports systémiques entre l’ordre juridique national et celui de l’Union (A), la position du Conseil conduit à des solutions équivoques qui posent, en outre la question de leur praticabilité (B).

A – Hésitations

Dans la tradition républicaine française, le contrôle juridictionnel de la conformité de la loi à la Constitution n’est apparu qu’avec celle du 4 octobre 1958 qui a créé le Conseil 15 . Mais ce n’est qu’à partir de 1971 16 que celui-ci s’est donné le pouvoir de l’exercer au regard des déclarations des droits visées par le Préambule de la Constitution 17 . Depuis lors, dans l’espace juridique national, le bloc de constitutionnalité ainsi constitué fut en concours avec les engagements internationaux souscrits par la France, en particulier avec le droit issu des traités européens, selon un ordonnancement prévu par l’article 55 de la Constitution, lequel confère aux traités, dans les conditions qu’ils définissent, une autorité supérieure à celle des lois, ainsi que par les alinéas 14 et 15 du Préambule de la Constitution de 1946 18 . Se cantonnant strictement aux attributions qu’il tient de la Constitution 19 le Conseil a dû néanmoins se prononcer sur les inévitables interférences entre la loi fondamentale de la République et les traités européens.

1 – Du cloisonnement

Pour régler les conflits entre normes nationales et supranationales, le Conseil a d’abord jugé, par une décision de 1975 20 , qu’il ne lui appartient pas, lorsqu’il est saisi de la constitutionnalité de la loi, d’en examiner la conformité aux stipulations d’un traité ou d’un accord international. Ce faisant, il a implicitement réparti les compétences en la matière, d’une part, en se réservant le contrôle de la loi au regard à la Constitution, d’autre part, en renvoyant l’examen de sa compatibilité avec les dispositions conventionnelles d’effet direct aux juridictions ordinaires, judiciaires et administratives 21 qui tôt 22 ou tard 23 s’en sont emparé pour pleinement exercer la fonction dite de « juge de droit commun » de l’Union 24 . Il en résulte que le rapport du droit européen avec la Constitution est à examiner autant dans la jurisprudence du Conseil que dans celle du CE et, plus accessoirement, de la Cour de cassation (C.cass), en fonction de leur domaines contentieux respectifs.

2 – A l’interférence

Cette position de principe du Conseil sur la l’étroitesse du pouvoir que lui confère l’article 61 de la Constitution laisse de côté trois questions : celle de l’examen de la contrariété d’un traité international avant ratification ou approbation avec la Constitution en application de son l’article 54, celle de la constitutionnalité d’une loi de transposition d’une directive européenne, celle enfin de l’articulation des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité, depuis l’introduction, par la réforme constitutionnelle de 2008 25 , d’un article 61-1 dans la Constitution instaurant ce que la loi organique prise pour son application 26 intitule « Question prioritaire de constitutionnalité ».

Dans l’ordre juridique de l’Union, le Conseil est, selon la jurisprudence de la CJUE, en principe tenu aux obligations de coopération imparties à toute juridiction d’un État membre 27 . Bien que par sa décision précitée de 1975, il s’en soit délié de sa propre autorité 28 , il n’a pu éviter d’être confronté à l’articulation du droit de l’Union avec la Constitution. 

En premier lieu, ce cloisonnement des ordres juridiques n’est praticable que dans le contrôle de constitutionnalité de la loi. Il ne peut évidemment être opposé dans le cadre de l’appréciation préalable de la contrariété à la Constitution des traités en voie de ratification, en application de son article 54 29 . En ce cas, pour en autoriser la ratification sans modification de la Constitution, le Conseil s’assure que le traité ne contient pas «une clause contraire » à celle-ci ou qu’il « ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale » 30 , puis à partir de 2004, les critères du contrôle se sont élargis à la remise en cause des « droits et libertés constitutionnellement garantis » 31 .

Ainsi, saisi de la question de la primauté du droit de l’Union sur la Constitution lors de l’examen du Traité établissant une constitution pour l’Europe 32 puis du Traité de Lisbonne 33 , le Conseil a dû se prononcer sur la position de la Constitution par rapport aux traités européens. Il l’a fait dans des conditions nouvelles puisque loi constitutionnelle du 26 juin 1992 34 , a introduit une modification importante en créant un article 88-1 constitutionnalisant la participation de la France à l’Union 35 . Tout en confirmant, par la décision précitée du 20 décembre 2007, que « ces dispositions constitutionnelles permettent à la France de participer à la création et au développement d’une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l’effet de transferts de compétences consentis par les États membres » 36 , le Conseil a pris des distances avec la conception générale et absolue de la prévalence du droit de l’UE sur toutes normes des États membres résultant de la jurisprudence précitée de la CJUE, en posant en principe intangible que, « la Constitution est placée au sommet de l’ordre juridique interne » 37 . D’où il suit qu’en droit national, la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas aux dispositions de valeur constitutionnelle. Aucune juridiction française ne pourrait donc laisser inappliquée une disposition de valeur constitutionnelle en la jugeant incompatible avec un traité.

En référence à ce principe, dans sa décision de 2004 38 , le Conseil a examiné la portée donnée à la liberté religieuse par l’article 10,1 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (« CDF ») 39 et par l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (« CEDH ») au regard de la jurisprudence de la Cour EDH laissant aux États une large marge d’appréciation pour concilier la liberté du culte avec le principe de laïcité 40 . Il a procédé au même raisonnement 41 pour l’appréciation de la contrariété à la Constitution, de l’article 47 de la CDF, qui reprend les garanties processuelles de l’article 6 de la CEDH, imposant la publicité des débats judiciaires, avec les disposions nationales qui restreignent cette exigence.

En deuxième lieu, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de la loi, le Conseil ne peut éviter d’apprécier la conformité à la Constitution de celles qui transposent des directives de l’Union 42 . Ce qui pose à résoudre deux questions, d’une part, la conformité de la loi à la directive, c’est-à-dire l’exactitude de la transposition, d’autre part, la conformité de cette loi à la Constitution, ce qui, lorsque la loi transpose une disposition inconditionnelle et précise d’une directive, conduit à examiner la contrariété de cette même directive avec la Constitution. Ce contrôle est inévitable depuis l’introduction en 1992 dans la Constitution de dispositions relatives à l’Union, et notamment l’article 88-1. C’est donc sur ce fondement constitutionnel, et non de principes tirés de l’ordre juridique de l’Union, que le Conseil, à partir de 2004, a fixé le principe et les limites de son contrôle aux termes d’une jurisprudence évolutive aujourd’hui fixée dans les principes suivants 43 . En premier lieu, Il résulte de l’article 88-1 de la Constitution que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire [ou l’adaptation en droit interne d’un règlement] résulte d’une exigence constitutionnelle ». En deuxième lieu, il se réserve toutefois le pouvoir d’y faire obstacle lorsque cette transposition [ou cette adaptation] « va à l’encontre d’un principe inhérent à l’idée constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ». En troisième lieu, « En l’absence de mise en cause d’une telle règle ou d’un tel principe, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive ou des dispositions d’un règlement de l’Union européenne ». En quatrième lieu, dans cette dernière hypothèse « il n’appartient qu’au juge de l’Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par cette directive ou ce règlement des droits fondamentaux garantis par le [droit de] l’Union européenne ». En cinquième lieu, ce renvoi préjudiciel à la CJUE ne pourrait être décidé que par le juge ordinaire, judiciaire ou administratif ; le Conseil ne s’estime, en effet, pas tenu de mettre en œuvre le mécanisme préjudiciel prévu par l’article 267 du TFUE 44 pour des raisons contingentes tirées des délais qui lui sont impartis pour statuer 45 . Dans cette limite, il peut néanmoins déclarer non conforme à l’article 88-1 de la Constitution une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer » 46 .

Le point nodal de cette construction est que le Conseil s’attribue le pouvoir de juger qu’une directive est contraire à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France. Il s’est toutefois abstenu de donner une définition de ce qu’il comprend par cette formule, laissant planer un doute sur l’ampleur de son contrôle. Ce n’est que par une décision récente 47 que sans en donner les critères, il a distingué ce qui relève d’un tel principe 48 de ce qui lui est étranger 49 .

En renvoyant aux juridictions judiciaires et administratives le contrôle de compatibilité de la loi nationale avec droit de l’Union, le Conseil a abandonné à celles-ci la faculté d’en écarter l’application, même lorsqu’elle a été déclarée conforme à la Constitution 50 , ce qu’elles ont fait dans de nombreux cas. Pour éviter le développement d’un processus incontrôlé de transformation du droit interne par l’effet des droits fondamentaux de source européenne, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 51 a instauré un système de contrôle de conformité de la loi aux droits et libertés que la Constitution garantit, lorsque la question est soulevée à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction ; ce contrôle étant exercé par le Conseil sur renvoi du CE ou de la C. cass. Allant au-delà, la loi organique fixant les modalités procédurales de ce recours 52 a entendu contraindre le CE et la C. cass à saisir le Conseil avant de se prononcer sur les moyens contestant la conformité de la disposition aux engagements internationaux de la France et en particulier au droit de l’Union 53 . La C.cass ayant saisi la CJUE à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités au regard de ce texte 54 , le Conseil en a aussitôt donné une lecture compatible avec les obligations du juge national tirées de l’article 267 du TFUE, écartant ainsi le caractère « prioritaire » de la question de constitutionnalité 55 . Ce qui n’a pas empêché la CJUE de rappeler la primauté de l’article 267 du TFUE sur toutes dispositions d’une loi nationale qui, selon l’expression de l’avocat général M. J. Mazák, « imposent aux juridictions de se prononcer par priorité sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question de constitutionnalité qui leur est posée, dans la mesure où cette question se prévaut de la non-conformité à la Constitution de la République française d’un texte de droit interne, en raison de sa contrariété aux dispositions du droit de l’Union » 56 . Au passage, l’avocat général insiste sur le caractère existentiel pour l’Union du principe de primauté 57 et les obligations qu’il impose à tout juge national, « y compris une cour constitutionnelle » 58 .

Le Conseil a aussitôt introduit une limite à ce nouveau recours en jugeant que le respect de l’exigence constitutionnelle de transposition des directives ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » et ne peut donc être invoqué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité 59 .

Toutefois, dans le cas particulier du contrôle de la conformité à la Constitution de la loi fixant les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application de la Décision-cadre du 13 juin 2002 60 , le Conseil a écarté ces limitations 61 . Cette application avait exigé une modification de la Constitution 62 par l’insertion d’un article 88-2, qui dans sa version actuelle, dispose « La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l’union européenne ». Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité à la Constitution de l’article 695-46 du Code de procédure pénale relatives au mandat d’arrêt européen qui exclut l’appel contre la décision d’extension des effets du mandat à d’autres infractions que celles qui étaient initialement visées 63 , le Conseil s’est, pour la première fois, autorisé, sur le fondement spécifique de l’article 88-2 de la Constitution, à poser une question préjudicielle à la CJUE afin de vérifier si l’exclusion de toute voie de recours était imposée par la directive. Par cette décision, le Conseil s’est donc, dans cette hypothèse au moins, estimé tenu aux obligations de tout juge d’un État membre pour l’application du droit de l’UE. Dans sa réponse préjudicielle, la CJUE l’a d’ailleurs regardé comme tel 64 .

Outre qu’elles sont généralement exclues dans le contrôle de constitutionnalité de la loi, les obligations du juge constitutionnel à l’égard de l’Union sont donc, par exception, variables et de fondements constitutionnels différents selon les catégories d’actes de droit dérivé de l’Union qu’il s’agit d’introduire dans l’ordre juridique interne : modulables mais incomplètes en ce qui concerne les lois de transposition des règlements et directives (art. 81-1) mais entières en ce qui concerne celles qui fixent les règles d’application du mandat d’arrêt européen (art. 81-2), auquel cas les délais imposés au Conseil pour statuer seraient inopposables. Dans la jurisprudence du Conseil, la primauté de l’article 267 du TFUE est à éclipses 65 .

B – Equivoques

Ce rappel de la jurisprudence du juge constitutionnel français sur le prise en compte de la primauté du droit de l’Union par la Constitution pose deux questions de cohérence systémique : la première est celle de l’aptitude de la position du Conseil à promouvoir, dans l’ordre interne, une uniformité d’interprétation des droits fondamentaux de source constitutionnelle avec ceux qui sont garanties par la CEDF, la seconde est la soutenabilité de ces positions dans l’ordre juridique de l’Union.

1 – Sur l’harmonisation des droits fondamentaux

Si elle est conforme aux pouvoirs qui lui sont conférés par le constituant 66 , la position du Conseil à l’égard de l’ordre juridique de l’Union est peu propice à une application l’harmonisée dans l’ordre interne des droits et libertés de source constitutionnelle et conventionnelle. En séparant les fonctions d’interprétation, entre lui-même, pour les droits et libertés garantis par la Constitution et les juridictions judiciaires ou administratives, pour celles que protègent la CEDH et la CEDF, sous le contrôle de l’une ou l’autre des juridictions européennes, le Conseil favorise les visions divergentes de droits fondamentaux au contenu cependant identique, ce qui n’est pas compatible avec la sécurité juridique indispensable à l’État de droit même si, en définitive, la jurisprudence des deux cours européennes finit par s’imposer. La procédure de la question prioritaire de constitutionnalité qui était destiné à coordonner les deux catégories de recours a échoué à atteindre ce but. De sorte qu’il n’est pas rare que dans le domaine essentiel de la protection des libertés, une loi déclarée conforme à la Constitution par le Conseil soit ensuite jugée incompatible avec le droit de l’Union et écartée dans son application par une juridiction judiciaire ou administrative 67 , ce qui, même si l’incohérence est clairement assumée 68 , affecte en fin de compte tout à la fois l’autorité du juge constitutionnel et le sentiment du citoyen de rattachement au pacte républicain historique.

2 – Sur l’intégration des ordres juridiques

Ineffective dans l’ordre interne, la position du Conseil est sur plusieurs points en contradiction avec l’ordre juridique de l’Union. Ce qui pourrait conduire, en certaines circonstances, à l’engagement d’un recours en manquement contre la France 69 . Le nœud de ce hiatus est finalement le refus du Conseil de reconnaître la primauté du droit de l’Union sur la Constitution. Il en déduit que le fondement de sa compétence reste strictement constitutionnel, que, dès lors, sauf disposition particulière de la Constitution, il n’est pas soumis aux obligations de coopération auxquelles est tenu tout juge national dans l’ordre juridique de l’Union, telles qu’elles ont été rappelées dans l’arrêt Melki 70 , qu’il n’est pas compétent pour contrôler la conformité d’une loi au droit de l’Union, qu’enfin, il a le devoir d’écarter une loi de transposition d’une directive de l’Union qui serait contraire à l’identité constitutionnelle de la France.

Jusqu’alors, cette posture dogmatique a toutefois été dépourvue d’effet de nature à provoquer une crise institutionnelle avec l’Union puisque, conformément à l’autonomie de procédure juridictionnelle reconnue aux États membres 71 , c’est finalement sur le juge judiciaire ou administratif que repose la mise en œuvre de la primauté du droit de l’Union et le devoir de coopération qu’elle impose, enfin que c’est ce juge qui, au cas d’espèce, juge de la compatibilité d’une disposition de valeur constitutionnelle avec le droit de l’Union. En outre, tout en s’en donnant le pouvoir, le Conseil s’est jusqu’alors abstenu de déclarer une loi transposant une disposition inconditionnelle et précise d’une directive ou d’un règlement contraire à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France.

En pratique, afin d’éviter les contradictions dans l’interprétation des droits fondamentaux de source constitutionnelle et européenne, dans les travaux préparatoires à ses décisions, le Conseil utilise les techniques de l’interprétation conforme. Si cette démarche n’apparait pas dans sa motivation, elle a toutefois, dans plusieurs cas, a donné des résultats concrets 72 , en particulier sur l’intégration de principe « ne bis in idem » dans les garanties tirées de l’article 8 de la déclaration de 1789.

Cette volonté de rapprochement se complète d’initiatives doctrinales répétées invitant juristes académiques et praticiens spécialisés à analyser sa jurisprudence sur la question, à la théoriser et à la comparer à celle des juridictions constitutionnelles des autres États membres 73 . En outre les décisions du Conseil comme celles de la CJUE se rapportant à ce sujet sont largement commentées et le thème général des rapports entre constitution et droit européen donne lieu à d’innombrables publications. A cela s’ajoute une politique soutenue de diplomatie judiciaire au sein des organisations réunissant les hautes juridictions des États membres ou en participant à des séances de travail régulières avec la CJUE 74 . Tout en prenant une part active à ces politiques d’intégration 75 , le CE a, de son côté, récemment emprunté la voie d’une coopération juridictionnelle avec la CJUE.

II – A la sophistication dialogique

Toute aussi fluctuante a été la jurisprudence du CE sur l’application du principe de primauté des traités sur à la Constitution. Longtemps réticent à reconnaître l’incidence du droit de l’Union dans l’ordre interne (A), la juridiction administrative s’est, à l’inverse, depuis quelques années, engagé dans une étroite coopération avec la CJUE en mobilisant toutes les ressources du recours préjudiciel (B) 76 .

A – La réticence

Respectueux d’une légitimité démocratique impliquant la souveraineté du Parlement donc de la loi  dans l’ordre interne, le CE, tout en admettant sans difficulté, en application de l’article 55 de la Constitution, la primauté des engagements internationaux sur les lois antérieures 77 , a longtemps refusé de la reconnaître sur les lois postérieures 78 en se retranchant dans une position singulière par rapport à la C.cass. 79 , comme à celle des juridictions des États membres 80 et en rupture avec la jurisprudence européenne 81 . Ce n’est qu’en 1989 82 qu’il s’est reconnu le pouvoir d’appliquer l’effet de primauté des traités internationaux, notamment européens, sur les toutes lois internes, y compris postérieures, assumant ainsi la compétence que lui avait abandonnée le Conseil par sa décision de 1975 83 . Depuis lors, il a développé une jurisprudence tirant de multiples conséquences de son rôle de juge de droit commun de l’Union 84 .

Néanmoins, se conformant à la doctrine du juge constitutionnel, le CE a exclu la Constitution de ce contrôle de conventionalité en posant en principe que « si l’article 55 de la Constitution dispose que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois […] », la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle » 85 . Pour justifier cette affirmation, le commentaire autorisé de cette décision précise que la Constitution « est le texte suprême duquel toutes les autorités de l’État, et notamment ses organes juridictionnels, tirent leur pouvoir » 86 , tandis que dans plusieurs discours publics, un Vice-Président du CE a estimé qu’elle est une conséquence nécessaire de l’article 54 de la Constitution 87 . Cette jurisprudence a été confirmée dans des arrêts du 5 mars 1999 88 , puis s’agissant spécifiquement du droit de l’Union, dans un arrêt du 3 décembre 2001 89 .

Sensiblement différente est la position de la C.cass. Saisie de la question de la primauté du droit de l’Union sur la même disposition de valeur constitutionnelle 90 , elle a repris la motivation du CE en ce qui concerne la généralité des accords internationaux, mais a évité de se prononcer sur les traités européens, non concernés en l’espèce 91 , pour tenir compte « de leur nature spécifique originale » 92 . Puis, par sa décision de 2010 93 , elle n’a pas hésité à saisir la CJUE de la compatibilité avec l’article 267 du TFUE d’une disposition de la loi organique prise pour l’application de l’article 61-1 de la Constitution.

B – Suivie de l’engagement

La position ainsi adoptée par le CE l’a conduit à suivre et approfondir la jurisprudence du Conseil sur le contrôle des lois de transpositions des directives de l’Union. Il l’a d’abord fait dans une décision du 8 février 2007 94 . Après avoir cité la motivation de principe du juge constitutionnel, le CE ajoute, s’agissant de sa propre compétence que « le contrôle de constitutionnalité des actes réglementaires assurant directement cette transposition est appelé à s’exercer selon des modalités particulières dans le cas où sont transposées des dispositions précises et inconditionnelles », puis il complète la méthode de contrôle établie par le Conseil en détaillant plusieurs phases. Tout d’abord, « …il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen tiré de la méconnaissance d’une disposition ou d’un principe de valeur constitutionnelle, de rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit communautaire qui, eu égard à sa nature et à sa portée, tel qu’il est interprété en l’état actuel de la jurisprudence du juge communautaire, garantit par son application l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué ». Ensuite, « …dans l’affirmative, il y a lieu pour le juge administratif, afin de s’assurer de la constitutionnalité du décret, de rechercher si la directive que ce décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire ». S’ouvre alors une alternative. Première banche : « il lui revient, en l’absence de difficulté sérieuse, d’écarter le moyen invoqué », ou « dans le cas contraire, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle, dans les conditions prévues par l’article 234 du Traité instituant la Communauté européenne (Désormais 267 du TFUE) ». Seconde branche : « en revanche, s’il n’existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l’effectivité du respect de la disposition ou du principe constitutionnel invoqué, il revient au juge administratif d’examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées». Conformément aux règles de méthode ainsi posées, il a sursis à statuer et saisi la CJUE d’une question préjudicielle sur la validité de la directive en cause au regard du principe général de droit communautaire d’égalité dont l’équivalent constitutionnel réside dans l’article 6 de la Déclaration de 1789 95 .

Cette première étape du dialogue préjudiciel a été suivie d’autres qui ont affiné la méthode. Ainsi, par une décision du 10 avril 2008 96 , le CE a étendu le procédé de contrôle au cas où la directive méconnaîtrait, non pas une disposition constitutionnelle, mais une garantie de la CEDH (en l’espèce les articles 6 et 8). En pareille hypothèse, il a indiqué « que lorsque est invoqué devant le juge administratif un moyen tiré de ce qu’une loi transposant une directive serait elle-même incompatible avec un droit fondamental garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et protégé en tant que principe général du droit communautaire, il appartient au juge administratif de s’assurer d’abord que la loi procède à une exacte transposition des dispositions de la directive ». Ensuite, si tel est le cas, « le moyen tiré de la méconnaissance de ce droit fondamental par la loi de transposition ne peut être apprécié que selon la procédure de contrôle de la directive elle-même ». En l’espèce, pour éviter de saisir le juge européen d’un tel recours, le CE a constaté, qu’à propos de la même disposition, celui-ci s’était déjà prononcé, sur le renvoi préjudiciel d’une autre juridiction nationale (la Cour d’arbitrage – devenue Cour constitutionnelle – de Belgique) et a il tiré sa propre décision de l’arrêt préjudiciel de la CJUE 97 . Ainsi, sur la question de la validité ou de l’interprétation d’une directive, le dialogue coopératif avec la CJUE peut s’étendre à plusieurs juridictions des États membres.

Enfin par un arrêt de 2016 98 , tirant les conséquences de l’arrêt Melki 99 , la CE, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, s’est donné la pouvoir de soulever d’office la difficulté d’interprétation d’une directive, lorsque l’interprétation ou l’appréciation de la validité de celle-ci détermine la constitutionalité de la loi en cause et d’en saisir la CJUE. Par une construction inédite, s’abstenant de saisir le Conseil, il renvoyé le requérant à apprécier, après la décision de la CJUE, s’il y avait lieu de le saisir à nouveau du réexamen de la conformité de la disposition contestée à la Constitution. Ainsi, en pareille hypothèse, le contrôle de conventionalité prend le pas sur celui de constitutionnalité.

Conclusion

L’analyse des décisions hautes juridictions françaises comparées à celles de la CJUE révèle que les rapports de systèmes entre ordre juridique de l’Union et Constitution nationale, outre qu’ils engendrent des solutions contradictoires, répondent à des règles complexes, manipulant des critères malléables tels que, de manière générale, l’identité nationale, inhérente aux structures fondamentales politiques et constitutionnelles des États membres 100 , et spécifiquement, les principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France 101 , dont le contenu et l’application peuvent favoriser les convergence ou à l’inverse attiser les oppositions 102

La mise en œuvre de ces règles est, en outre, orientée par des principes éthiques gouvernant l’attitude de l’un et l’autre des ordres de juridictions : de la part de l’Union et de son juge, le respect des identités nationales, de part et d’autre, la coopération loyale, le respect et l’assistance mutuelle pour l’accomplissement des missions découlant des traités 103  ; tous principes subjectifs qui laissent aux diverses juridictions une latitude propice aux stratégies de puissance ou de soumission, de domination ou de résistance, d’intégration ou de séparation.

Dans les conclusions précitées 104 , l’Avocat général Miguel Poires Mauro, insiste sur la complexité de ce mécanisme d’évitement des conflits de normes fondamentales : « …l’examen de la compatibilité des actes communautaires avec les valeurs et principes constitutionnels des États membres ne peut être effectué qu’au travers du droit communautaire lui-même et est limité, pour l’essentiel, aux valeurs fondamentales qui font partie de leurs traditions constitutionnelles communes. Le droit communautaire ayant ainsi intégré les valeurs constitutionnelles des États membres, les constitutions nationales doivent adapter leurs prétentions à la suprématie, afin de respecter l’exigence existentielle de primauté du droit communautaire dans son champ d’application. Cela ne signifie pas que les juridictions nationales ne jouent aucun rôle dans l’interprétation à donner des principes généraux et droits fondamentaux communautaires. Il est au contraire inhérent à la nature même des valeurs constitutionnelles de l’Union en tant que valeurs constitutionnelles communes aux États membres qu’elles doivent être précisées et développées par la Cour en dialogue constant avec les juges nationaux, notamment ceux qui sont chargés de l’interprétation authentique des constitutions nationales ».

Encore faut-il, pour que cette subtile dynamique irénique puisse atteindre son but, que, de part et d’autre, elle soit activée par des juges réagissant avec souplesse en considération des fondements l’Union énumérées par l’article 2 du TUE et qu’ils partageant les valeurs de l’État de droit….

Mais la question est désormais sortie du cercle des juges ; elle mobilise les rapports de force politique au sein de l’Union et, dans certains États membres, agite le discours des tribuns. Sont alors en mouvement les ingrédients idéologiques de l’irrationalité simplifiante.

« La pensée simplifiante est incapable de concevoir la conjonction de l’un et du multiple (unitas multiplex). Ou bien elle unifie abstraitement en annulant la diversité. Ou, au contraire, elle juxtapose la diversité sans concevoir l’unité ».

Edgar Morin, op.cit.

Notes

  1. Dont l’origine est une grave atteinte à l’indépendance des juridictions.
  2.  O. Pfersmann, « La primauté : double, partiellement directe, organiquement indéterminée », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 18 (dossier : Constitution et Europe) – juillet 2005 ; Conclusions de l’avocat général Miguel Poiares Maduro, aff. C-127/07, Société Arcelor Atlantique et Lorraine e.a, pt 15 : « …Cette revendication concurrente de souveraineté juridique est la manifestation même du pluralisme juridique qui marque l’originalité du processus d’intégration européenne ».
  3.  CJCE, 5 février 1963, van Gend & Loos, aff. 26-62 ; B. Bonnet, « Les rapports entre droit constitutionnel et droit de l’Union européenne, de l’art de l’accommodement raisonnable », Conseil constitutionnel | « Titre VII », 2019/1 N° 2 | pp 11-21.
  4. CJCE, 15, juillet 1964, Costa contre E.N.E.L., aff. 6-64.  
  5. CJCE, 13 février 1969, Walt Wilhelm, aff.14-68 ; 17 décembre 1970, Interlationale Handelsgesellschaft, aff. 11-70.
  6.  CJUE, 5 avril 2016, Aranyosi et Caldararu, aff. jointes C-404/15 et C-659/15.
  7. Didier Blanc, « Assurer le caractère commun du droit de l’Union : de l’uniformité d’application à l’homogénéisation ? Une main tendue au bout du bras de fer », in Réseau des normes, réseau des juridictions (dir. H. Gaudin), LGDJ, 2021.
  8. J.-P. Jacqué, « La CJUE de l’Union européenne et la théorie des ‘contre limites’ », 2005, accessible via le lien suivant : <http://www.droit-union-europeenne.be/432984946>.
  9.  Article 53 CDF ; CJUE, 26 février 2013, Melloni, aff. C-399 ; 23 février 2013, Fransson, aff. C-617/10 ; 24 juin 2019, Poplawski, aff. C-573/17. 
  10.  Article 4, §2 du Traité sur l’Union Européenne (« TUE ») ; CJUE, 8 septembre 2017, M.A.S. et M.B., aff. C-42/17.
  11. Article 258 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (« TFUE »).
  12.  CJUE, 12 Novembre 2009, Commission contre Royaume d’Espagne, aff. C-154/08.
  13.  Voir pour ce qui concerne l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne : X. Magon, « Le juge constitutionnel et le droit européen », Annuaire de Droit européen, 2004, Vol. II, 2006, pp. 119-147. Pour ce qui concerne spécifiquement l’Allemagne, C. Langenfeld, « La jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle allemande relative au droit de l’Union européenne », Titre VII, n° 2, avril 2019 et, en dernier lieu, Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne concernant le programme PSPP de la Banque centrale européenne, arrêt du 5 mai 2020.
  14.  Tribunal constitutionnel, Jugement pour la République de Pologne, Varsovie, le 7 octobre 2021, Évaluation du respect de la Constitution de la République de Pologne de certaines dispositions du traité sur l’Union européenne, Réf. acte K 21/3.
  15.  Articles 56 à 63 de la Constitution.
  16.  Cons. const., 16 juillet 1971, n° 71-44 DC, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
  17.  « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004 ».
  18.  Cons. const., 15 janvier 1975, n° 74-54 DC, Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse.
  19. Ibid, cons. 1 à 7.
  20.  Cons. const., 3 septembre 1986, n° 86-216 DC, Loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ; Cons. const., 29 décembre 1989, n° 89-268 DC, Loi de finances pour 1990.
  21.  Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, n° 73-13.556, Jacques Vabre : Bull. civ., n° 4. 
  22.  CE, Ass. 20 octobre 1989, n° 108243, Nicolo.
  23.  CJUE, 9 mars 1978, Simmenthal, préc. ; G. Canivet, « Le droit communautaire et l’office du juge national », Droit et Société, 1992 n°20-21, pp. 133-141.
  24.  Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, art. 29.
  25.  Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution.
  26.  17 Voir, notamment, arrêts CJUE du 9 mars 1978 Simmenthal, préc. pts 21 et 24 ; du 20 mars 2003, Kutz-Bauer, C-187/00, Rec. p. I-2741, p 73 ; du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. C-387/02, C-391/02 et C-403/02, Rec. p. I-3565, pt 72, du 19 novembre 2009, Filipiak, C-314/08, pt 81.
  27.  Obligations que lui a rappelées l’arrêt CJUE Aziz Melki et Sélim Abdeli du 22 juin 2010, affaires jointes C‑188/10 et C‑189/10, pt 56.
  28.  « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution. ».
  29.  Cons. const., 9 avril 1992, n° 92-308 DC, Traité sur l’Union européenne (Maastricht I, II, III), cons. 14 ; Cons. const., 31 décembre 1997, n° 97-394 DC, Traité d’Amsterdam, cons. 7.
  30.  Cons. const., 19 novembre 2004, n° 2004-505 DC, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, cons. 7
  31.  Article I-6 du traité, Décision 19 novembre 2004, n° 2004-505 DC, préc. cons. 13.
  32.  Cons. const., 20 décembre 2007, décision n° 2007-560 DC, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne.
  33.  Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre « Des Communautés européennes et de l’Union européenne ».
  34.  Art. 88-1 (résultant de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution), « La République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».
  35.  Cons. const., 20 décembre 2007, n° 2007-560 DC, préc. cons. 7.
  36. Ibid, cons. 10 ; formule reprise par Cons. const., 9 août 2012, n°2012-653 DC, Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, cons 9.
  37. Décision n° 2004-505, préc. cons. 18.
  38.  Article 10, 1 de la CDF : « Liberté de pensée, de conscience et de religion. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ». 
  39. Cons 18.
  40.  Cons. 19.
  41.  G. Canivet, « Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois de transposition des directives communautaires, Principes fondamentaux et transposition des directives communautaires », colloque à Budapest, 1-3 octobre 2009 : <https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-membres/le-controle-du-conseil-constitutionnel-sur-les-lois-de-transposition-des-directives-communautaires>.
  42.  Cons. const., 15 octobre 2021, n° 2021-940 QPC, Société Air France [Obligation pour les transporteurs aériens de réacheminer les étrangers auxquels l’entrée en France est refusée], cons. 9.
  43.  Cons. const., 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 19.
  44.  Dans les cas prévus par l’article 61 de la constitution « le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours ». En matière de question prioritaire de constitutionnalité, si l’article 61-1 de la Constitution impose au Conseil de se prononcer « dans un certain délai », c’est la loi organique du 10 décembre 2009 prise pour son application qui prévoit qu’il statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine (article 23-10 Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel)
  45.  Cons. const., 27 juillet 2006,n° 2006-540 DC, préc, cons. 20.
  46.  Cons. const., 15 octobre 2021, n° 2021-940 QPC, Société Air France [Obligation pour les transporteurs aériens de réacheminer les étrangers auxquels l’entrée en France est refusée].
  47.  « L’’interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits », pt 15.
  48.  « Le droit à la sûreté, le principe de responsabilité personnelle et l’égalité devant les charges publiques, qui sont protégés par le droit de l’Union européenne », cons 14.
  49.   Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, cons. 13. « Considérant, en premier lieu, que l’autorité qui s’attache aux décisions du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 62 de la Constitution ne limite pas la compétence des juridictions administratives et judiciaires pour faire prévaloir ces engagements sur une disposition législative incompatible avec eux, même lorsque cette dernière a été déclarée conforme à la Constitution ».
  50.  Article 29 de la Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
  51.  Loi n° 2010-830 du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution.
  52.  Article 23-5, alinéa 2 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
  53.  C. cass, 16 avril 2010, Aziz Melki (n° 10-40001) et Sélim Abdeli (n° 10- 40002).
  54.  Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, préc., cons. 13 à 15.
  55. Conclusions de l’avocat général M. J. Mazák, 7 juin 2010, aff. jointes C-188/10 et C-189/10, Aziz Melki et Sélim Abdeli, pt 77. 
  56.  Pt 73 : « le principe de primauté (…) est la pierre angulaire du droit de l’Union. (…) Ce principe a encore été rappelé récemment dans les déclarations annexées à l’acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 ».
  57. D. Simon, A. Rigaux, « La priorité de la QPC : harmonie(s) et dissonance(s) des monologues juridictionnels croisés », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n°29, octobre 2010 : <https://www.conseil-constitutionnel.fr/node/2830/pdf>.
  58.  Cons. const., 12 mai 2010, n° 2010-605 DC, préc. cons. 19.
  59.  Décision-cadre du conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2002/584/JHA).
  60.  Cons. const., 4 avril 2013, n° 2013-314P QPC, M. Jeremy F. [Absence de recours en cas d’extension des effets du mandat d’arrêt européen – question préjudicielle à la CJUE].
  61.  Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen
  62.  Article 685-46, alinéa 4 du code de procédure pénale (article 17 de la Loi n°2004-204 du 9 mars 2004).
  63. CJUE, 30 mai 2013, C-168/13 PPU, Jeremy F.
  64.  X. Magnon, « La révolution continue : le Conseil constitutionnel est une juridiction… au sens de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », Revue française de droit constitutionnel, 2013.
  65.  A. Levade, « Constitution et Europe ou le juge constitutionnel au cœur des rapports de système », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 18, juillet 2005 ; « Le Conseil constitutionnel et l’Union européenne », Cahiers du Conseil constitutionnel, Hors-série – colloque du cinquantenaire, 3 novembre 2009 ; « La construction européenne et son incidence sur les compétences étatiques et la hiérarchie des normes », Revue française de droit constitutionnel, 2015/2 (n° 102).
  66.  Pour des exemples de ces cas voir G. Canivet, « L’incontournable question de l’application du droit européen par le juge constitutionnel français », Conférence organisée par l’Académie de Droit Européen sur la protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne, Trèves, 18-19 juin 2015 : <https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-membres/l-incontournable-question-de-l-application-du-droit-europeen-par-le-juge-constitutionnel-francais>.
  67.  Cons. const., 15 janvier 1975, n° 74-54 DC, préc., cons 5 « Considérant qu’une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution » ;  12 mai 2010, n° 2010-605 DC, préc, cons. 13 « […] l’autorité qui s’attache aux décisions du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 62 de la Constitution ne limite pas la compétence des juridictions administratives et judiciaires pour faire prévaloir ces engagements sur une disposition législative incompatible avec eux, même lorsque cette dernière a été déclarée conforme à la Constitution ».
  68. Articles 258 à 261 du TFUE.
  69.  CJUE, 22 juin 2010, préc, points 40 à 45.
  70.  CJCE, 16 décembre 1976, aff. 33-76, pt 6.
  71.  G. Canivet, « L’incontournable question de l’application du droit européen par le juge constitutionnel français », préc. ; voir par exemple, Cons. const., 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC, Cristallisation des pensions.
  72. Voir en dernier lieu : « De l’intégration des ordres juridiques : droit constitutionnel et droit de l’Union européenne », Titre VII, 2019/1 (N° 2).
  73.  Cons. const., activités internationales : <https ://www.conseil-constitutionnel.fr/le-conseil-constitutionnel/activites-internationales>.
  74.  CE, rapport 2020, Troisième partie, Etudes, Débats, partenariats, coopération européenne et internationale, p. 380.
  75.  J.-M. Sauvé, « Le CE et le droit européen et international », discours prononcé à l’Université de Tokyo, le  mercredi 26 octobre 2016 : <https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/le-conseil-d-etat-et-le-droit-europeen-et-international> ; « L’autorité du droit de l’Union européenne : le point de vue des juridictions constitutionnelles et suprêmes », Intervention de Jean-Marc Sauvé au Congrès du 25ème anniversaire de l’Académie de droit européen (ERA) à Trèves le 19 octobre 2017 : <https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/l-autorite-du-droit-de-l-union-europeenne-le-point-de-vue-des-juridictions-constitutionnelles-et-supremes>.
  76.  CE, 1er mars 1968, Syndicat des fabricants de semoule, Rec. 149.
  77.  CE, 1er mars 1968, préc. ; 22 octobre 1979, Union démocratique du travail, n° 17541 ; CE Ass., 13 mai 1983, SA René Moline, n° 37030.
  78.  Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, préc.
  79.  La Cour de cassation de Belgique, la Cour constitutionnelle fédérale allemande et la Cour constitutionnelle d’Italie avaient toutes reconnu la primauté du droit internationale sur la loi nationale. B. Stirn et Y. Aguila, Droit public français et européen, Dalloz, 2014, p. 157.
  80.  CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, préc.
  81.  CE, Ass., 20 oct. 1989, n° 108243, Nicolo, précité.
  82.  Cons. const., 15 janvier 1975, préc.
  83.  Pour le détail de cette jurisprudence, voir Jean-Marc Sauvé, discours préc.
  84.  CE, Ass., 30 octobre 1998, n°200286, Sarran et Levacher.
  85. <https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/les-grandes-decisions-du-conseil-d-etat/conseil-d-etat-assemblee-30-octobre-1998-sarran-et-levacher>.
  86.  Jean-Marc Sauvé, discours préc.
  87.  CE, Ass., 5 mars 1999, n°194658, Rouquette et autres.
  88.  CE, 3 décembre 2001, n°226514, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique
  89.  Article 188 de la loi organique du 19 mars 1999.
  90.  Cass. ass. plén., 2 juin 2000, 99-60.274.
  91.  CJUE, Costa c/ ENEL, préc. point 3.
  92.  Cass. ass. plén., 16 avril 2010, préc.
  93.  CE, 8 février 2007, n°2871110, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres.
  94.  Cons. const., 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC,  M. John L. et autres [Cumul des poursuites pour délit d’initié et des poursuites pour manquement d’initié].
  95.  CE, 10 avril 2008, n°296845.
  96.  CJUE, 26 juin 2007, aff.C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophones e.a.
  97.  CE, 31 mai 2016, n°393881.
  98.  CJUE, 22 juin 2010, préc.
  99.  Article 53 CDF ; CJUE, 26 février 2013, Melloni, aff. C-399 ; 23 février 2013, Fransson, aff. C-617/10 ; 24 juin 2019, Poplawski, aff. C-573/17. 
  100.  Notion issue de la jurisprudence du Conseil.
  101.  F. Fines, « La double identité, nationale et constitutionnelle, des Etats membres de l’Union », Revue générale du droit, 2021, n°57833.
  102.  Article 4, §3 du TUE.
  103.  Conclusions de l’avocat général Miguel Poiares Maduro, 16 décembre 2008, aff. C-127/07, pt 17.
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Guy Canivet, Constitution française et droit de l’Union européenne. Approche par la complexité des rapports de puissance juridique, Groupe d'études géopolitiques, Déc 2021,

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